Texte de Colette

Welcome.

Où suis-je ? Avez-vous déjà connu cette sensation étrange d’arriver à un endroit sans savoir pourquoi ? Moi, quand je suis arrivé ici, je ne savais ni où je me trouvais, ni pourquoi… A vrai dire, je ne savais pas grand-chose. Ce n’est qu’après quelques jours passés dans un sommeil profond, que je me suis réveillé et que j’ai enfin compris.

Cela faisait des mois et des mois qu’ils l’attendaient…

Cela faisait des mois et des mois que j’avais déposé mon dossier à l’agence. Je n’en finissais pas de toute cette paperasse ! Information personnelles, situation familiale, professionnelle, loisirs… Sans parler des enquêtes sociale, judiciaire… Tout avait été contrôlé, disséqué minutieusement et dans les moindres détails avant qu’on me confirme que j’étais sur liste d’attente. Cela pouvait aller très vite … ou pas ! Tout était fonction de l’avancement du projet. Personnellement, j’avais opté pour une demande dans du neuf, n’ayant jamais été occupé pour éviter les travaux de rénovation. Un matin de janvier, on m’a appelé pour m’annoncer que mon tour était enfin arrivé ! J’allais être conduit directement dans mon nouvel appartement par un chauffeur un peu « spécial » …

Ils vivaient dans une petite maison à l’abri de la ville. Ensemble, ils avaient fait le choix de devenir des insulaires. Ici c’était leur paradis. Chaque jour qui passait, ils ne cessaient de contempler ce qui s’offrait à eux. De la fenêtre de la chambre, l’horizon était peint telle une toile de maître. Leurs regards s’y perdaient. Elle aimer se nicher sur la rambarde. Elle sentait l’iode fouetter ses joues. Lorsque le vent se réveillait, les embruns venaient chatouiller son visage. Elle fermait les yeux. A l’écoute de ce qu’elle avait toujours espéré. Le jardin s’étendait jusqu’aux premiers grains de sable de la dune. Derrière elle, majestueuse et solennelle, la Mer. Elle leur avait promis de veiller sur eux.

Oulala, c’est tout noir ici ! J’avais demandé du neuf… Je pensais quand même que l’électricité fonctionnerait. Pff… manquait plus que ça ! Bon sinon ça va. Il règne une atmosphère paisible. La décoration est sobre et épurée. A moi d’ajouter ma touche personnelle. L’air chaud me rassure. L’espace n’est pas très vaste, mais en fonction de ma position dans la pièce, j’ai l’impression qu’il s’étire. Pour l’instant, je ne connais pas mes voisins. Je crois qu’en fait je suis seul dans la résidence. Je profite de cette tranquillité. J’ai choisi l’option « all in utero » (c’était compris dans le pack de bienvenue !) qui me permet de savourer de délicieux repas livrés à domicile. Le personnel est disponible et ponctuel, c’est appréciable. Je jouis également d’un mini bar à ma disposition 24 heures sur 24. Lorsque j’ai besoin de quelque chose, je sollicite le concierge. Il est très serviable. Nous avons établi un code ensemble : je donne quelques coups de pieds et il vient à ma rescousse.

J’avais tout de suite compris. Aux pépites dorées qui luisaient dans ses yeux, j’avais su. C’était un soir de grande tempête. Pour une fois, elle était rentrée tôt. Ensemble nous avions rassemblé du bois dehors pour faire une flambée. Elle était venue se lover contre moi. Je l’avais serrée comme jamais. Je voulais l’inonder d’amour. Nous n’avions pas parlé. Nos regards s’enlaçaient. Seul le crépitement des branches complices occupait de cet instant.

