Texte de Colette

Pas possible toute cette poussière qui s’accumule ! Partout ! Sur les étagères, particulièrement. Elle forme un petit duvet très fin, invisible quand il fait sombre et clignotant dès que la lumière se pose dessus ! Voilà ce que se dit Louison en rentrant du marché ce samedi midi. Les bras chargés, elle pose tous ses sacs à l’entrée, laisse tomber deux courgettes, prend une tomate, s’assois et croque dedans ! Mmm, ce petit goût délicieux, légèrement sucré, frais… qui rappelle l’été…

Revenons à nos moutons ! Louison est heureuse aujourd’hui particulièrement parce que ça sent le printemps ! Le soleil, ce vieux gredin qui lui a tant manqué cet hiver, est arrivé par surprise ce matin ! Il aurait pu prévenir quand même ! J’aurais passé le plumeau ! Bon ben maintenant qu’il est là, il n’y a plus qu’à ! Comme chaque année quand le grand dieu de la lumière et de chaleur revient, Louison a envie d’enfermer l’hiver dans une malle et de faire place nette au printemps ! Le problème, c’est qu’à chaque fois qu’elle se lance dans ce genre d’activité, elle y passe le week-end !

Allez allez ! Au boulot ! On déballe le matos ! Aspi, serpi, nouvelle éponge (petit plaisir intense quand elle ouvre le paquet ! On va te faire la fête ma grande ! Et là le hérisson sera content de venir se gratter le dos sur ton pelage frisé !). Parée pour la traque aux moutons !!!!

DrIiIiIiIing ! C’est le portable de Louison qui se réveille !

–  Allô ?

–  Saaaaaluuuuut ! Comment tu vas poulette ?! 
Petite voix tendre et coquine, malicieuse et sucrée… C’est Granouille, le double de Louison.

–  Salut ! Chouette de t’avoir au téléphone ! Bah écoute, rien de neuf… Semaine sympa au taff, 
week-end qui se profile sous le soleil et là j’allais attaquer ma « crise de ménagite » ! 
Et toi comment ça va ?

–  Un peu crevée, semaine chargée, plein de chicots à arracher ! 
« Ménagite »?! Tu veux dire « ménagite » comme à « Berlioz » ?!

–  Eh ouais ma grande ! Mister Sunshine est de retour alors je fonce ! Les jardinières sont sorties 
de la cave et attendent leurs pensées, j’ai sorti mes accessoires et enfilé ma tenue ! Il n’y a plus 
qu’à !

–  Sans blague ?! C’est un peu fou qu’on ait conservé cette tradition depuis tout ce temps… 
T’es équipée ? Tu veux dire que tu es en maillot de bain ?! Le 8 mars à midi chez toi ?!

–  Bikini même ! Tu crois quoi ?! Respect de la tradition oblige !

Ça ferait rire n’importe qui… Louison ça la fait rire aux larmes… Granouille, c’est la petite sœur de Louison. Aujourd’hui, elles vivent loin mais conservent la complicité qu’elles partagent depuis l’enfance. « Berlioz », c’est le nom qu’elles ont donné à la maison dans laquelle elles ont grandi, ensemble, avec leurs parents. A chaque printemps qui se présentait c’était le même rituel. Très vite, Granouille et Louison lui ont trouvé un nom : « la crise de ménagite » de maman. Parce que le soleil était là, on devait lui faire honneur ! Lui rendre hommage ! Notre offrande consistait à laver, récurer, aspirer, faire briller, faire peau neuve de Berlioz ! Petite précision de taille : la tenue imposée c’était le maillot de bain ! Pour être bien, pour ne pas salir de vêtements, pour pouvoir atteindre tous les recoins, pour … faire venir l’été ! Alors, les sœurs enfilaient « la » tenue et faisaient semblant de s’y mettre… Puis, elles s’éclipsaient tout doucement fuyant les pschitts et les chiffons ! Elles allaient se réfugier dans le jardin. Elles descendaient l’escalier sur la pointe des orteils (c’est encore moins bruyant que la pointe des pieds sur un escalier qui craque !), elles traversaient la buanderie, au passage prenaient quelques paires de gants en latex dans la réserve de papa (Papa aussi soignait les chicots!), deux grands seaux remplis d’eau froide et sentaient monter en elle une dose d’imagination incroyable (enfin à cette époque, elles ne savaient pas que leur imagination était vraiment incroyable ! Elles étaient en plein symbolisme là, elles étaient même méga fortes pour leurs âges !).

