Texte d’Ademar Creach

– Quelle chance tu as, toujours pareille, jamais la même..

– Tu parles d’une chance, une fois je brûle, une fois je suis trempée quand ce n’est pas gelée…

– Mais regardes comme tu es belle : rouge vif, et quel bel ensemble vous formez avec tes amies.

– Des amies ? C’est à celle qui s’accrochera le plus longtemps aux branches, en poussant la voisine pour ne pas être la première à chuter

– Regarde le paysage magnifique que vous formez : jaune, orange, rouge…

– Tu peux toujours t’acheter un tapis multicolore si c’est ce que tu trouves si beau : de toute façon, c’est à ça que nous allons ressembler d’ici quelques jours. Et on va se faire souffler, fouler, balayer, tu parles d’une vie…

– Tu ne te rends pas compte… peut-être que ta vie est plus courte que tu ne souhaiterais, mais elle est belle, colorée. Tu es admirée partout, surtout en ce moment… tu es même le symbole d’un pays.

– Eh bien, il t’en faut peu à toi : un peu d’été indien, et tu deviens lyrique… qu’est-ce que tu as pour tomber comme ça en pamoison au milieu de nulle part ??

– Justement, je suis perdue…

– Ah… ce n’est pas malin de se perdre dans une forêt toute seule…

– Mais non, pas dans la forêt, dans ma vie…

– ???

– Je ne sais plus ce que je veux, où je vais, qui je suis…

– Ouh là, c’est grave, ça. Tu as perdu la mémoire ?

– Mais non ! Ma vie ne me plaît plus, tout me semble gris, terne, vide…alors oui, je t’envie d’être aussi belle, changeante, colorée et légère…. Tout ce qui me manque quoi.

– Hum, évidemment, t’es habillée en noir, alors ça aide pas.

– Tu as raison, j’ai envie de couleurs, de changements.

– Commences par t’habiller autrement !

– Ça doit être le plus facile à faire… mais ça ne servira pas à grand-chose si rien d’autre ne change.

– C’est un début ! Adaptes-toi à tes envies comme j’adapte mes couleurs aux saisons.

– Encore faudrait-il que je sache ce que sont mes envies… Ce qui me plaisait avant m’ennuie maintenant, j’ai envie de nouveauté, de beauté, de légèreté. Tiens, suivre le vent comme toi, pour voir où il m’emportera…

– Euh, généralement, je ne le suis pas, c’est bien lui qui décide de m’emporter plus ou moins loin. Pff, je ne peux même pas m’arrêter pour visiter, moi.

– Voilà, suivre aussi, c’est bien. Ne plus avoir de responsabilités, de contraintes….

– C’est pas gagné. Tu peux toujours vivre en ermite avec nous… mais tu verras, la forêt en hiver, c’est pas top. Je ne serais même plus de ce monde d’ailleurs.

– Mais non, je veux juste trouver ma voie, une autre voie… découvrir qui je suis, ce que je veux vraiment…

– Pas sûre que la psychanalyse avec une feuille d’érable soit le moyen le plus simple d’y arriver… Aïe ! Qu’est-ce que tu fais ??!!

– Je t’emmène avec moi. Je veux te garder en souvenir.

– En souvenir de quoi ? Je ne vais plus être toute desséchée, moi, super comme souvenir…

– En souvenir du jour où j’ai décidé de changer de chemin.

– Ah, c’est pas mal ça, trouver son chemin pendant une balade en forêt. Ce n’est même plus une métaphore. Euh, sans indiscrétion, tu vas faire quoi ?

– M’ouvrir aux nouvelles idées, suivre mon intuition, créer…

– C’est un métier, ça ?

– Non, un besoin… Je ne vais pas tout changer. Ou par petites touches seulement. Oser. Ecrire, dessiner, découper, composer, que sais-je…M’emballer ! T’admirer m’a donné plein d’envies. J’ai des idées à la pelle…

– D’habitude ce sont plutôt les copines et moi que l’on ramasse à la pelle… Bon vent alors !

