Texte de Maimoun – « La fabrique à sourires » *

Enfant, Émeline rêvait d’être architecte. Quand nous avions dix ans, elle dessinait des plans dans des cahiers de brouillon. Puis, à l’époque où nous nous intéressions plus aux garçons qu’aux bonbons, elle récupérait nos Lego abandonnés et les vieux Kapla pour édifier des cités chimériques dans le garage de son père. Je l’avais perdue de vue après le lycée, mais, quand je découvrais des immeubles démentiels au cœur des pages épurées et glacées des magazines déco, j’étais surprise de ne pas lire son nom.


Je la retrouvai finalement en bas de chez moi, un jour où j’étais allée me plaindre du vacarme matinal sur le chantier mitoyen de mon immeuble. Aguerri aux querelles de voisinage, le premier ouvrier que je rencontrais me conduisit calmement auprès du chef de chantier. Il était penché sur une série de plans. Un détail m’interpella. Sous le casque jaune obligatoire dépassait une chevelure aux boucles en bataille grossièrement domptée par un élastique fatigué. Ses traits s’étaient épaissis, mais je reconnus mon ancienne amie dès qu’elle tourna son visage vers moi.

Émeline avait laissé ses rêves d’enfant dans le garage de son père. Les études d’architecte sont longues et coûtent cher. Elle était tombée dans le béton, m’expliqua-t-elle dans un grand éclat de rire au café du coin. Elle avait toujours les mêmes yeux malicieux et cette voix haute perchée qui cadrait mal avec sa poitrine opulente et des bras de déménageuse.

Émeline revint dans ma vie comme si nous ne nous étions jamais quittées. Elle était concrète, arrimée à la ville par son béton armé, solide et sûre. Elle grignotait les hommes comme on goûte les fruits de saison, avec gourmandise, profitant de l’instant présent. À la fin de la saison, elle passait à autre chose. La vie est simple quand tu fais ce que tu aimes, me disait-elle. Moi, je n’avais personne dans mon cœur, ni même dans mon lit. J’enchaînais les heures supplémentaires. Je rentrais tard, je sortais peu. Émeline écoutait mes états d’âme avec complaisance puis me tapait dans le dos en m’invitant à boire une bière.

Sa force me fascinait. Son énergie était contagieuse. Je comprenais que les hommes aient tellement envie d’être à ses côtés. Plus aucun d’entre eux ne s’offusquait d’ailleurs de travailler sous les ordres d’une femme. Ils respectaient sa volonté farouche et cet amour du BTP qu’elle clamait dans le grondement des pelleteuses et des marteaux-piqueurs.

Alors que le nouvel immeuble de ma rue n’était pas encore terminé, Émeline s’éclipsa quelques jours. T’en fais pas poulette, m’avait-elle rassurée, j’ai un truc à faire pour un pote. Je reviens vite. Je la regardais partir dans une camionnette chargée de planches, de poutrelles et de parpaings. Vus depuis mon balcon, ils me rappelaient les Lego et les Kapla de notre jeunesse.

En définitive, Émeline s’absenta plus d’un mois. Elle s’était arrangée pour le chantier. Elle m’avait envoyé un texto pour me prévenir qu’elle reviendrait finalement plus tard. Avec une belle surprise, avait-elle ajouté avant de terminer par un émoji clin d’œil. Puis elle avait éteint son téléphone. Elle me manqua. Les bruits du chantier recommencèrent à me taper sur les nerfs. Un jour, je vis passer sa camionnette dans une rue voisine. Je me mis à courir pour la rattraper. Mais le feu à l’intersection était vert, je n’avais aucune chance. Je restais plantée là, comme une merde de chien oubliée sur un trottoir.

Un dimanche matin, je reçus enfin un texto d’Émeline. Elle m’envoyait la photo d’une grosse cabane en bois. Et voilà ! disait la légende. Comme je ne comprenais pas, elle résolut de venir me chercher. Ce n’est pas le genre de chose qu’on peut partager au téléphone, m’avait-elle expliqué. Sa camionnette dégageait une odeur animale un peu âcre derrière des notes de bois et d’herbe. Malgré ses ongles noirs et ses chaussures crasseuses, Émeline était resplendissante. Elle voulait me présenter quelqu’un.

