Texte de Mamzelle

« C’est la course, comme d’habitude ! », c’était devenu son expression du moment. Toutes les journées sur le même rythme, un rythme trépidant où le temps vous file entre doigts… Réveil, petit-déjeuner, courir pour attraper le bus, surtout ne pas le rater ! Une fois dans le bus, 10 minutes pour se plonger dans ses cours… Médecine… Elle a toujours voulu faire ça… un rêve de gosse qu’elle espère réaliser en fin d’année… Ce foutu concours qui l’oblige à courir après le temps… la fac, les amphis, un repas sur le pouce la tête dans les livres, retour dans les amphis, la bibliothèque, courir pour attraper le bus du retour, pas le temps de laisser son esprit vagabonder, chaque minute doit être optimisée ! Ouvrir la porte de sa chambre d’étudiante, jeter un regard sur le lit se dire qu’une pause ne serait pas du luxe et puis non, définitivement non, ce concours, ça doit rester son objectif, alors elle enchaîne sur de nouvelles révisions jusqu’à s’endormir sur ses livres… un nouveau jour se lèvera et comme un bon petit soldat, elle sera sur le pont… pour l’avoir ce foutu concours… Un rythme de fou… mais ça en vaut la peine, elle en est sûre… Elle profitera de la vie plus tard ! elle est jeune, elle aura le temps de vivre. Après.

Elle fonce tête baissée ce matin, deux minutes de retard sur son planning ! Alors elle fonce et quand elle relève la tête, elle la voit… Le temps s’est comme suspendu, quelques millièmes de secondes à peine mais elle a pu observer les détails de ce qui allait définitivement changer sa vie, si jamais sa vie se poursuit d’ailleurs… Quelle sensation étrange de se dire que c’est peut-être sa dernière inspiration… quelques instants et le temps reprendra sa course. Elle lève les yeux pour garder l’image du ciel bleu au fond de son âme… Tout est noir…

Ouvrir les yeux, elle peut ouvrir les yeux mais ce n’est plus le ciel au-dessus d’elle.

Sur ce foutu lit, le temps a arrêté sa course folle ou peut-être est-ce elle qui a arrêté de courir après lui… maintenant la journée semble s’étirer, s’allonger. S’écouter respirer… Drôle de concept, n’est-ce pas ! Mais depuis son lit, il a bien fallu trouver de quoi occuper les interminables heures à attendre. Elle ne peut pas aller vers les autres alors elle doit attendre qu’on vienne jusqu’à elle…

Tout est plus long, plus difficile… Elle doit tout réapprendre, manger, parler… Même sa parole est ralentie… Les idées, les mots ne s’emmêlent plus comme avant, elle a l’impression de franchir l’Everest juste pour pouvoir dire un mot ! Elle apprend à se contenter de toutes petites victoires : voir la cuillère s’approcher timidement, maladroitement de sa bouche et réussir à prendre une bouchée seule… elle doit attendre… « Patience » telle est sa nouvelle devise… va-t-elle marcher de nouveau ? Va-t-elle parler de nouveau ? Attendre, toujours attendre… d’ailleurs elle ne supporte plus le tic tac des montres. Elle qui ne cessait de les regarder avant, maintenant elle n’en a plu besoin… A quoi bon savoir qu’une heure s’est écoulée… Sa vie est rythmée par les repas, les séances de rééducation… Elle n’a plus le sentiment de diriger sa vie, elle la subit… A peine deux mois se sont écoulés selon ses proches, mais elle a du mal à le croire… pour elle c’était une autre vie, il y a une éternité  en somme…

Une seule chose lui redonne le sourire : écouter le groupe préféré de sa maman… Ainsi elle a l’impression de se retrouver en enfance, de sentir l’odeur du goûter du dimanche… Sa mère adorait chanter à tue-tête, ce qui faisait sourire son père…. Les yeux fermés, elle esquisse un sourire…Parfois même, elle semble presque fredonner sur sa chanson préférée, toute son enfance cette chanson… « La mer quelle saloperie »… bon elle changerait volontiers les paroles tiens… La vie quelle saloperie…

Par Mamzelle
Totalement novice dans l’écriture, j’aimerai me lancer et voir ce que je suis capable de produire mais je pense avoir besoin d’une ligne directrice

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Mamzelle nous propose un texte sur le thème de la vie qui bascule, de l’accident qui remet tout en cause, avec un avant, et un après qui ne sera jamais plus pareil. Cette jeune femme qui court tout le temps pour atteindre son but se voit contrainte à la lenteur, et le but qu’elle poursuivait ne sera probablement jamais atteint. La « cassure » est bien marquée dans la narration, et le registre change nettement (« c’est la course », « elle fonce », « un rythme trépidant » ; puis « tout est long » « sa parole est ralentie », « patience »…). On vit avec l’héroïne ce basculement.

