Ateliers d’écriture créative, de fictions, animés par Francis Mizio

Catégorie : Lou

Texte de Lou

12 février 2015

30 ans ! Ça y est, j’ai franchi un cap ! 30 ans, fêtés entourée de mes amis, ma famille, sans oublier les plus importants, mon mari Philippe, et mon fils, Charles.

L’effet de la dizaine amène souvent à faire un point sur notre vie. Je ne manque pas à la règle. Cependant, j’ai déjà commencé ce bilan il y a quelques années, lorsque j’ai commencé à travailler avec ma psy. C’est fou comme le nombre de blocages et d’angoisses de notre vie d’adulte sont à mettre en lien avec des moments vécus dans notre enfance ! Mon père. Lui qui n’a jamais supporté le vide, l’inaction et avec une exigence démesurée… Ce père, qui a enfermé ma mère dans un quotidien où elle n’existait – n’existe encore – qu’en tant qu’exécutante, sans jamais être à l’écoute de ses envies ni de ses besoins. Ce père, dont j’ai réussi à me détacher peu à peu, pour vivre ma propre vie, en arrêtant de culpabiliser.

Philippe est ingénieur. Nous nous sommes rencontrés en boîte de nuit, au cours d’une de ces soirée où tout se déroule de façon improbable et en même temps tellement évidente. C’est une amie qui m’avait obligée à sortir : « Ce n’est pas en restant chez toi que tu rencontreras l’homme de ta vie ! ». Tout est allé très vite entre nous. Pourquoi perdre du temps en questionnements alors que nous le savions : nous passerons notre vie ensemble. A peine 2 ans plus tard, alors que nous avions tout juste 25 ans, nous nous sommes mariés, suite à une discussion pleine d’insouciance : « Cap ou pas cap ? ». Notre petit Charles est arrivé 3 ans plus tard, pour mes 28 ans.

A 30 ans, je peux dire que je suis heureuse. A 30 ans, je suis peut être enceinte de mon 2ème enfant…

1 an plus tard

La requête de l’avocate a été acceptée ! L’huissier est allé au petit matin chez Philippe pour constater l’adultère. Ça a été un moment de violence terrible, paraît-il. Philippe, toujours dans l’hyper-contrôle pour montrer son soi-disant côté angélique, n’a pas supporté cet affront.

C’est tellement jouissif que cette double-vie soit reconnue par la loi et me donne -enfin- la légitimité de demander le divorce pour faute. Je me sens libérée, et surtout, reconnue et entendue… Après cette année de souffrances.

J’ai découvert sa liaison alors que j’étais enceinte de 2 mois 1/2. De promesses en trahisons, il a pourtant réussi à me faire croire qu’il m’aimait mais qu’il n’arrivait pas à la quitter. Je savais qu’il était intelligent mais je ne savais pas qu’il utiliserait cette intelligence pour me manipuler, pour jouer avec les mots et adapter ses paroles en fonction des buts à atteindre. Il me disait ce que j’avais besoin d’entendre, dans mon état de vulnérabilité lié à la grossesse et à la découverte de sa double vie.

La naissance de Mélanie m’a aidée à ouvrir les yeux.

J’avais l’impression que finalement, la maîtresse, c’était moi. Il avait pris un appartement peu de temps avant l’accouchement, tant que nos problèmes de couple n’étaient pas résolus. Quand il venait s’occuper des enfants, 2 nuits par semaine, je n’arrivais pas à le laisser dormir sur le canapé… C’était tellement bon de le retrouver, d’avoir la sensation, l’espace de quelques minutes, de ne l’avoir rien qu’à moi.

Et puis il se levait aux aurores et prenait une douche avant de repartir… la rejoindre ?

Un matin, à force de douter, j’ai fait garder les petits et je suis allée chez lui. Enfin… Chez eux.

1 an plus tard.

Sur la côte landaise, les petits jouent sur la plage. Tout à l’heure nous reprendrons la route dans le vieux VW combi que j’ai enfin pu m’offrir ! Mon rêve depuis toujours !

Philippe a essayé de me détruire, de me couper de mes enfants, de retourner tout le monde contre moi. Aujourd’hui, je vais bien, les petits vont bien. Le juge a prononcé très rapidement le divorce pour faute. Les petits restent avec moi et voient leur père tous les 15 jours et une partie des vacances.

Sa maîtresse, qui n’est intéressée que par les hommes mariés, l’a quitté juste après le divorce. Le quotidien de Philippe ? Le néant. Il doit être à la recherche d’une nouvelle proie qu’il pourra manipuler, emprisonner dans une vie qui ne tournera qu’autour de lui.

Et moi ? J’existe ! Je me suis retrouvée et j’existe. Quel merveilleux sentiment !

D’une certaine façon, je lui suis reconnaissante de m’avoir trompée. C’est ce qui m’a permis d’ouvrir les yeux. J’ai réalisé qu’il ne m’aimait pas pour ce que j’étais, mais pour l’image de lui que je lui renvoyais.