Émeline tournait à gauche, prenait à droite et empruntait des ronds-points avec une dextérité tranquille au milieu des pavillons et des barres d’immeuble. Parfois, un groupe de jeunes en joggings sombres et baskets blanches dodelinait à un abri-bus, le volume de leur enceinte poussé au maximum. Ici, un homme encapuchonné promenait un pit-bull muselé. Là, une femme transportait de lourds sacs plastiques, invectivant son petit garçon qui traînait à l’arrière, sous les regards impassibles d’un groupe d’hommes fumant à la terrasse d’un bar-tabac.

Après une rangée de hautes tours aux noms de femmes, Émeline s’engagea dans l’enceinte d’une petite usine surmontée de deux grandes cheminées. Devant les façades blanches du bâtiment aveugle se dressait la cabane de la photo. Une demi-douzaine de moutons paissait tranquillement dans l’herbe.

Tiiiiiiiiiiiii bidi bidi bidi bidi bidiiiiii ! lança Émeline quand elle fut descendue de la camionnette.

Une petite brebis désinvolte leva immédiatement la tête et se dirigea vers Émeline d’un pas décidé. Les autres la suivirent tranquillement. Émeline s’était agenouillée, les bras ouverts. Les brebis vinrent se blottir contre elle, lancèrent quelques coups de tête affectueux et se remirent à brouter paisiblement tandis qu’Émeline continuait de caresser la première brebis.

Elle s’appelait Castafiore. Elle avait beau être la plus petite, c’était la cheffe.

Émeline était venu construire un abri pour le troupeau avec trois amis. Le maire avait accepté d’accueillir les bêtes et leur berger, Paul, sur le terrain de la chaufferie au gaz de la cité des Églantiers. Paul avait profité de la présence des constructeurs pour s’octroyer quelques jours de repos. Il avait laissé les brebis sous leur surveillance. L’herbe du terrain suffirait à les nourrir le temps de son absence.

Castafiore s’était rapidement approchée des travaux de la bergerie. Elle tournait autour d’Émeline, la regardait avec une tendresse touchante puis se mit à bêler régulièrement pour l’interpeller. Émeline comprit que Castafiore demandait à sortir de l’enceinte de la chaufferie. Elle entama une véritable conversation avec elle. Elle lui expliqua qu’elle n’avait pas le droit de la faire sortir. Ça pouvait être dangereux. Dehors, il y avait les voitures, les chiens et certainement encore de nombreux dangers. Émeline craignait aussi de perdre le troupeau. Tu vois, Castafiore, si tu te fais la belle avec tes copines, moi je serais bien emmerdée, expliquait Émeline.

Après le premier week-end, les amis d’Émeline durent retourner à leurs emplois respectifs. Restée seule, Émeline continua ses conversations avec la brebis. Les yeux de Castafiore l’apaisaient. Aie confiance en moi, semblaient-ils dire. Le soleil brillait, la journée s’annonçait belle, Émeline n’avait plus grand-chose à faire pour terminer la cabane, elle décida d’emmener Castafiore et ses copines faire un tour.

À sa plus grande surprise, les brebis la suivirent sagement. Elle se sentit en harmonie avec elles. Quelques habitants reconnurent le troupeau, mais la plupart étaient surpris de voir des moutons au cœur de leur cité. Les enfants approchèrent, joueurs et blagueurs, heureux de cette attraction nouvelle. Ils indiquèrent à Émeline un endroit paisible derrière la médiathèque. Émeline ne resta pas longtemps. Elle ne savait quoi répondre à ceux qui voulaient tout savoir sur les moutons. Et elle avait bien trop peur de perdre une bête.

Paul revint le lendemain. Émeline lui avoua qu’elle avait sorti les brebis, préférant affronter une colère justifiée. Paul l’écouta et se mit à sourire. Elles t’ont bien eu, tu sais, confia-t-il. Maintenant, tu ne pourras plus t’en détacher. Il avait raison. Bien que la cabane fût terminée, Émeline revint tous les jours à la bergerie. Elle apprit à guider les brebis, à les canaliser le long des trottoirs et à les faire traverser en sécurité. Paul lui indiqua les meilleurs pâturages et lui apprit le nom des plantes qui étaient bonnes pour les moutons. Émeline lui fit découvrir le carré de prairie de la médiathèque.