Non mais ça ne va pas la tête ! On n’a pas idée de réveiller les gens ainsi ?! Alors que je profitais de ma troisième sieste quotidienne, un rayon lumineux du style sabre de Dark Vador est venu m’éblouir. Au départ, j’ai cru à un cauchemar, mais une fois bien réveillé, impossible de lui échapper. A croire qu’il me traquait. Ca a bien duré vingt minutes l’histoire. Il faudra que j’en parle au concierge. Autant au début, j’ai vraiment apprécié cet endroit, autant maintenant que je me suis bien reposé, je n’ai qu’une envie c’est d’en sortir. J’ai envie de découvrir ce qu’il y a dehors. Il me faut encore patienter. J’ai signé un bail de neuf mois.

Le printemps pointe le bout de son nez. Enfin. Nous sommes au mois d’avril. Le soleil baigne la maison. La nature a repris le contrôle. La rudesse du climat de cet hiver n’a pas eu raison des derniers semis. Le potager reprend des couleurs.

Ding Dong ! Tiens ? Qui sonne donc à cette heure-ci ? Et puis c’est bizarre, je ne souviens pas d’avoir déjà entendu la sonnette depuis que je suis arrivé. Je croyais que j’étais seul à cet étage.

« Salut ! Je suis « Ta Ju » ! On m’a dit qu’on était voisins. A ce qu’il paraît, nous sommes arrivés en même temps ici. Toi aussi tu restes là jusqu’en octobre ?! »

Jamais je n’oublierai ton visage. La pièce était petite, plongée dans une obscurité intimiste. L’air était chaud. L’écran s’alluma. Nous attendions cet instant avec impatience et envie. Sur ton ventre arrondi glissait ce télescope aux supers pouvoirs. Nous apercevions des formes curieuses. Nous étions attentifs et perdus. Ce n’est qu’une fois que l’image s’est stabilisée que le médecin s’est tourné vers nous. Ta main est venue chercher la mienne… Bientôt, nous serions quatre !

 Par Colette

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Colette nous propose ici un texte à « double chute ». La première, amenée doucement au fil du texte, que l’on comprend avant la fin, repose sur des doubles sens. Colette nous parle (volontairement) d’un emménagement comme nous le ferions pour un appartement, et manie le vocabulaire immobilier avec une certaine délectation. On subodore cependant assez rapidement que les choses ne sont pas aussi simples, on comprend petit à petit qu’il s’agit d’un bébé. J’étais toute fière de moi d’avoir compris avant la fin du texte (mais je n’avais pas grand mérite, entre le « all in utero » et le bail de 9 mois, je crois que c’était parfaitement voulu que l’on comprenne…), et je me suis dit que j’avais deviné la chute avant la fin : c’était sans compter sur la malice de Colette qui m’avait réservé une surprise avec une vraie chute finale, imprévue, jolie.

Dans ce texte, la narration repose sur plusieurs choses. D’abord, il y a un « je » changeant (décidemment, c’est un point qui revient beaucoup ce mois-ci, le « je », un jour je vais faire une proposition d’écriture autour des personnes de la narration… niark niark niark…!). Ce « je », ici, est tantôt le bébé, tantôt le papa. Puis, juste à la fin, la jumelle. Ceci est plutôt bien mené et assez clair, mais du coup, je ne suis pas sûre d’avoir compris la justification de la phrase, puis du paragraphe, rédigé au « il » au début du texte. J’aurais tendance à penser que soit, il faut conserver une opposition il/je en fonction de qui parle, soit partir d’emblée sur le je/je.
Ensuite, le jeu de « fausses pistes » façon emménagement immobilier est très chouette et très intéressant, mais il n’est à mon sens pas assez précis. Dans ce genre de cas, il faut que tout s’imbrique parfaitement. Il faut qu’après coup, quand on comprend, on puisse toute relire à l’envers en se disant « ah ouaiiiiiis, elle m’a bien eue ! ». Et pour cela, il faut que tout soit cohérent et pousse à une interprétation, mais que rien ne soit dissonant par rapport à la seconde interprétation qu’amènera la révélation. Ici, je n’ai après coup pas très bien compris à quoi correspondaient les paperasses, le dossier déposé, etc. A la relecture, et vu qu’il y a une jumelle, j’ai pensé à un protocole FIV. Mais je n’en suis pas sûre, et ça ne m’a pas frappée à la première lecture. Bref, quelques petits ajustements rendraient la compréhension plus fluide, je pense.