Je trouve pour ma part la seconde partie du texte un peu trop « extérieure » à l’héroïne. Elle nous est très bien narrée, mais je pense qu’on s’attacherait davantage à cette femme si on avait plus de détails de ressentis, ou des petites anecdotes très concrètes de son quotidien. Pas simplement un tableau clinique. Finalement, on sait qu’elle apprend la patience, on sait que les montres l’exaspèrent mais c’est peu de détails. Est-elle en colère ? Déprimée ? Motivée à fond pour récupérer ? Qu’est-ce qui l’énerve, de quoi arrive-t-elle à rire ? Je trouve par exemple très intéressante l’idée qu’elle « s’écoute respirer ». Peut-être que cela pourrait revenir régulièrement. « Ce matin, sa respiration siffle plus que d’habitude. Ça doit être à cause des pollens, c’est le printemps. Elle a toujours été un peu allergique. » « Ce soir, elle est calme. La séance de rééducation avec le kiné a été particulièrement bonne. Elle entend son souffle, il est long, calme, posé. Elle sourit »… simples exemples). On serait ainsi davantage à ses côté, dans du trivial quotidien.

En ce sens, je trouve très intéressante l’idée de la chanson comme « pansement » pour le moral. Là, justement, on est dans le détail concret du quotidien. Et ça pourrait tout à fait être remis en lien avec l’écoute de sa respiration (« elle respire toujours en rythme, quand elle écoute ce groupe. C’est presque magique », par exemple…)

merci pour ton retour Gaëlle! j’avoue que j’ai eu du mal à rentrer dans le thème ce mois-ci… effectivement la fin mériterait d’être retravaillée pour accentuer l’idée du temps qui s’étire, je vais me pencher sur la question et retravailler dans cet esprit!

Loin de moi l’idée de classer les textes mais celui-ci a su me procurer une émotion intense. La construction est réussie: cassure entre le rythme dément de la fille qui court sans cesse, vit à cent à l’heure et la vie de légume qu’elle mène désormais clouée au lit: le style rend très bien ce changement de rythme dans la vie de la narratrice, plus lent, plus haché dans la seconde moitié du texte. Subir, attendre, on imagine sa détresse. J’ai aimé la chute: « La vie, quelle saloperie! »

merci Aquassiba pour ton retour!

