Je n’ai jamais compris mes amis. Comment peuvent-ils être amis avec moi ? Je n’aurais jamais pu être ami avec moi. Je me suis toujours détesté. Non pas physiquement (j’aurais très bien pu avoir une histoire avec moi) mais psychiquement. Les raisons, je ne peux pas vous les donner. Suis-je trop bête ou bien pas assez, trop naïf, trop hautain … La liste pourrait être longue mais je ne pense pas être tout cela. Toujours est-il que je me sens prisonnier de moi-même, de ma pensée. Je suis tout à fait celui que je ne voudrais pas être. Tout ce que je déteste chez les autres, j’ai le sentiment de l’avoir en moi. Je suis un autre que celui que j’aurais voulu être. Et cet autre, oui toi l’autre, je serai content quand tu seras mort. Oh oui ! Je pourrai alors venir à tes funérailles et sourire, rire même peut-être de cette mort ! Je ne prierai pas pour toi, je ne ferai pas d’éloge funèbre, je ne t’enverrai même pas de fleurs. Je ne serai que content, heureux que tu ne sois plus là et alors, seulement à ce moment-là, je pourrai enfin être celui que j’ai tant rêvé d’être même si cela implique que je meure un peu moi-même. Je ne serai un autre que quand toi l’autre tu seras mort.
Par Jamomo
Court texte sur le thème de la dualité psychique. Ce n’est pas tout à fait Dr Jekyll et Mr Hyde, mais il y a quelque chose comme ça dans la tête de ce personnage… ! Il y a donc la face lumineuse et la face sombre, et l’on perçoit bien l’emprise de l’un sur l’autre, qui assombrit la vie du personnage. On ressent la puissance de l’auto-détestation, tout en n’étant pas absolument certain que le personnage qui parle est tout à fait sain d’esprit. Il y a une certaine « inconnue » sur ce point (est-il à deux doigts de la folie, ou au contraire parfaitement lucide sur lui-même, je ne saurais le dire) et cette imprécision est à mon sens un atout. Elle laisse le lecteur libre de son interprétation, et du coup offre une richesse plus grande à la lecture.
Pistes de travail possible :
Le texte est court, c’est un avantage : on a une grande marge pour le faire évoluer (si on le souhaite !)
– Il est possible de faire « vivre » cette même dualité dans des évènements concrets du quotidien, pour sortir du monologue intérieur et de la simple « réflexion ». Donner un corps et une vie à ce personnage, ne pas le cantonner à être un esprit. Réfléchir à comment cette lutte interne le ferait agir dans telle ou telle situation, voire même le ferait changer totalement d’attitude au cours du même évènement.
– Essayer de développer le « même si ça implique que je meure un peu moi-même ». Renforcer l’ambivalence. Certes, il veut tuer ce côté détestable en lui, mais il y perdra forcément en « tuant » un pan de sa personnalité. Peut-être le personnage peut-il exprimer ça ? (et reconnaître que parfois, ce « mauvais côté » lui sert bien quand il doit, admettons, affronter son patron ? Engueuler son notaire ? Que sais-je… !).
Personnellement je me sens frustrée : j’ai envie d’en savoir plus, de connaître les détails de ce qui est détestable, de ce qui serait tellement mieux sans… En fait, c’est un excellent teaser, ce texte !
Puis-je me permettre une question ? Comment as-tu / avez-vous (je ne sais pas trop si tu préfères qu’on se vouvoie ou si vous préférez qu’on se tutoie…) géré la limite des 4500 signes ? C’est une question que j’ai déjà posée dans un autre commentaire, mais ça m’interpelle… Ce texte-ci est bref, concis, et je trouve que ça rend bien compte de la détresse ou du désespoir du narrateur (je n’arrive justement pas bien à cerner, c’est un texte projectif ?!), et moi, les gens qui savent écrire sans se laisser emporter et en restant clair et direct, ça m’épate…
Il est vrai que c’est un texte très court, mais malgré cela assez « efficace » et avec une certaine force.
Comme quoi, 4500 signes, ça peut être laaaaaargement suffisant! (plaisanterie)