Ce matin-là ressemblait à n’importe quel matin d’octobre. Les vieux châtaigniers avaient revêtu leur parure fauve et les feuilles habillaient le sol d’un tapis ocre, joyeux capharnaüm après deux mois caniculaires.

Nous avions connu une grande sécheresse : le goudron étincelant avait fondu et pris l’empreinte des pneus des vacanciers. Autour de chez nous, l’herbe était calcinée, le soleil incandescent ayant œuvré tout l’été. Nous n’avions pas vu un seul nuage se dresser sur son passage pour l’en empêcher. Nous accueillions donc avec bonheur l’arrière-saison. Je m’étais éveillé doucement, l’odeur de Claire flottait encore dans le lit. Quelques accords de Janis Joplin s’élevaient de l’escalier. Depuis qu’elle avait quitté ses étudiants, Claire n’avait plus le temps de rien, disait-elle. Alors elle se levait à l’aube, parfois même, elle devançait le soleil. Elle avait passé un contrat avec le sommeil. En quelques heures seulement elle était rassérénée, pleine d’énergie pour fourmiller dans le jardin et entretenir la maison.

Je pensais à la journée qui m’attendait quand le téléphone sonna. Je jetais un coup d’œil au radio réveil : 6h45. Étrange. Clara décrocha, je l’entendis murmurer « Qui êtes-vous ? Je ne comprends pas ». Je me levais et la rejoignis dans le salon, elle avait encore le combiné à la main. « Quelqu’un cherchait du bleu. Cela ne faisait aucun sens. Je pense que c’est une erreur ».
Au mot « bleu », je m’étais figé.
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