Désormais, Émeline était persuadée qu’elle devait abandonner le béton pour les moutons. Encore quelques mois de formation avec Paul et elle envisageait d’avoir son propre troupeau. Tu vois, cette plante dans le talus là-bas ? C’est de l’armoise, un vermifuge naturel pour les moutons, m’expliqua-t-elle. La ville était construite sur d’anciennes terres agricoles. La végétation y était excellente pour les brebis.

Émeline avait rencontré quelques personnes intéressées par un projet de coopérative urbaine. Ils commenceraient avec quelques bêtes puis verraient bien comment ça prendrait. Est-ce que je voulais en être ? Assise dans la verdure à côté d’Émeline, je me sentais sereine. Le thermos de café était posé par terre. J’avais retiré mes chaussures pour sentir l’herbe sous mes pieds. Je ne voyais même plus les tours qui encerclaient le terrain. Je m’imaginais bergère.

Puis je repensais à mon appartement confortable, à mon travail indispensable et à la réalité qui vous rattrape. J’eus peur. J’invoquais des raisons superficielles qui ne trompèrent pas Émeline. Elle objecta que je pouvais ne venir que les week-ends, que ce que l’on donne est généralement bien inférieur à ce que l’on reçoit. Je louvoyais. Émeline ne chercha plus à me convaincre. Elle m’invita simplement à venir de temps en temps pour voir les brebis puis elle me resservit du café dans un sourire sincère.

Je vins une fois. Puis je pris seulement des nouvelles. J’eus une promotion et j’oubliais d’appeler Émeline pendant plusieurs semaines. J’envoyais un texto. Je reçus la photo d’une nouvelle bergerie. Émeline avait maintenant la sienne, installée dans l’enceinte d’une gendarmerie pour qu’on ne lui vole pas ses moutons. Les gens ont faim, tu sais, expliqua-t-elle sobrement. Elle était heureuse. Et toi ? me demanda-t-elle. Je m’empressais de lui montrer que tout allait bien pour moi aussi. Je prenais du galon dans ma boîte. J’avais trouvé un appartement beaucoup mieux situé avec un parquet en chêne et d’adorables moulures. Il faudra que tu viennes voir, lui dis-je. Et puis le temps s’étira de plus en plus sans que nous nous donnions de nouvelles.

Quelques années plus tard, j’étais assise à la terrasse d’un petit café coloré sur les bords du canal en bas de mon quartier. Le client précédent avait oublié son journal. Je le feuilletais. À la dernière page, la photo d’Émeline s’étalait en grand sous le titre « La fabrique à sourires ».

On y parlait des cités et de ces jeunes urbains qui choisissent d’y faire revivre la nature. Le journaliste racontait les sourires des gens quand apparaissait le troupeau d’Émeline à l’angle d’une rue. Émeline citait Amadou, Nasser ou encore Vasilius. Venus d’ailleurs, du sud ou de l’est, des plaines ou des montagnes, ils avaient grandi avec des moutons. Ils avaient aidé Émeline à mieux comprendre ses bêtes. Personne ne klaxonnait quand il fallait attendre derrière son volant que les brebis aient traversé un rond-point. Quand les bêtes paissaient, on s’arrêtait bavarder. Les voisins se découvraient. Les rires fusaient au détour des conversations. Les moutons rendaient les gens heureux. Au milieu de son troupeau, entourée de visages de toutes les couleurs qui souriaient largement, Émeline resplendissait. Derrière elle, des tours de béton rappelaient ses rêves d’enfant. Elle avait réussi, elle était devenue une architecte de la vie.

Mon téléphone vibra. Visio dans dix minutes avec le CoDir. Je laissais le journal sur la table, la chaleur du soleil dans les bourgeons des arbres et les murmures du canal derrière moi. Je rejoignis mon appartement, ses jolies moulures et son wifi.


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De l’architecture à l’élevage de moutons, quelle gageure ! Et oui, et si c’était ça le bonheur ?
Une Emeline bien croquée, aux rêves hétéroclites, qu’on a plaisir à suivre dans ses pérégrinations. C’est frais et plaisant.

