Texte de Colette

Non.
Ça a été bref.
Ça a été sec.
Ça a été dur.
Ça a été violent.
Ça a été.

3650 jours. C’est beau. Là, c’était devenu long. C’était long. C’était juste long. En fait, c’était surtout long. Coïncidence ou fait exprès, le choix a été rapide. La décision, soudaine. Heureux. Ils le voulaient. Ils le semblaient. Ils se croyaient. Ils avaient été ? Chacun s’assujettissait silencieusement à l’autre. Jusqu’au jour où. Le jour. Ce jour. Elle a appelé. Elle a dit que c’était important. Il est venu. Ils ont parlé. Elle a dit Non. Il n’a rien dit. Elle a pleuré. Beaucoup. Il n’a rien dit. Il ne dit plus rien. Ils ne disent plus rien.

Comment faire face alors ? Se raccrocher ? A quoi ? Pourquoi ? Pour qui ? Le 28 février, leur vie était morte. Le 28 février, leurs vies étaient mortes. Elle le croyait. Vraiment. Elle sentait un caillot à l’entrée du péricarde. Entrée interdite. Pas la peine d’essayer.

Un jour.
Après.
Quelqu’un d’autre.

Une onde. Une voix. Un bruit. La voix. Celle qui l’avait toujours faite sourire. Son autre. Son double. Grave. Gutturale. Sûre. Elle connaît tout d’elle. De lui. Elle y songe. Elle appelle. Ils parlent. Elle écoute. Elle raccroche. Elle y pense. Souvent. Très souvent. Toujours.

Un regard. Deux boules à facettes. Miroirs de vies. Miroirs de sa vie à lui. Miroirs de leurs vies à eux. Miroir de leur vie à eux. Par cœur, elle les connaît. Chaque détail. Ça fait longtemps. C’était il y a longtemps. Ils ont grandi. Ils ont vieilli. Ils sont restés liés. Attachés.

Jusqu’à ce jour, elle n’était plus. Elle s’est rappelé qu’il lui avait plu. Il savait qu’elle lui plaisait. Longtemps, ils s’étaient passés à côté. Ils se sont finalement trouvés. Toujours s’étaient-ils aimés ?

Maintenant elle dit, parce que c’est lui, parce que c’est moi. Merci Montaigne.

Maintenant elle est.

Aujourd’hui,
C’est bien.
C’est intense.
C’est bon.
C’est intense.
C’est.
Ils sont.

Par Colette
Lorsqu’elle écrit Colette n’a pas d’âge…
Les mots s’enfilent comme des perles sur un collier…
Les textes qu’elle écrit ne vivent que sur l’écran de son ordinateur ou sur les pages de ses carnets.
Aujourd’hui, elle décide de se lancer un défi,
Elle a envie,
Elle a peur,
Elle est impatiente,
Elle imagine,
Elle est heureuse d’écrire, là, maintenant, tout de suite ; de penser à ce qui l’attend…

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Voici un texte à très forte composante de « forme ». Il y a un vrai travail du rythme, de la sonorité du texte, l’utilisation de tournures pas forcément habituelles (j’aime beaucoup par exemple «toujours s’étaient-ils aimés ? »), des cassures de phrases. Colette semble s’être saisie à bras le corps de la suggestion des « phrases courtes », et a fait un vrai travail esthétique, à la manière d’un sculpteur. Je trouve personnellement ce travail réussi, le texte a un côté « hypnotisant » grâce à cette rythmique insufflée au delà (ou en deça) des mots. Je pense que ce serait un texte passionnant à « mettre en voix ».

La contrepartie, c’est que ce vrai travail de forme, pour moi, occulte un peu le fond. C’est peut-être volontaire, d’ailleurs. Mais à titre personnel, je ne suis pas certaine d’avoir totalement compris le propos du texte. On en perçoit le contour général, un ancien amour que l’on retrouve. Mais cela reste flou et presqu’un peu « banal ». Du coup, cela crée un décalage entre la forme originale et travaillée, et l’histoire de fond qui l’est moins.