l’idée est super jolie, mais je n’ai pas compris qu’il y avait une jumelle, je me suis un peu perdue dans les différents points de vue ( cerveau ralenti du dimanche?).Mais j’adore l’idée du baby

J’ai beaucoup aimé ton texte Colette, le parallèle avec la recherche immobilière est bien trouvé, ton style est fluide et on se laisse facilement embarquer dans ton récit!
Le « all in utero » a confirmé mes doutes. C’est sûrement personnel mais je crois que j’aurais aimé avoir un doute qui se confirme au fil du texte et donc découvrir le « all in utéro » un peu plus tard (au moins à la fin du paragraphe, après les coups de pieds et le concierge voire après le bail de 9 mois). La fin m’a un peu perdue, comme Alice. J’étais étonnée que le bébé n’ait pas eu conscience plus tôt de la présence de sa jumelle, un peu comme si elle apparaissait d’un coup. Du coup, je me suis demandée si j’avais bien compris ;-). Mais c’est vrai que ça laisse une jolie surprise finale !

Merci pour vos com! et merci Gaëlle pour ton retour!
Effectivement dans mon esprit j’avais imaginé une FIV… J’ai préféré me centrer sur les détails tenant plus du « décor »… au risque d’en oublier les détails permettant de situer le lecteur dans l’histoire! Je vais tenter une reprise du texte en étayant cette paperasserie immobilière autour de la FIV, sans trop en dire effectivement pour ne pas tout dévoiler de suite!
J’ai parfois l’impression que j’écris comme si le lecteur était déjà dans mon histoire, comme moi je me l’imagine… Du coup j’essaie d’être plus claire ou de « semer » plus d’indices pour le guider… d’où le « all in utero » assez « rapide »… Il faut que je trouve un « mix » une technique pour ne pas trop en dire en m’assurant toutefois que le lecteur me suit!
Pour la jumelle, je pensais à des jumeux hétérozygotes donc pas dans le même oeuf, qui se découvrent au fil de leur développement in utero… Je voulais que cette petite canaille ne pointe le bout de son nez qu’en fin de texte, certainement pour « narguer » le lecteur, lui faire un pied de nez … comme s’il pensait avoir tout pigé avec les indices (un peu gros!) du « all in utero » et du bail de 9 mois… et que finalement, à la fin il sourit en lisant la dernière phrase, en se disant « celle-là on ne l’avait pas vue venir! » ;))))
Merci merci merci pour ces échanges…. ça donne envie de se poser ensemble « en vrai » pour échanger! j’adore ça! merci merci merci++++

Ayant une soeur jumelle hétérozygote, j’apprécie d’autant plus la jolie surprise finale !

Colette, pour la chute finale et le « celle là, on ne l’a pas vu venir », c’est exactement l’effet que ça m’a fait!

Et pour le reste, tu abordes un sujet essentiel: la schizophrénie de l’auteur 😉 . Il faut à la fois se mettre dans la tête du lecteur, comme si on ne savait rien de l’histoire ; et à la fois garder en tête son boulot d’auteur et là où on veut aller, pour construire la narration en fonction. Parfois, oui (et particulièrement dans les texte à chute, vu la minutie que ça réclame pour « amener » la chute avec justesse), c’est compliqué… Mais on n’a aucun doute ici sur le fait que tu sois capable de ça! 😉

C’est vrai que la surprise finale est très chouette et j’aime beaucoup l’idée de duper le lecteur qui pense avoir tout deviner!
Je crois que je n’étais pas suffisamment sûre de ma compréhension en lisant la fin de ton texte pour l’apprécier complètement [j’ai le cerveau un peu ramollo en ce moment ;-)]. Si tu fais une 2ème mouture, en explicitant la FIV , ça devrait m’aider ;-)! (et peut-être dire « ta JuM »? c’est bête mais « Ju » m’a fait associer à Justine / Julien et je me suis mise à penser « Tata Ju »^^).