Panne de cœur

Elle

Elle n’avait rien demandé à personne. Il avait fallu que ça change. On ne l’avait même pas consultée, comme d’habitude. Et maintenant, elle était obligée de le supporter. La journée, passe encore : elle travaille beaucoup et fait de la musique, son passe-temps préféré. Elle n’a pas le temps de pleurer sur son sort ! Elle a toujours été hyperactive mais avec le boulot en plus depuis l’arrivée du petit dernier de la famille, c’est encore pire. Certains disent qu’elle brasse de l’air mais c’est injuste : elle est complètement débordée, sous l’eau ! Le soir, elle est à bout, lessivée par sa journée et elle n’aspire qu’à se reposer. Mais c’est là que les ennuis commencent, avec cet idiot d’Américain. Non seulement il prend toute la place du haut de son 1m90 mais il n’est même pas foutu de respirer en silence ! Toute la nuit, il faut qu’il ronfle, allant même parfois jusqu’à allumer la lumière ! Impossible de trouver le sommeil dans ces conditions. Et puis, il est tellement glacial, une vraie armoire à glace écervelée…

Lui

– « Tu crois que je ne t’entends pas parler de ta vie d’avant, si merveilleuse ? C’est d’un mielleux ! Tu te plains que je ronfle mais tu joues du tambour toute la journée, t’as pas l’impression d’exagérer un peu, là ?! Bon, faut reconnaître qu’en ce moment, je suis constamment enrhumé. Mais, tu sais quoi ? Je crois que c’est parce que ça me refroidit d’être là, avec toi ! Tu me fatigues, à t’agiter comme ça. Tu ne pourrais pas te poser un peu ? Et puis, arrête d’être obsédée par ton apparence, ton côté toujours propre sur toi est insupportable ! »

Je me plains d’elle mais au fond, elle ne me laisse pas de glace. Je ne sais plus où donner de la tête, elle est si active ! Bon, elle a un sacré caractère, avec elle, c’est pas toujours coton mais elle est belle, sensible, j’aime son élégance, sa grande ouvertureL’air de rien, je me suis habituée à sa musique et elle m’enchante. Et elle sent si bon… Purée, je crois que je suis amoureux ! Amoureux d’une jeunette alors ça, j’aurais jamais cru! Et girouette qui plus est ; un jour, elle est pressée et synthétique, le lendemain, elle se la joue délicate ! A croire que c’est vrai, l’amour, ça ne se commande pas. Elle me fait vibrer, c’est dingue ! J’ai envie de la séduire, de lui avouer que je voudrais passer ma vie à ses côtés… Mais je ne le sens pas, j’ai peur que ce soit cuit !

 

Allez, je me lance :

– « Il faut que je t’avoue quelque chose : je bougonne parfois mais je crois que tu me fais vibrer, si naturellement, machinalement. Avec toi, je me sens vivant ! Je me disais qu’on pourrait aller manger un bout ensemble, j’ai mis du champagne au frais ! »

Elle

– « T’es vraiment givré, mon pauvre ! Je suis peut-être lunatique mais y’a un truc qui ne changera jamais : tu me gonfles ! Alors, fous-moi la paix et laisse-moi me reposer en paix ! »

Ah, ça y est, il a enfin arrêté de ronfler ! Comme quoi, c’était une question de volonté, elle a bien fait de lui passer un savon. Amoureux d’elle, manquait plus que ça ! La voilà dans de beaux draps ! N’empêche, elle a peut-être été dure avec lui… Sa compagnie est plutôt agréable : il est généreux, naturel… Et sa carrure : ouha, ouha, ouahouh ! Elle sent bien que son cœur tambourine plus fort en sa présence. Finalement, elle doit le reconnaître : elle le trouve à son goût ! Demain, elle lui dira qu’elle regrette et qu’elle a bien envie de prendre ce verre. Et puis, ça parait fou mais ça la gêne de ne plus l’entendre ronfler, ça lui manque. Sa manière de respirer bruyamment était apaisante. Ce brusque silence est angoissant. Elle espère ne pas l’avoir trop blessé… Ce colosse pourrait bien avoir le cœur fragile.

***

– « Chéri !!! Je crois que le frigo est mort !! »
Et merde ! M. Bosch soupire et parvient à s’extirper du canapé. Il avait d’autres projets pour son dimanche que la déchetterie et quechoisir.org. Ça valait bien la peine de le déménager !

***

– « Et voilà le travail ! » M. Bosch regarde fièrement son nouveau frigo en se frottant les mains. Un nouveau frigo américain, flambant neuf ! Mais, mais… c’est quoi toute cette eau ?! La machine à laver fuit ! Argh, elle n’aurait pas pu fuir il y a deux semaines, quand elle était dans leur ancienne salle de bains, non, c’est trop demander ?! « Chérie, viens vite, toutes les machines rendent l’âme ! »

Par Ariane