Texte de Lula

La Llorona

1er Avril 2014

Après une nuit blanche passée à parler, à essayer de comprendre, à crier, à le prendre dans mes bras pour le rassurer, à me taire pour le laisser parler, je suis partie de chez lui sans rien dire. Enfermée dans ma voiture, derrière mes grosses lunettes noires, j’ai pleuré. Je n’ai jamais pleuré comme ça pour personne.

Il s’est arrêté au feu rouge à coté de moi. J’ai baissé la vitre, il a pris ma main. Je n’ai pu retenir mes larmes.

Je suis dans cet état depuis 4h ce matin. Depuis qu’il m’a dit qu’il avait besoin de temps… Depuis qu’il m’a quitté.

Je suis chez moi, seule avec ma peine et mes larmes. Pourquoi je pleure autant ? Ce n’est pas moi. Je suis perdue. Anéantie. J’ai l’impression d’être le personnage d’un film à l’eau de rose. Si je continue de pleurer, je risque la noyade. Les vannes sont ouvertes et toute la peine que j’ai gardé au fond de moi pendant des années se déverse maintenant, pour lui, ou à cause de lui, sans que je ne puisse l’arrêter.

Je dois me ressaisir. Je ne suis pas ce genre de fille qui se lamente sur son sort. Et pourtant… Me voilà, le visage humide, les yeux rougis, les gouttes qui coulent sur mes joues sans que je le veuille.

Je ne veux parler à personne. Je ne veux voir personne. Je veux rester seule et pleurer jusqu’à ne plus avoir de larmes. Jusqu’à me dessécher s’il le faut. Je veux juste pleurer en paix.

10 Avril 2014

Tout me semble difficile. Je n’ai plus aucune volonté. Me lever le matin pour aller travailler est devenu une épreuve. Je n’ai jamais été une sentimentale alors me voir dans cet état là me met hors de moi.

L’autre soir, j’ai acheté une bouteille de vin. Je commençais à peine à reprendre le dessus sur mes émotions. Je n’allais pas bien mais j’avais réussi à faire cesser ce flot incessant de larmes. Je buvais tranquillement un verre à la maison quand j’ai reçu un message. C’était lui. Il me demandait comment j’allais. Ces trois petits mots « Comment vas-tu ? » ont eu l’effet d’une bombe sur moi. J’éclatais en sanglots et j’étais à nouveau une fontaine. J’ai répondu que je n’allais pas bien. « Je suis désolé » fut son unique réponse. J’étais furieuse. Je ne pleurais plus seulement de peine mais de rage. Pourquoi avait-il besoin de se manifester pour dire qu’il était désolé ? Pourquoi remuer le couteau dans la plaie ? C’était comme si j’étais en train de me noyer et qu’il venait appuyer sur ma tête pour m’empêcher de sortir la tête de l’eau.

1er Avril 2016

La vie est étrange parfois. Il y a exactement deux ans qu’il m’a quitté. Deux ans que je ne lui ai plus parlé. La première année, je l’ai évité. La seconde je suis passée à autre chose. De l’eau a coulé sous les ponts. Je l’ai oublié. Je l’ai pardonné.

Je me suis arrêtée sur le port cet après midi, dans ce café où je l’avais rencontré pour la première fois, devant lequel il m’avait embrassé la première fois aussi, sous la pluie, comme dans les films. Quand je suis arrivée, je l’ai immédiatement reconnu. J’ai eu un moment de panique. Mais je ne suis plus la même qu’il y a deux ans. Cet océan de larmes dans lequel je me noyais presque tous les soirs avait enfin séché. Alors, j’ai décidé de le saluer. La surprise s’est lue sur son visage quand je me suis approchée de lui. Il ne s’attendait pas à me voir. Il ne s’attendait pas à ce que je lui adresse la parole. Comme il était seul, il m’a proposé de me joindre à lui. Les premières minutes furent silencieuses. On s’observait. Comme si on se découvrait. J’ai lancé la conversation sur des sujets banals. Puis au fil de la conversation, nous avons parlé de nous, de notre histoire. De cette rupture qui n’en était pas une. Il était ému. Triste un peu aussi. La nostalgie nous a gagné. J’ai ri en lui racontant mes torrents de larmes, mes soirées passées à me lamenter, mes nuits folles pour noyer mon chagrin. Il s’est excusé. Il a prit mes mains et m’a demandé pardon. J’ai souris. J’ai pris ses mains à mon tour et je lui ai simplement dit merci. Il n’a pas eu l’air de comprendre. Alors je lui ai expliqué. Durant ces deux ans, j’ai accompli beaucoup de choses, j’ai voyagé, j’ai changé de métier, j’ai appris à profiter du moment présent. Et j’ai réalisé que c’était grâce à lui. S’il ne m’avait pas quitté, je n’en serais pas là. Je n’aurai pas prit le temps de chercher un sens à ma vie. Cette rupture, qui a fait coulé tant de larmes, s’est avérée être le début d’une prise de conscience, d’un grand changement.