L’apocalypse est derrière moi.

Aujourd’hui je construis mon histoire et celle de mes enfants. Une histoire où chacun existe et peut exprimer ses envies et ses émotions.

Une histoire d’amour.

Par Lou

Texte de Lou

Le printemps : les odeurs, ce soleil qui nous ébloui par ses rayons, sans nous étouffer par sa chaleur…

Quel bonheur, quelle joie !

Chaque année, c’est le même plaisir, la même redécouverte. Le parfum des arbres en fleurs, mêlé à celui de la rivière, sans oublier l’herbe… Il n’y a pas d’odeurs plus enivrantes que celles du printemps !

Et puis… Il y a les bruits aussi ! Ceux de la nature, les « glouglou » paisibles de l’eau, les « schrouf » lorsque l’on marche dans l’herbe, le « pfffff » du vent, le « … » du soleil. Et puis les autres bruits : les « dring dring » des sonnettes de vélos, les « bonjour » enjoués des gens, les « hahaha » innocents des enfants…

Et enfin, il y a ces sensations : les brindilles qui chatouillent, la chaleur du sol lorsqu’on s’assoit, la fraîcheur des éclaboussures de l’eau lorsqu’on s’approche trop près… !

Oh ça oui, j’aime le printemps !

Mais aujourd’hui, le printemps a peu d’odeurs, ou plutôt elles sont bien fades, car il m’en manque une.

Le printemps a moins de couleurs, ou du moins elles sont bien ternes, car il m’en manque une.

Le printemps a peu de reliefs, ou plutôt ils sont bien lisses, car il m’en manque un.

Oui. Aujourd’hui, je suis seul : elle a disparu. De façon inattendue et inexpliquée. Depuis, c’est le désarroi, la solitude, l’ennui, l’inquiétude, le manque, l’absence. Je l’ai cherchée partout… Mais rien à faire… Elle a disparu, sans prévenir !

Elle, avec son parfum qui me rappelle les merveilleux moments passés ensemble.

Elle, avec son teint de soleil, sa peau si douce, ses traits fermes et ses courbes si délicates…

Ma chérie.

Solitude, ennui, errance.

Et puis, alors que je m’approche de la prison que nous détestons tant, il me semble t’apercevoir… Je m’approche : mais oui c’est bien toi ! Comment t’es-tu retrouvée dans cette prison ma chérie ?

Je te vois mais tu es si loin, complètement figée alors que je ne te connais qu’en mouvement !

Tiens bon, je vais trouver une solution !

Les murs sont trop hauts, je ne pourrai jamais passer au-dessus. Les barreaux sont trop serrés, je ne pourrai jamais passer à travers. Il faut donc que je réussisse à passer par en dessous. Oui c’est la bonne solution ! Je me mets donc à creuser frénétiquement, tiens bon ma chérie, j’arrive, nous serons bientôt réunis et…

Je n’y arrive pas.

C’est trop. Trop dur, le sol est trop compact, je me fais mal.

Je cherche, je réfléchis, j’examine les barreaux de cette prison dans tous les coins, je cours d’un mur à l’autre, je réessaie de creuser mais non, c’est trop dur, je n’y arrive pas. Alors, je m’assois, et je pleure de désespoir en te regardant au loin, toujours immobile, figée. J’aimerais tellement t’atteindre, te retrouver et te redonner vie. Nous imaginer ensemble, réunis, me fait pleurer de plus belle !!

C’est alors qu’il arrive, cet inconnu, attiré par mes sanglots. Il s’approche de moi, avec un air plein de compassion même si je vois bien qu’il ne comprend pas tout de suite. Me voyant assis, il croit que je me suis fait mal. Et puis il suit mon regard et il comprend. Il étudie la situation, et aperçoit ma belle emprisonnée. Il réfléchit, comme je l’ai fait avant lui, et je lui montre les différentes options, dans un regain d’espoir et d’énergie : les barreaux, les différents points du mur de la prison, la hauteur, le début de mon tunnel…

Il est plus fin que moi, alors il essaie de passer par en dessous, mais il échoue. Alors, dans un élan de bravoure, il décide d’escalader le mur ! Ce mur beaucoup trop haut ! Je l’aide : je surveille le secteur au cas où des gardiens soient en train de faire leur ronde.

Et puis je l’encourage ! Je ne tiens plus en place, je retiens mon souffle : le voilà en haut du mur !! C’est la descente qui va être difficile !! « Scrach », son tee-shirt est resté coincé dans les pics de la porte !! Heureusement, il ne s’est pas fait mal. Il avance prudemment, il y est presque, il est tout près de ma belle, et… ça y est, il l’a !!! Elle est sauvée !!!

Alors, il prend son élan, et de toutes ses forces, il me lance ma belle, ma chérie, ma ba-balle !

Je l’attrape dès le premier rebond et je redécouvre sa saveur et sa douce fermeté !

Que d’émotions pour une balade, nom d’un chien !!!

