1900 (mai) – Antoine et Eugénie – par Nerika

Monsieur le Président, Messieurs les jurés, je ne vous demanderai qu’une chose: la justice.
La justice rendue pour Antoine Granger, dont le seul tort est, d’avoir fait confiance à la turpide Eugénie Mercier qui a su profiter de ce héros. Héros qui s’est battu pour son pays en 1870 et qui a payé un lourd tribu pour son patriotisme et cela même avant de croiser la route de ce monstre sans vergogne. Il est revenu du front impotent et n’aspirait qu’à une vie paisible en vivant des rentes des terrains que ses parents lui avaient légué en héritage.
Ce sont les espoirs simples d’un homme connu de tous comme un homme bon, bienveillant. Alors qu’il ne cherchait que la compagnie d’une dame pour rendre ses jours meilleurs, elle, l’accusée, tissait la toile dans laquelle Antoine Granger allait tomber avant d’y succomber. Elle a méticuleusement pris soin de rédiger l’annonce parue.

« Demoiselle, 38 ans, riche, distinguée, aimable, grand cœur, très casanière, n’aimant pas beaucoup le monde, désirerait prendre comme pensionnaire un monsieur âgé, riche, absolument sans famille, désirant s’assurer une vieillesse heureuse, toute de dévouement. Surtout ne pas confondre avec un ménage. Écrire au journal. »

Riche? Elle l’est devenue après avoir froidement assassiné Antoine Granger! Aimable? L’a-t-elle été ce serpent quand, chaque jour elle regardait froidement mourir Granger et augmenter les doses de son venin? Non! Bien sur que non, sinon Antoine Granger vivrait encore paisiblement et nous ne serions pas ici à tenter de faire justice à une âme bonne et charitable!… De grand coeur? Un coeur froid et noir rempli de malice et d’avarice!

Dans l’annonce, ne l’oublions pas, ses intentions sont plus qu’explicites, seul l’argent compte pour elle et pour en avoir, elle est prête à tout, y compris à tuer… Trois ans se sont écoulés depuis qu’elle s’est installée dans la dépendance d’Antoine Granger, trois ans qui ont du lui paraître une éternité lorsque chaque jour, celle-ci découvrait la victime vivante. C’en était trop pour cette harpie, cette infâme sorcière, elle a donc décidé d’abréger la vie de Granger. Cette abominable tueuse a choisi le poison, et comme un baiser de Judas, chaque jour, elle déversait de son chaudron, une petite quantité de poison dans la soupe qu’elle lui servait avec ce sourire propre aux assassins… Forte de sa qualité d’héritière, elle a reçu en legs, la maison familiale, les champs, le moulin et les autres revenus de feu Granger…

L’appât du gain est donc la raison de cet odieux crime mais Messieurs les jurés, ne le laissez pas impuni, il en va de la réputation de la justice française. Je demande donc la justice pour Antoine Granger mais aussi pour que celui-ci soit la dernière victime de ce monstre sans scrupule. Messieurs les jurés, les preuves ont sans faille prouvé la culpabilité d’Eugénie Mercier dans l’assassinat honteux d’Antoine Granger. Et tout cela pourquoi? … Pour l’argent. Son avidité ne pouvait attendre que celui-ci s’éteigne paisiblement comme il l’aurait mérité. En votre âme et conscience, rendez votre verdict mais rappelez-vous qu’Antoine Granger, ça aurait pu être vous. Merci