Jolie ton histoire Maimoun. Cette Emeline qui sait faire coïncider son rêve avec la réalité, c’est un joli personnage auquel on s’attache. Mettre des moutons dans un paysage urbain, il fallait y penser. Et apparemment, chacune sa définition du bonheur. Il est vrai que le bonheur est tout à fait relatif. On l’a vu aussi dans le texte d’Artémise.
Et les moutons, ils sont heureux de paitre dans la cité ?
Bravo et merci Maimoun pour cette lecture apaisante et réjouissante.

architecte du bonheur!!! quel beau métier. belle trouvaille pour boucler ce texte qui nous aère un peu mais pour autant nous colle de temps à autre à une réalité moins séduisante, celle des hommes qui boivent un coup en terrasse ou promènent des chiens et des femmes qui portent les courses et se cognent les gamins…
j’ai bien aimé cet aller-retour de deux personnages qui se rapprochent mais qui gardent malgré tout leurs chemins respectifs.
petite bricole au passage: une brebis qui a un regard plein de tendresse, ça m’a fait un peu tiquer. mais bon, j’y connais rien en brebis….
lecture trés sympa!

Si, si Ketriken, les brebis peuvent avoir des regards plein de tendresse. Non que je les fréquente, mais quand un animal, quel qu’il soit (moustiques mis à part, dsl pour eux !) te regarde, tu t’interroges quand-même drôlement sur son ressenti. Les vaches, elles, elles l’ont ce regard que je trouve plein de tendresse… et d’un peu d’interrogations sur ce qu’on pense nous-mêmes, non ?

Ouiii, je confirme, j’ai deux biquettes pas loin de chez moi qui partagent un enclos avec une vieille jument à la retraite… faut voir, c’est trop sympas de les voir arriver se gratter le dos avec leurs cornes et te montrer comment faire et ou faire. Après, tu peux y’aller, elles t’ont bien eu, font des yeux de biches et t’es fatiguée avant elles. Qd tu repars, tu sens l’bouc, mais t’es bien… ressourcée et souriante. Les animaux ont cet effet là sur les humains qui savent écouter et prendre le temps… et c’est vrai aussi que les vaches ont de grands cils et des regards tendres. Allez, je m’arrête sinon on va croire que je trouve un attrait certain aux moustiques… meuh non

J’ai adoré ce texte sensible et incarné, très réaliste. J’ai même cru à une histoire vraie, peut-être vécue réellement par Maimoun ; ce qui n’est pas le cas, puisqu’elle s’est documentée. Alors pourquoi ce texte est-il si réussi, notamment avec si forte impression de réel ? Parce qu’il emprunte aux outils du témoignage, et à ceux du journalisme. Je trouve que c’est un excellent exemple de texte, qui, s’il rapportait du vrai, serait du journalisme littéraire, du « narrative non fiction » comme disent les américains, ou une certaine façon de storytelling. :

  • Un récit en 3 actes (passé intro exposition qui ancre dans le réel par le passé + événement déclencheur de l’aventure et justification du récit > / développement description contexte > / résolution-conclusion dévoilement de l’argument du récit), et ceci au travers du portrait d’un individu.
  • Une certain tension, suspens installés (que fait Emeline, que doit-elle révéler) ?
  • Narration au Je, c’est du vécu avec des détails et anecdotes furtifs qui donnent un effet de réel parce que d’ailleurs justement ils sont a priori furtifs ou peu importants (ce sont des faits ornementaux, pourrait-on dire). C’est un peu du journalisme littéraire, « gonzo », reportage et témoignage.
  • Voir/sentir/toucher/entendre… ils sont là (goûter presque, avec le café).
  • Des éléments de hors champs, de contexte, de background (l’environnement, les enfants, ce qu’a déjà appris Émeline auprès des brebis, le coup des Lego et Kapla qui approfondissent l’histoire)
  • Du sentiment éprouvé et restitué (par plusieurs personnes, dont la narratrice et les brebis)
  • Plusieurs points de vue qui apportent des témoignages mettant en perspective les faits, voire des citations d’Émeline. C’est du reportage.
  • Une chute assise et préparée auparavant par des faits qui donnent indirectement l’avis de la narratrice sur cette affaire, comme du journalisme subjectif.

Ce n’est pas la peine Maimoun de vous inscrire à l’atelier d’écriture que j’essaie de monter en juin à Nantes… C’est exactement ce que je propose d’y faire (pour des textes plus long, car on ajouterait quelques autres matériaux, on en développerait certains, mais c’est exactement cela). Sincères félicitations (mais peut-être Maimoun est-elle ou a-t-elle été journaliste?)