« C’est la course, comme d’habitude ! », c’était devenu mon expression du moment. Toutes les journées sur le même rythme, un rythme trépidant où le temps vous file entre doigts… Réveil, petit-déjeuner, courir pour attraper le bus, surtout ne pas le rater ! Une fois dans le bus, 10 minutes pour se plonger dans ses cours… Médecine… J’ai toujours voulu faire ça… un rêve de gosse que j’ espère réaliser en fin d’année… Ce foutu concours qui m’oblige à courir après le temps… la fac, les amphis, un repas sur le pouce la tête dans les livres, retour dans les amphis, la bibliothèque, courir pour attraper le bus du retour, pas le temps de laisser mon esprit vagabonder, chaque minute doit être optimisée ! Ouvrir la porte de sa chambre d’étudiante, jeter un regard sur le lit se dire qu’une pause ne serait pas du luxe et puis non, définitivement non, ce concours, ça doit rester mon objectif, alors j’enchaîne sur de nouvelles révisions jusqu’à m’endormir sur ses livres… un nouveau jour se lèvera et comme un bon petit soldat, je serai sur le pont… pour l’avoir ce foutu concours… Un rythme de fou… mais ça en vaut la peine, j’en est sûre… Je profiterai de la vie plus tard ! je suis jeune, j’ aurai le temps de vivre. Après.
Je fonce tête baissée ce matin, deux minutes de retard sur mon planning ! Alors je fonce et quand je relève la tête, je la vois… Le temps s’est comme suspendu, quelques millièmes de secondes à peine mais j’ai pu observer les détails de ce qui allait définitivement changer ma vie, si jamais ma vie se poursuit d’ailleurs… Quelle sensation étrange de se dire que c’est peut-être sa dernière inspiration… quelques instants et le temps reprendra sa course. Je lève les yeux pour garder l’image du ciel bleu au fond de mon âme…
Tout est noir…
Ouvrir les yeux, je dois ouvrir les yeux… Non je n’en ai pas envie…Ce n’est plus le ciel au-dessus de moi. Cela fera deux mois que ma vie a basculé, deux longs mois de coma pendant lesquels j’ai vécu sans vraiment vivre… Oh tout ça, je n’ai pas l’impression de l’avoir vécu, je l’ai deviné, j’ai saisi des brides de conversations au vol parce qu’évidemment personne ne s’adresse à moi directement… Mes yeux sont ouverts, je suis les personnes des yeux, tourne la tête… Allez j’essaie d’ouvrir la bouche mais rien ne sort…C’est comme si mon corps et moi étaient étrangers maintenant. Je suis comme clouée sur place, je suis devenue un objet, un cas d’étude… tiens c’est drôle, je raffolais des cas d’études il n’y a pas si longtemps… Pas si longtemps, en fait non, c’était il y a une éternité…
Sur ce foutu lit, le temps a arrêté sa course folle ou peut-être est-ce moi qui ai arrêté de courir après lui… maintenant la journée semble s’étirer, s’allonger. S’écouter respirer… Drôle de concept, n’est-ce pas ! Mais depuis mon lit, il a bien fallu trouver de quoi occuper les interminables heures à attendre. Attendre quoi d’ailleurs… Je ne peux pas aller vers les autres alors je dois attendre qu’on vienne jusqu’à moi… Mais on ne vient vers moi que pour les soins de confort comme ils disent… du confort tu parles… Je suis dépendante, c’est ça le mot exact… Je les regarde me manipuler, me soulever.
Allez hop ! A la douche ! Et si je ne suis pas d’accord ? Pas le choix…
M’absorber dans la contemplation de l’eau qui coule sur sa peau pour me couper de ce monde… Je n’avais jamais pris le temps d’observer l’eau couler sur ma peau dans la douche… Elle ruisselle puis des petites gouttes apparaissent quand l’eau se tarit sous l’action du soignant… C’est comme si mon regard s’était affûté, je passerais des heures à regarder ce rayon de soleil qui traverse la chambre, tiens si j’essayais de compter les particules de poussières ?
Ils ont garde espoir, c’est ce qu’ils ont dit à ses parents… Mais espoir de quoi ? que je puisse bouger un doigt de pied?! Que des foutaises ! Arrêtez vos messes basses… tous mes sens ne sont pas anéantis !! Je sais ce que ça veut dire d’être ici… Je voulais être médecin bordel !
Et puis j’en ai marre de n’être tantôt qu’un numéro de chambre auquel on adresse à peine un bonjour, tantôt la petite chose sur laquelle on s’apitoie… Je suis moi, c’est toujours moi, enfin mon esprit tout du moins…
Tout est plus long, plus difficile… Je dois tout réapprendre, manger, parler…
S’adapter à son handicap comme ils disent… Handicapé toi-même !
Même ma parole est anéantie… Les idées, les mots ne s’emmêlent plus comme avant quand je suis sortie du coma, j’ai retrouvé mon esprit mais finalement j’aurais dû rester dans le brouillard… J’ai l’impression de franchir l’Everest à chaque fois que je veux juste dire quelque chose. D’ailleurs pour l’instant je ne l’ai pas franchi cet Everest, aucun son n’a encore daigné sortir….
Je dois apprendre à me contenter de toutes petites victoires. Voir ma main s’approcher de ma bouche et réussir tant bien que mal à avaler un peu de purée… On me félicite comme on féliciterait un jeune enfant lorsqu’il apprend à manger seul… Oui c’est exactement ça, on me félicite mais je ne suis plus une enfant, bordel ! Je voulais être médecin…
Je dois attendre… « Patience » telle est ma nouvelle devise… vais-je bouger ce foutu corps autrement que sous les mains expertes du kiné ? Vais-je parler de nouveau ? Attendre, toujours attendre… d’ailleurs je ne supporte plus le tic tac des montres. Moi qui ne cessais de les regarder avant, maintenant je n’en ai plus besoin… A quoi bon savoir qu’une heure s’est écoulée… Ma vie est rythmée par les repas, les séances de rééducation… Je n’ai plus le sentiment de diriger sa vie, je la subis… A peine deux mois se sont écoulés selon mes proches, mais j’ai a du mal à le croire… c’était une autre vie, il y a une éternité en somme…
Une seule chose me redonne le sourire : écouter le groupe préféré de maman… Ainsi j’ai l’impression de me retrouver dans la vieille ferme retapée de mes parents, de sentir l’odeur du goûter du dimanche… Maman adorait chanter à tue-tête, ce qui faisait sourire papa….
Les yeux fermés, j’esquisse un sourire…Parfois même, il me semble presque que je parviens à fredonner sur sa chanson préférée, toute mon enfance cette chanson… « La mer quelle saloperie »… bon elle changerait volontiers les paroles tiens… La vie quelle saloperie