Un tendre manège commençait alors… [Si on inverse le é et le a dans manège, ça fait ménage… Louison s’en est aperçue après…] Louison et Granouille remplissaient une dizaine de gants d’eau. C’étaient leurs « poulardes ». Concrètement ce n’était que des gants en latex remplis d’eau, mais pour elles, ça ressemblait terriblement à des poulets ! Elles se plaisaient à les tâter, à les peser, à les faire sauter et à les vendre à des clients invisibles, tous plus cocasses les uns que les autres ! Ainsi, elles passaient leur dimanche de « ménagite », sous un soleil frais, en maillot de bain, dehors, dans leur jardin, à jouer …. « Aux vendeuses de poulardes », à rire…. A rire comme deux poilues….Pour rien… Juste parce qu’elles étaient heureuses d’être là, ensemble.

« TiIiIiIing », Louison est assise par terre, perdue dans ses souvenirs quand la sonnette de la porte la sort de ses pensées… C’est l’homme, il vient juste de rentrer de la jardinerie, il a besoin d’aide pour porter les pots de pensées jusqu’à l’appartement !

Elle descend à toute vitesse pour l’aider… en maillot de bain, un 8 mars à midi !

Par Colette

Lorsqu’elle écrit Colette n’a pas d’âge…
Les mots s’enfilent comme des perles sur un collier…
Les textes qu’elle écrit ne vivent que sur l’écran de son ordinateur ou sur les pages de ses carnets.
Aujourd’hui, elle décide de se lancer un défi,
Elle a envie,
Elle a peur,
Elle est impatiente,
Elle imagine,
Elle est heureuse d’écrire, là, maintenant, tout de suite ; de penser à ce qui l’attend…

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Voilà un texte joyeux, enlevé, qui prend résolument le parti du « positif ». Le thème des souvenirs est souvent propice, en écriture, à un peu de nostalgie, voire de mélancolie, possiblement teintée de regrets. De même, la fraternité/sororité est fréquemment tortueuse, en littérature. Ici, c’est un parfait contre-pied : les souvenirs sont bons, se les rappeler est agréable et source de rire, et la sœur est adorée. C’est une façon fort intéressante de construire le récit, je trouve. La narration est bien menée, la chute, à l’image de l’ensemble du texte, est pétillante et un peu décalée. Bref, ce texte tient du « feel good text », pour plagier une expression à la mode, et c’est bien agréable !

J’avoue que du coup, le « assise par terre, perdue dans ses souvenirs », m’a fait bizarre. Il m’a semblé dissonant avec le personnage, avec le dynamisme global du texte, avec l’échange téléphonique qui donnerait plutôt la patate. « Perdue dans ses souvenirs » a justement un côté un peu nostalgique qui rejoint quelque chose de plus « classique », je trouve ça dommage. Il me semblerait intéressant de faire un vrai choix : soit on traite le souvenir de manière très joyeuse, positive, dynamique, et on trace pleinement ce sillon-là (auquel cas, lorsque l’interphone sonne, elle peut être en train de faire les toiles d’araignées en chantonnant une comptine de son enfance et en faisant des grimaces, simple exemple). Ou alors on introduit une part de nostalgie malgré tout, mais dans ce cas il me semblerait intéressant de la distiller plus « doucement » au fil du texte, pas uniquement à cet endroit-là.