Bizarre j’avais cliqué sur les smileys 🙂 des commentaires, ça m’a affiché un temps le contraire… 🙁 C’est corrigé.

Édité 2 années depuis que c'est paru - par Francis

Contrairement aux apparences, je ne suis pas en train de faire de la pub pour ma salade. Cela étant, j’ai été frappé par votre texte, qui correspond à ce que je veux dispenser ou que je dispense régulièrement auprès d’étudiants (je me suis même dit que j’allais m’en servir en exemple de votre texte, si vous le permettez : comme quoi on peut avec de peu de choses (une implication, de la doc, et du temps, certes) construire un texte de journalisme littéraire ; que c’est à la portée de chacun(e), pour les raisons que j’ai dites). Vous dites que vous lisez XXI ou Zadig : c’est bien la preuve (et j’en jubile car cela va dans mon sens) que tout le monde peut intégrer la « grammaire » (id. est : structure, outils) d’un mode de récit et le restituer, parce qu’on a intégré toutes et tous inconsciemment les usages, pratiques, combines… Parce que ça me passionne, j’adore les « micro trottoirs » parce que je regarde les gens ne plus être eux-mêmes (ce n’est pas un reproche au contraire) mais adopter soudain des codes de communication, de récit universels qui touchent l’autre. Aujourd’hui le moindre pékin sait communiquer. Vous avez des gens qui sont aux antipodes des mondes de la communication, de la façon d’écrire, de dire, de raconter qui soudain, en situation, mais qui adoptent spontanément le mode narratif adapté à ce qu’ils veulent faire passer. Bref, qui font du storytelling efficace, qui créent de la fiction, du récit, qui génèrent du sens (Parmi les lectures qui m’ont marqué dans la vie c’est « La misère du monde » de Bourdieu. Des gens ordinaires racontaient à mille fois la puissance que n’importe quel écrivain prétendument « réaliste » le sens de ce qu’ils vivaient, le mettaient en perspective, en faisaient jaillir de la profondeur, du vertige). Ils ne parleraient pas ainsi devant leur famille, sinon de façon très relâchée, mais soudain, en situation face caméra, savent quel message direct, efficace, quel mode narratif adopter pour se faire entendre et comprendre (même si le montage a posteriori, crée ou boucle leur récit) et en faire, encore une fois, jaillir la dimension, voire le vertige (de sens, de philosophie, de profondeur…). Bref : ce que je veux dire, et c’est ce qui me fait plaisir, c’est qu’imbibés de récits, de mode narratifs, etc via les films, les séries, les romans, nous sommes tous capables de faire autant, sinon mieux que les « pros ». Et c’est tout le sens de ce que j’aime : prouver à chacun(e) qu’on est auteur. Qu’on construit son récit, on le bâtit selon des structures universelles, on met en scène le sens. Enfin, voilà quoi… C’est chez moi quelque chose d’importance qui me fait aimer les gens : manier le verbe, manier la fiction, manier le réel sont la preuve d’une intelligence unique trop peu reconnue ni valorisée, qui pourtant nous constituent. Pour moi, l’art du récit, la façon de savoir raconter en ayant même inconsciemment en suivant des codes qui sont universels quels que soient les cultures, l’identité et la construction de chacun, sont… beaux. Mais je m’emporte, je m’emporte. Le fait que vous n’ayez jamais été pro (mais vos activités de blogs font que forcément vous avez acquis des outils, certes) vient donc irriguer tout cela. Bref, il est vachement bien, ce texte. 🙂

c’est joliment dit Francis… à chacun son style et ses mots. Pourvu que l’on se fasse plaisir à écrire, alors le résultat est beaux… il n’y a qu’à voir comme à chaque fois, les textes sont différents, non seulement dans le traitement sujet, mais dans la manière de raconter. C’est toujours un plaisir et une découverte que de lire le texte des autres. Quid de cet atelier Francis? Peut-on se joindre? Dis-moi

Je t’envoie un mail…

Après le texte d’Artemise, Maimoun, quel bonheur ton texte. Je préfère de loin cette jolie version de l’humanité. Après, à chacun son bonheur… moulures et wifi ou nature et bêtes…