Texte de Djidji34

Le restaurant gastronomique lyonnais dans lequel exerce monsieur « B » depuis 6 ans en tant que chef cuisinier, vient d’obtenir sa 2ème étoile. La reconnaissance de son talent, de son savoir faire, symbole de sa réussite, de sa passion, sont autant d’étoiles qui brillent désormais dans ses yeux. La fête de la veille fût à la hauteur de l’évènement, joyeuse, chaleureuse et largement arrosée…

Il est 10h du matin quand monsieur « B » sort de chez lui, une charmante demeure nichée dans un jardin près du Parc de la Tête d’Or, loin des regards et des badauds. Un écrin de verdure, un petit paradis en ville pour cet artiste cuisinier, ce régaleur au grand coeur.

Tout d’abord intrigué mais à peine, par un silence toutefois inhabituel, c’est en arrivant au coin de sa rue qu’il fût surpris de ne croiser personne, plus surpris encore de constater que les rues, les magasins, les banques, les bars et autres restaurants étaient vides, complètement vides.

Aucun signe d’une quelconque activité citadine, aucune âme pour lui porter secours. Il est perdu dans ses premières pensées, silencieux, il ne comprend pas. Que s’était-il passé ? Où était-il ? où étaient-ils tous ? Rêvait-il ? un cauchemar alors! dormait-il encore ? les effets de l’alcool de la veille ? mais le quartier, habituellement si vivant à cette heure, était complètement désert ; emporté par un tourbillon d’interrogations.

De longues minutes furent nécessaires avant qu’il admette la réalité, que tous avaient disparu, déserté, pour une raison encore ignorée de lui.

Alors il marche à travers les rues, espérant y croiser le marchand de journaux, le boulanger ou la jolie fleuriste du coin de la rue des Brotteaux. Il passe devant la gare, persuadé d’y voir un train déversant ses passagers, personne !

Il eût envie d’appeler le restaurant, pas de réponse ! de joindre sa femme, ses enfants, en vain !

Ses pensées se bousculent, il panique puis se raisonne, il panique à nouveau, une question vient à lui : est-ce que je deviens fou ? Oui c’est ça, je bascule dans un autre monde, celui de la folie, ce n’est pas de ma faute, « ils » vont revenir me chercher, me soigner, me dire tout ce que je ne comprends pas…. Pourquoi ? Comment ? Qui suis-je ? Oui ses pensées chavirent. Il marche de plus en plus vite, se met à courir, aussi vite qu’il le peut, voulant perdre le souffle, se laissant envahir par la peur et l’angoisse… ou la folie.

Cette pensée l’obsède, n’envisageant aucune autre explication face à ce désert, ce néant, il n’accepte pas, ne comprend pas, oui, il devient fou.

Monsieur « B » cherche dans ses souvenirs de beuveries de la veille, une piste, une explication, une ombre qui aurait glissé dans l’une des nombreuses coupes de champagne une drogue, aussi puissante que destructrice.

Elle tournait en boucle dans sa tête cette soirée de fête, il en repassait chaque instant, revoyait chacun de ses amis, les odeurs même lui revenaient, le décor soigné pour l’occasion, de son restaurant étoilé ; la musique, le buffet gourmand, forcément, il était impossible que tout ceci ne fût que du vent…

Puis soudain, une effroyable sonnerie le sortit du néant, non ! de son sommeil !

Il dormait… ce cauchemar prenait fin, il n’avait pas sombré dans la folie ni dans l’oubli.

Il est des rêves qui nous entraînent parfois dans des mondes lointains, incroyablement absurdes !

Par Djidji34                                                                       

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Djidji34 nous propose ici un texte centré autour d’un personnage confronté à une journée qui devrait être ordinaire et qui ne change que parce qu’il ne croise personne dans ces lieux familiers et dans ce « train-train ». Le fait de citer des petits détails, en apparence anodine, (la jolie fleuriste, le marchand de journaux) ancre ce personnage dans une certaine trivialité quotidienne, ce qui crée un effet de décalage qui fonctionne : un personnage ordinaire, presque « plan-plan » dans une situation extraordinaire. L’originalité du texte est de questionner la folie possible, sous-jacente à ce genre de situation. Cela crée une distorsion un peu différente : on ne sait alors plus si ce qui est raconté est réellement vécu, ou juste perçu comme tel. Si effectivement le personnage est un peu fou, ou s’il est réellement confronté à cette situation improbable.

On va être ici dans le domaine purement subjectif, mais à titre personnel, j’ai souvent tendance à trouver que l’explication « il rêvait, il se réveille », est un peu facile 🙂 . C’est un grand classique, mais parce que c’est un grand classique, c’est une chute qui n’est pas réellement étonnante, et qui est donc, à mes yeux, un peu décevante. C’est une sorte de « Deus ex machina » qui vient terminer le texte d’une manière efficace, certes, mais peu originale. J’aurais trouvé du coup plus intéressant de cultiver ce thème de la folie/non-folie, probablement d’ailleurs peut-être une certaine ambivalence, ou un certain flou sur la conclusion tirée. C’est un thème riche, savoir si on devient fou ou non, et selon quels critères juge-t-on de la folie, etc… Je trouve très intéressant qu’il soit ici introduit. Le basculement au « je » en cours de texte, justement quand il se sent devenir fou, est à mon sens quelque chose de très pertinent, probablement à développer. Cette double narration (au « je » ou bien au « il ») en fonction des parties du texte pourrait justement créer un espèce de sentiment de dédoublement de personnalité et permettre de servir cette ambivalence folie/non-folie de manière très intéressante.

Je suis assez d’accord avec Gaëlle. J’ai bien aimé lire ton texte, jusqu’à la chute un peu décevante quand on s’attendrait à voir débarquer par exemple les infirmiers de l’hôpital psy pour ramener un patient égaré… Ou quelque chose dans ce goût là.