Par Ademar Creach

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C’est comme si Ademar Creach avait décidé de faire de ce dialogue un « dialogue de sourds », du moins au début. Elle met en scène ce type d’échange où chacun voit midi à sa porte, et où du coup, l’échange n’est pas vraiment constructif puisque chacun, sur une longueur d’onde différente, peine à entendre l’autre. Puis assez rapidement le dialogue évolue, la feuille devient la confidente et le « témoin » de la décision de changement, et le chemin de la forêt devient la métaphore du chemin de vie. Il y a un côté anecdotique assez universel qui est bien rendu, je trouve : combien de personnes ont pris des grandes décisions suite à un déclencheur purement anecdotique, simplement parce que à ce moment-là, c’était bon, c’était mûr ? Alors pourquoi pas en cueillant une feuille d’érable à l’automne, effectivement.

Un peu comme pour Ariane, je trouve dommage, Ademar Creach que tu n’aies pas conservé au moins en partie le ton assez sarcastique de ta feuille d’érable (celui qu’elle a dans les 2 premières répliques). Tu le retrouves de loin en loin, mais je trouverais plus intéressant, je pense, de le conserver intégralement. Finalement, on suppose que la feuille d’érable est certes le déclencheur de la décision, mais que cette décision vient d’un long parcours avant. Je trouverais intéressant de construire la totalité de ton dialogue comme tu le fais au début, sur le mode « dialogue de sourd », avec ton personnage qui déroulerait son cheminement intérieur à cette feuille d’érable, qui n’en aurait finalement pas grand chose à faire, qui commenterait de manière assez sarcastique (et même les conseils qu’elle donne pourraient être tournés de cette manière, du genre « oui enfin bon, habillée en croque mort, si tu veux, ça aide pas non plus… »), s’agaçant de plus en plus que son interlocutrice continue son quasi-monologue de renaissance, alors qu’elle va mourir bientôt. A réfléchir. C’est une option qui me semble intéressante pour donner plus de relief au texte, en donnant plus de personnalité à chacun.

Ademar ton texte me parle, d’autant plus qu’il y a des pointes d’humour très appréciables

Merci! J’avais peur que d’utiliser toujours ce ton fasse « trop », trop répétitif (« toujours la même chose »)…. mais apparemment…. non! Je note!

Héhéhé! Il faut voir, si ça se trouve mon idée n’est pas bonne… 😉 . Mais je crois réellement que ça peut créer un décalage sympa entre les deux personnages, et du coup les « servir ».

J’ai bien aimé ton texte : les sarcasmes, l’humour, le symbole de la feuille d’érable, je l’ai lu avec beaucoup de plaisir!
Je trouve juste que ta dernière phrase dénote un peu, j’aime bien les jeux de mots de ta phrase mais je la trouve en décalage avec le reste du texte, comme si elle dénotait mais je n’arrive pas à comprendre ce qui me gêne 😉 [#commentairetrèsutile!]

Merci, Ariane, pour les compliments…et si quelqu’un a la même impression pour la fin, n’hésitez pas à me le dire, enous l’expliquant ou non! Le ressenti est important aussi!

Je suis assez d’accord avec Ariane, le « bon vent alors » m’a semblé un peu décalé, pas forcément dans le ton. Cette feuille elle va se dessécher, elle le dit, du coup ça fait une envolée toute légère et joyeuse, alors que son « ton » était globalement plus grave, (sans être sinistre pour autant). Je crois que c’est aussi ce côté un peu « dissonant »/gentil/tout-le-monde-il-s’aime-bien » (c’est l’effet que ça me fait) de cette expression à la fin qui m’a donné envie de voir le texte en gardant plus d’opposition entre deux personnages.

Le côté dialogue de sourd m’a bien parlé également, on se retrouve assez facilement dans ce personnage en recherche de conseils mais qui finalement ne veut rien entendre, veut changer mais ne prend pas les conseils..
J’ai également eu du mal avec le bon vent, surtout qu’elle emporte la feuille avec elle et que la lecture de cette phrase m’a plutôt laissée une impression de séparation entre elles.
Hormis cela, j’ai vraiment bien accroché à ce texte