Je pense qu’il y a un vrai challenge possible pour faire évoluer ce texte, qui consiste à le rendre clair sans qu’il ne devienne pour autant explicatif. Lui garder son côté un peu magnétique, mystérieux, avec ce travail de forme, mais que ça ne soit pas au détriment de l’histoire qu’il raconte, qu’on pourrait mieux comprendre, et qui pourrait être plus riche. Ainsi on ne resterait pas sur sa faim.

Merci Gaëlle pour ton retour!
Ce que tu soulignes m’a bien tracassé l’esprit avant de t’envoyer mon texte… J’avais essayé de le rendre « plus riche » afin de faciliter la compréhension du lecteur mais j’avais alors le sentiment de « perdre » ce rythme sec et cassant imposé par la brièveté des phrases….
Je compte bien m’y remettre et tenter de le faire évoluer! Amis scripteurs, compères d’une session, vos remarques, idées, commentaires sont les bienvenus évidemment! et les tiens aussi Gaëlle bien sûr!
Voici ce que je souhaiterais « dire » ou pas… du moins ce je souhaiterais que le lecteur comprenne…
Pourquoi après 10 ans de vie, 10 ans d’amour, se pose-t-elle la question des fondements de cet amour?
Ainsi, elle dit Non.
En amour il y a une question à laquelle répondre non aussi fermement et avec autant de violence peut tout briser.
[ je voudrais exprimer cette violence en insistant sur la succession des « banalités » auxquelles ils ont cru, les habitudes dans lesquelles ils se sont perdus, la longueur du temps qui a passé et surtout du temps qui passe….]
En disant non, elle casse tout, elle le sait, elle le veut.
Anéantie par elle-même, perdue loin d’un quotidien réglé et confortable, elle n’y croit plus.
Tout au fond c’est à lui qu’elle pense. Osera-t-elle ?
Ils osent ensemble. Ils se trouvent. Se retrouvent. Elle revit. Ils vivent.
[ là j’hésite à introduire des faits concrets sur la rencontre, la progression et l’aboutissement à ce qu’ « elle » décrit comme bon, intense…j’ai peur que ça casse la sensation voulue au départ…. en même temps avec des faits un peu « travaillés » je peux peut-être aiguiller mon lecteur et m’assurer de sa compréhension?!]

voilà voilà….je sais pas, j’hésite, j’ai l’impression de rafistoler, de faire un bric à brac mal foutu…c’est dur de revenir sur un texte non ? vous trouvez pas?
help!!!! 😉

Colette, tu soulèves là à la fois la grande difficulté de l’écriture, et à mon sens, sa plus grande richesse: revenir sur un texte 🙂

Alors soyons clairs: oui, c’est dur! Il arrive que l’on n’y voie pas clair, que l’on ne sache pas quoi faire, même quand le texte est dissonant et qu’on le sait. Il arrive aussi que l’on sache parfaitement ce qu’il faudrait faire « dans l’absolu », mais quant à y parvenir dans la pratique… Ahem. Et puis parfois, il arrive qu’on affine doucement les choses, qu’on y voie de plus en plus clair, et que ça finisse par marcher. Et là, c’est encore meilleur qu’un carré de chocolat grand cru!

Je pense que ton idée de réintroduire des faits concrets est bonne. Si tu n’as pas encore eu le temps de le faire, tu peux aller lire le texte d’Ariane. Tu verras qu’introduire du concret n’est pas forcément incompatible avec une écriture très rythmée, parfois même hachée. ça peut même fonctionner très bien dans une description de scène en train de se dérouler.

Insister sur la violence des banalités du quotidien, en gardant ce rythme, ça peut être simplement les répéter. Un truc du genre:

« Se lever. Se sourire. Journée de boulot. Rentrer. Se sourire. Se coucher. Se sourire. Se lever.