Par Lou

Texte de Lou

4h34

J’ai du mal à ouvrir les yeux, cette lumière m’aveugle. Et cette fatigue… si intense… Je me sens lourd, je me sens trembler et pourtant je n’ai pas froid… J’essaie de me lever mais je n’y arrive pas. Impossible. J’arrive à peine à bouger mes bras. Je suis attaché. Je lève la tête et vois un homme en combinaison blanche qui me regarde à travers une vitre. Il m’observe, me scrute, prend quelques notes et s’en va.

6h12

Je vibre. Je ne le ressens pas mais je l’entends, c’est étrange… Où suis-je? Je ne suis pas dans ma chambre : il n’y a pas de vitres dans ma chambre. Un homme en combinaison blanche est encore passé, s’est arrêté, m’a observé, a pris quelques notes puis est reparti.

Et puis un autre. J’ai réussi à l’interpeller :

« -Je veux parler à mon épouse.

– C’est impossible M. Duman. »

Ils savent qui je suis. Mon enlèvement était donc organisé. Pendant combien de temps ont-ils surveillé ma vie, avant de m’amener ici ?

Des draps blancs, une salle blanche, une lumière aveuglante, presque paralysante, les hommes en combinaison blanche. Ils ont réussi à m’avoir et me préparent pour leurs expériences. Quel peut être le dessein de cette secte ? Je dois rester vigilant malgré la fatigue, je ne dois surtout pas m’endorm…

Comme tous les soirs, Jean est rentré à la maison et a bu une bière. Une belge, pas trop sucrée, ni trop amère. C’est son plaisir à Jean, après les longues journées passées derrière un ordinateur. Il a écouté de la musique, Alain Souchon… Son artiste préféré. On lui dit souvent que ce n’est pas de son âge mais il a grandi bercé par la douceur de ses mélodies et la force de ses paroles. Il aime ce contraste. 

11h46

Le bruit du rotor d’un hélicoptère me réveille. Ils m’ont amené dans un endroit isolé, inaccessible. Je revois mon enlèvement comme un flash, je crois que c’est allé très vite. Il y avait du vent. Beaucoup de vent. Les hommes criaient. Ils devaient faire vite.

Ce soir-là, Jean était seul, sa femme était sortie. Elle aime ça, sortir avec ses amies. Alors il a bu une deuxième bière. C’était le début du week-end après tout !

Un documentaire à la télévision, et puis un bouquin. Parfait pour une soirée de détente.

14h33

Les hommes en combinaison blanche sont partis. Ils ont été remplacés par une nouvelle équipe. Les uniformes sont identiques. Je les ai entendus discuter dans leur salle (la porte vitrée de la chambre était mal fermée). Ils disent que je suis agité. Alors ils me droguent. Ils veulent m’empêcher de m’enfuir. Peut-être que ce ne sera pas une expérience mais seulement un sacrifice. Peut-être que je ne souffrirai pas.

Jean est allé se coucher mais il n’a pas éteint son téléphone. Pas tant qu’elle ne sera pas rentrée.

Peu après minuit elle a appelé : un pneu de la voiture avait crevé, elle avait peur, seule dans la nuit d’hiver. Elle n’était pas loin, à 5 kilomètres de la maison, près de la piste cyclable qu’ils aiment tant emprunter, le long de la rivière.

Jean s’est levé, s’est habillé, a pris son vélo et s’est dépêché de la rejoindre.

16h54

Je viens de faire un cauchemar. J’avais froid, j’étais dans l’eau. Dans l’eau glacée. Le bruit des sirènes se mélangeait à celui de l’hélicoptère. Cela semblait tellement réaliste et tellement lointain à la fois. Je voudrais tant voir mon épouse. Lui dire de venir me chercher, de venir me sortir des griffes de cette secte. Mes tremblements reprennent de plus belle.

Jean a pédalé très vite, trop vite, sur les berges non éclairées. Dans la précipitation de son départ, il n’avait pas pris sa lampe frontale, celle qui éclaire si bien dans la nuit. Ce n’est pas grave s’était-il dit, je connais la route. Jean n’avait pas peur, il a l’habitude de faire du vélo en hiver, il ne craint que le verglas.

17h11

Je surveille le passage des hommes en combinaison blanche à travers la porte vitrée. Je veux profiter d’être réveillé pour leur poser des questions, savoir ce qu’ils attendent de moi. Le silence de ma chambre me pèse. Je voudrais écouter de la musique. J’entends une mélodie au loin, une mélodie que je connais, un air familier qui me rassure. Il me semble que c’est Alain Souchon… Je devine les paroles :

« Jimmy, t’es fort, mais tu pleures »

Un homme en combinaison blanche s’approche, il est suivi par… Je n’y crois pas, c’est bien elle, elle m’a retrouvé ! Ils entrent dans ma chambre, elle me sourit. Lorsque la porte s’ouvre, j’entends la suite des paroles :

« Jimmy s’éveille dans l’air idéal
Le paradis clair d’une chambre d’hôpital »

Jean se souvient à présent, et il comprend.

Par Lou

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