voilà un nouveau texte avec pas mal de modifications… J’ai changé le narrateur, c’était plus facile pour raconter les sensations et les sentiments éprouvés. Je ne parvenais pas à être moins « extérieure »
J’attends avec impatience vos retours

C’est super chouette, ce remaniement! (à part qu’il faut que tu relises, il reste pas mal d’erreurs dues au changement de personne, des possessifs ou des verbes incorrects, mais ça se lissera avec une relecture).

J’aime beaucoup le « je voulais être médecin, bordel », qui revient deux fois, et qui dit tant de choses… Cette femme ne peut pas tricher avec ce qui lui arrive, elle sait. Et tous les petits détails rajoutés (la douche, etc) fonctionnent très bien pour rendre le texte plus vivant.

Mamzelle, très très belle cette seconde version…notamment je trouve quand on baigne dans le milieu…je suis touchée. merci beaucoup

oups! je relis et je corrige!

« C’est la course, comme d’habitude ! », c’était devenu mon expression du moment. Toutes les journées sur le même rythme, un rythme trépidant où le temps vous file entre les doigts… Réveil, petit-déjeuner, courir pour attraper le bus, surtout ne pas le rater ! Une fois dans le bus, 10 minutes pour me plonger dans mes cours… Médecine… J’ai toujours voulu faire ça… un rêve de gosse que j’espère réaliser en fin d’année… Ce foutu concours qui m’oblige à courir après le temps… la fac, les amphis, un repas sur le pouce, la tête dans les livres, retour dans les amphis, la bibliothèque, courir pour attraper le bus du retour, pas le temps de laisser mon esprit vagabonder, chaque minute doit être optimisée ! Ouvrir la porte de ma chambre d’étudiante, jeter un regard sur le lit se dire qu’une pause ne serait pas du luxe et puis non, définitivement non, ce concours, ça doit rester mon objectif, alors j’enchaîne sur de nouvelles révisions jusqu’à m’endormir sur mes livres… un nouveau jour se lèvera et comme un bon petit soldat, je serai sur le pont… pour l’avoir ce foutu concours… Un rythme de fou… mais ça en vaut la peine, j’en suis sûre… Je profiterai de la vie plus tard ! je suis jeune, j’aurai le temps de vivre. Après.
Je fonce tête baissée ce matin, deux minutes de retard sur mon planning ! Alors je fonce et quand je relève la tête, je la vois… Le temps s’est comme suspendu, quelques millièmes de secondes à peine mais j’ai pu observer les détails de ce qui allait définitivement changer ma vie, si jamais ma vie se poursuit d’ailleurs… Quelle sensation étrange de se dire que c’est peut-être sa dernière inspiration… quelques instants et le temps reprendra sa course. Je lève les yeux pour garder l’image du ciel bleu au fond de mon âme…
Tout est noir…
Ouvrir les yeux, je dois ouvrir les yeux… Non je n’en ai pas envie…Ce n’est plus le ciel au-dessus de moi. Cela fera deux mois que ma vie a basculé, deux longs mois de coma pendant lesquels j’ai vécu sans vraiment vivre… Oh tout ça, je n’ai pas l’impression de l’avoir vécu, je l’ai deviné, j’ai saisi des brides de conversations au vol parce qu’évidemment personne ne s’adresse à moi directement… Mes yeux sont ouverts, je suis les personnes des yeux, tourne la tête… Allez, j’essaie d’ouvrir la bouche mais rien ne sort…C’est comme si mon corps et moi étions étrangers maintenant. Je suis comme clouée sur place, je suis devenue un objet, un cas d’étude… tiens c’est drôle, je raffolais des cas d’études il n’y a pas si longtemps… Pas si longtemps, en fait non, c’était il y a une éternité…
Sur ce foutu lit, le temps a arrêté sa course folle ou peut-être est-ce moi qui ai arrêté de courir après lui… maintenant la journée semble s’étirer, s’allonger.