Plus envie de sourire. »

Ce n’est qu’un exemple rapide et pas forcément pertinent. Mais juste pour montrer que les banalités factuelles sont aussi possibles à introduire dans une écriture très rythmée.

Allez, Colette, courage! Au boulot! Oui, c’est du bricolage, mais à coup de bricolage, on connait tous des gens qui se sont fabriqués des super baraques à partir de pas grand chose. Or là, tu as déjà une belle matière, donc en avant 😉

Oui Colette, il est vrai que retravailler un texte, ce n’est pas facile… Mais je crois que quand la base est déjà posée, comme ici, le plus gros est déjà fait !
Un truc qui fonctionne, c’est de laisser reposer la première version (une semaine minimum) pour la reprendre avec un œil neuf. Il se passe alors un truc merveilleux: quelques aspérités accroche à la lecture, ici une phrase bancale, ailleurs une répétition inutile…
Bref, concernant ton texte, la structure du texte, très hachée, m’a surprise au début et après, j’ai trouvé comme Gaëlle que ça avait un côté hypnotisant. Et si je comprends ton désir de donner un ton sec et cassant au texte, je pense que tu peux garder cette forme sur certaines parties du texte, tout en instillant un peu plus de « jus » à tes phrases afin de donner du corps aux propos de ton personnage. Si je n’avais qu’un conseil à te donner, ce serait d’oublier ce style que tu t’es imposée le temps d’une lecture, et de voir la situation avec les yeux de ton personnage, pas avec ceux de l’auteur… Puis après, dans un second temps avec ceux du lecteur. Ecrire demande, me semble-t-il, de savoir parfois se mettre en retrait pour mieux appréhender ce qui est sorti de notre cerveau ! 😉
Je me permets une petite piste de réécriture sur le 2ème paragraphe;
« 3650 jours, c’est beau.
Mais, là, c’était devenu long. Juste long. Véritablement long.
Coïncidence ou fait exprès, le choix était arrivé de façon rapide. La décision, soudaine. Être heureux, ils le voulaient. Ils y croyaient. Ils le fantasmaient. L’avaient-ils été ? Chacun s’assujettissait silencieusement à l’autre. Jusqu’au jour où…. LE jour. Elle a appelé. A dit que c’était important. Alors, il est venu.
Ils ont parlé. Elle a dit Non. Il n’a rien dit. Elle a pleuré. Beaucoup. Il n’a rien dit. Il ne disait plus rien. Ils ne disaient plus rien. »
Voili, voilou…
(J’ai surtout fait en sorte d’éliminer la répétition du verbe être et du mot « fait » (fait exprès+ en fait + verbe faire) qui envahissait ce paragraphe… Et je t’avoue ne pas avoir trop compris ce que tu voulais dire dans ce passage: « Ils le voulaient. Ils le semblaient. Ils se croyaient. Ils avaient été ? »)
J’espère que mon (loooong et peut-être pas toujours très clair) commentaire t’aidera. 🙂

Et je suis désolée pour mes fautes d’orthographe énOrmes dans mon commentaire…

Je rajoute à ce qu’a dit Emma (et qui est fort juste), qu’il est parfois nécessaire aussi de se glisser dans la peau d’un lecteur. C’est à dire essayer de lire le texte en faisant abstraction de l’histoire qu’on a imaginée, et des détails que l’on a éludés, pour voir si on la comprend. C’est aussi à ça que sert le fait de laisser « reposer » un texte quelque temps (à titre perso, il est rare, quand je soumets un texte pour oubli, qu’il n’ait pas dormi au moins un mois avant l’ultime relecture/retravail). Quand on le reprend, certains détails se sont estompés dans notre mémoire, et on s’aperçoit parfois que tel ou tel passage n’est pas suffisamment clair.

Mais effectivement, tu as déjà une super base pour retravailler, Colette, il est donc interdit de baisser les bras 😉