Petit détail technique : il y a beaucoup trop, mais alors vraiment beaucoup trop de points d’exclamation pour moi ! (<- et j’en mets un en le disant, vive mes contradictions). Colette, tu peux faire confiance à ton écriture. Le côté enlevé et joyeux transparaît dans tes mots aussi, il n’a pas besoin d’être constamment appuyé par la ponctuation. Et si à certains moments tu doutes de ce pep’s, c’est aussi peut-être un indice d’un mot à modifier, ou d’une tournure à peaufiner, pour pouvoir ensuite te passer d’une bonne partie de ces points d’interrogation 🙂

Frais, spontané et très visuel. Bon rendu des images, je coupe la télé…

Bonsoir Colette,
Merci pour ce texte plein de gaieté qui sent bon le printemps!
J’ai souri tout au long du texte. Ma première lecture ayant été très rapide, j’ai mal lu et ai même cru qu’un livreur apportait les pots de pensées…
Je suis donc de l’avis de Gaëlle et pencherais pour une fin plus « sautillante ou virevoltante » en maillot de bain!

Bonsoir Colette,

ça fait du bien de lire « le collier de perles » de cet atelier de printemps, beaucoup de gaieté dans ces liens entre sœurs, pas de nostalgie larmoyante mais du pep’s et de la fantaisie.
Comme Gaëlle, je crois que les points d’exclamation ne sont pas utiles, ou pas tous, on ressent bien leur émotion d’enfants qui ont vécu.

Je m’interroge un peu sur l’homme, il est décrit de manière détachée, très neutre, peut-être parce qu’il est secondaire? ou alors pour ne pas faire de l’ombre aux deux sœurs? Louison dans sa spontanéité pourrait aussi dire « mon » homme, ce qui permet de préciser leur lien, pour ne pas voir un livreur 😉

J’aime l’idée de terminer avec Louison qui virevolte, sifflote, chantonne, peint des arcs-en-ciel ou toute autre activité festive.

Au plaisir de découvrir la suite! (et oui!!)

J’aime bien aussi l’idée de préciser « son » homme. On devine une Louison assez affective, dans ce texte. ça pourrait lui correspondre assez bien comme expression, et lèverait l’ambiguité. Pour ma part, « l’homme » est facilement employé dans mon entourage pour désigner « mon homme », j’ai plusieurs amies qui le font et moi aussi, donc ça ne m’a pas gênée. Mais les habitudes de langage ne sont pas universelles, et si la lecture n’est pas claire, il vaut mieux opter pour cette précision, je pense.

Merci à tous de vos commentaires et conseils bienveillants!!!!
J’adore cette idée que vous vous faites d’une Louison qui virevolte et qui sautille! Je vais retrousser mes manches et travailler un peu plus cette idée, notamment sur la fin quand elle raccroche.
Désolée pour toute cette ponctuation, de fait, bien inutile… Je tenterai de faire mieux et d’en mettre moins sur mon prochain « jet » du nettoyage de printemps! L’homme, c’était effectivement une manière de désigner son homme, je vais préciser ça et tenter de lui donner une dimension un peu plus gaie et farfelue à lui aussi!
Pour ce qui est de la suite, j’apprécie ce temps d’échange et de commentaires sur le texte « pondu » en premier jet et également ce temps de « repos » du texte pendant une semaine (comme me l’avait suggéré Sécotine sur une autre session).
Du coup je me demandais si on ne pourrait pas organiser (pour les volontaires évidemment, une session second jet retravaillé en fonction (ou non) des divers commentaires que nous aurions pu effectuer….
J’aimerais beaucoup découvrir les nouvelles versions de vos textes, et j’avoue que je me sens parfois un peu frustrée quand je m’atèle à un second jet sans avoir de retour objectif (j’entend par là des conseils de pros! = VOUS!!!! ^^)
Qu’en penses-tu Gaëlle? Qu’en pensez-vous?
🙂

C’est à réfléchir, Colette. Je suis également une grande adepte du « laisser reposer » le texte, c’est effectivement très complémentaire du re-travail.

Dans l’immédiat, je ne sais pas très bien quelle forme cela pourrait prendre dans le cadre de l’atelier, mais en y réfléchissant, j’aurais peut-être un éclair de génie. Les avis sur ce sujet sont les bienvenus!

Bonjour,

Je comprends ton avis Colette….prendre le temps de décanter…frustrant si on veut un avis sur nos autres « jets » et frustrant aussi pour les autres participants qui aimeraient bien lire les nouvelles propositions….
Je n’ai pas d’idée . A moins que cela se fasse de manière informelle entre nous, par mails….