Je me suis levée, j’ai posé un baiser sur sa joue et j’y ai trouvé une larme…

Par Lula

Lula, 28 ans, apprentie écrivain! J’aime écrire depuis toujours. Je suis actuellement en recherche d’emploi mais j’ai été coiffeuse, vendeuse, serveuse, et barmaid!

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Lula nous propose ici un texte qui emprunte fort justement son titre à une légende mexicaine, ce qui lui donne d’emblée une petite touche romanesque. Ici, cette « Llorona », cette pleureuse, donc, est une femme quittée, tout d’abord prisonnière de son chagrin, puis qui parvient à en sortir, et pour qui finalement, cette rupture sera révélatrice. Il y a quelque chose, presque, de l’ordre du retournement de situation, de « l’arroseur arrosé », puisqu’à la fin, c’est l’homme qui l’a quittée qui pleure. Lula nous raconte la « plongée » (puisqu’on parle d’eau, ce mois-ci… !), puis la renaissance d’une femme, tout en tissant en filigrane une métaphore de la vie au travers du chagrin qui va, qui vient, qui change de camp, tel un infidèle. Comme si, pas plus que l’amour, le chagrin n’était éternel. Et qu’il était simplement adossé à ce que l’on choisit –ou pas- d’être, de vivre, de ressentir. Et la boucle est bouclée.

Lula, il y a quelque chose qui m’a intriguée dans ton texte, qui m’a donné envie d’en savoir plus, c’est ce « toute la peine que j’ai gardée au fond de moi pendant des années ». Cela donne une profondeur à ton personnage, on perçoit qu’il y a une histoire derrière l’histoire, mais tu ne l’exploites pas. C’est peut-être un effet de la limitation de caractères imposées, mais ça me semblerait intéressant que tu t’en serves ne serait-ce qu’un peu. C’est quoi, cette peine ? Elle vient d’où ? etc…
Par ailleurs, je crois que ton texte gagnerait en dynamisme si tu remplaçais quelques « réfléxions » de ton personnage par des mises en situation. La forme « journal intime » se prête bien à ce que le personnage s’épanche sur ses ressentis, c’est donc tout à fait adapté. Mais parfois, passer par une mise en situation, par une scène concrète (comme tu le fais par exemple avec le SMS ou la rencontre) est plus parlant. Simple exemple, mais quand elle dit « me lever le matin est devenu une épreuve », ça peut devenir « ce matin, j’ai cru que je ne parviendrai pas à me lever. Ça fait plusieurs jours déjà que c’est limite ». Le contenu est le même, mais dans le mode narratif, tu sors du « commentaire » pour nous prendre par la main et nous emmener vraiment dans ton histoire. C’est souvent plus efficace.

Merci pour ton commentaire Gaëlle! Tu as très bien résumé mon texte et je retrouve exactement ce que j’ai voulu y faire passer.
C’est vrai que la limitation de charactère a joué sur le développement de l’histoire, j’ai voulu rester centré sur ce que ressentait le personnage sur le moment sans trop déborder mais tu as raison, il y a quelque chose à développer! Je prends notes de tous ces bons conseils!
Merci

Et si tu réessayes des choses des choses d’ici la fin de la semaine, n’hésite pas à les poster ici (oui, un atelier d’écriture, c’est souvent un ramassis de curieux, j’assume 😉 )

J ai aimé la scène finale qui donne de l originalité et que l héroïne se rende compte que tout ce chagrin était derrière elle