S’écouter respirer… Drôle de concept, n’est-ce pas ! Mais depuis mon lit, il a bien fallu trouver de quoi occuper les interminables heures à attendre. Attendre quoi d’ailleurs… Je ne peux pas aller vers les autres alors je dois attendre qu’on vienne jusqu’à moi… Mais on ne vient vers moi que pour les soins de confort comme ils disent… du confort tu parles… Je suis dépendante, c’est ça le mot exact… Je les regarde me manipuler, me soulever.
Allez hop ! A la douche ! Et si je ne suis pas d’accord ? Pas le choix…
M’absorber dans la contemplation de l’eau qui coule sur ma peau pour me couper de ce monde… Je n’avais jamais pris le temps d’observer l’eau couler sur ma peau dans la douche… Elle ruisselle puis des petites gouttes apparaissent quand l’eau se tarit sous l’action du soignant… C’est comme si mon regard s’était affûté, je passerai des heures à regarder ce rayon de soleil qui traverse la chambre, tiens si j’essayais de compter les particules de poussières ?
Il faut garder espoir, c’est ce qu’ils ont dit à mes parents… Mais espoir de quoi ? Que je puisse bouger un orteil?! Que des foutaises ! Arrêtez vos messes basses… tous mes sens ne sont pas anéantis !! Je sais ce que ça veut dire d’être ici… Je voulais être médecin bordel !
Et puis j’en ai marre de n’être tantôt qu’un numéro de chambre auquel on adresse à peine un bonjour, tantôt la petite chose sur laquelle on s’apitoie… Je suis moi, c’est toujours moi, enfin mon esprit tout du moins…
Tout est plus long, plus difficile… Je dois tout réapprendre, manger, parler…
S’adapter à son handicap comme ils disent… Handicapé toi-même !
Même ma parole est anéantie… Les idées, les mots ne s’emmêlent plus comme avant quand je suis sortie du coma, j’ai retrouvé mon esprit mais finalement j’aurais dû rester dans le brouillard… J’ai l’impression de franchir l’Everest à chaque fois que je veux juste dire quelque chose. D’ailleurs pour l’instant je ne l’ai pas franchi cet Everest, aucun son n’a encore daigné sortir….
Je dois apprendre à me contenter de toutes petites victoires. Voir ma main s’approcher de ma bouche et réussir tant bien que mal à avaler un peu de purée… On me félicite comme on féliciterait un jeune enfant lorsqu’il apprend à manger seul… Oui c’est exactement ça, on me félicite mais je ne suis plus une enfant, bordel ! Je voulais être médecin…
Je dois attendre… « Patience » telle est ma nouvelle devise… vais-je bouger ce foutu corps autrement que sous les mains expertes du kiné ? Vais-je parler de nouveau ?
Attendre, toujours attendre… d’ailleurs je ne supporte plus le tic tac des montres. Moi qui ne cessais de les regarder avant, maintenant je n’en ai plus besoin… A quoi bon savoir qu’une heure s’est écoulée… Ma vie est rythmée par les repas, les séances de rééducation… Je n’ai plus le sentiment de diriger ma vie, je la subis… A peine deux mois se sont écoulés selon mes proches, mais j’ai du mal à le croire… c’était une autre vie, il y a une éternité en somme…
Une seule chose me redonne le sourire : écouter le groupe préféré de maman… Ainsi j’ai l’impression de me retrouver dans la vieille ferme retapée de mes parents, de sentir l’odeur du goûter du dimanche… Maman adorait chanter à tue-tête, ce qui faisait sourire papa….
Les yeux fermés, j’esquisse un sourire…Parfois même, il me semble presque que je parviens à fredonner sur sa chanson préférée, toute mon enfance cette chanson… « La mer quelle saloperie »… bon je changerais volontiers les paroles tiens… La vie quelle saloperie…

J’aime beaucoup, beaucoup, beaucoup ! L’idée, l’écriture, la ré-écriture ! Je suis d’accord avec toi : changer de point de vue et parler à la première personne donne plus de profondeur à ton personnage. Le premier texte m’a plu, le second m’a ému d’avantage. Plus vivant, plus vibrant, j’ai senti mon cœur se serrer.