Texte de Ketriken – « Tout ça pour ça » *

16H30 : Toute la classe des CM2 s’est vidée aux bruits des chaises tirées sur le sol, des cartables trainés sur les tables avant d’être calés sous le bras, des godillots trop lourds et trop chauds en cette saison.
Hormis Pascal Borel, Denis Ouvrard, et Henry Maillard, tous les garçons accrochent rapidement et n’importe comment leurs blouses uniformément grises aux porte manteaux de l’entrée et s’ébrouent comme des jeunes chiots dans la cour. Certains jouent la prolongation pour une dernière partie de billes sous le préau, d’autres se bousculent sans ménagement, et quelques uns traversent la route pour aller jouer sur le parvis de l’église qui est juste en face de l’école de garçons. Tous savent qu’il est dangereux de traverser à cet endroit précis. École et église sont au cœur du bourg, juste dans le virage en épingle à cheveux. Elles se font face et semblent s’accorder pour absorber alternativement leurs lots d’enfants : école, catéchèse, messes, communions…. à croire que curés et instituteurs s’organisent secrètement pour ne laisser aucune place à la liberté de jouer, voire même la liberté de penser !
Pascal Borel
Pascal Borel n’a pas joué aux billes, ni participé aux bousculades car sur ordre de monsieur Ouvrard, directeur de l’école et instituteur des CM2, il est sorti 10 minutes avant tout le monde de l’école, et sans même penser à retirer sa blouse à couru jusque chez les Maillard pour porter un message à la mère d’Henry.
À son retour, le père Ouvrard lui a demandé quelle était la réponse de Madame Maillard. Alors Borel a répété les mots de la mère d’Henry. Grosse erreur de sa part.
« Hum… C’est ce qu’elle a répondu ? Vraiment ? »
Pascal Borel se tortille un peu, et ose à peine lever les yeux de peur de rencontrer le regard implacable de monsieur Ouvrard. Il lui fout les jetons. Et il n’a pas aimé faire ça. Il est essoufflé et a très chaud. Il faut dire qu’il a couru tout du long de la route, à l’aller comme au retour et sans pause, sauf quand il a fallut traverser devant l’église et la boulangerie parce que tout le monde dit que c’est dangereux. Il s’est arrêté, a regardé à droite puis à gauche et constatant le champ libre a repris sa course. Monsieur Ouvrard avait clairement dit « tu fais vite, tu vas jusque chez les Maillard et tu dis à Madame Maillard que je l’attends et que son fils ne partira pas de l’école tant qu’elle ne sera pas venue. Je dois avoir une petite explication avec elle ». Alors Pascal Borel s’est exécuté tel un bon petit soldat. Il sait pertinemment pour l’avoir vécu trop de fois dans l’année, que si on n’exécute pas les demandes (les ordres) de monsieur Ouvrard, c’est soi-même qu’on exécute.
Quand Marthe Maillard, la mère d’Henry, s’est penchée à la fenêtre de la cuisine pour entendre le message de Pascal , (quel petit couillon celui-là, moche comme un pou, la même tronche que son fermier de père, maigrichon à souhait, fagoté comme l’as de pique, juste capable de répéter comme un perroquet, il doit pas avoir de cerveau a force de trainer dans les champs de poireaux et parler avec les poules…), Marthe Maillard donc, a fait une drôle de tête. Pascal est totalement déstabilisé car du haut de sa fenêtre elle a formulé une réponse, et il ne savait  qu’en faire. Ce n’était pas programmé dans sa tête. Le voilà bien encombré dans cette situation. Fallait-il aller répéter au directeur ? ou pas ? aie aie aie, Pascal est tout emmêlé avec lui-même. Quand la mère d’Henry, toujours penchée à la fenêtre a conclu en un militaire « ….et maintenant file d’ici ! » il n’a pas attendu son reste et a repris sa course le long de la route , a dépassé la boulangerie et le presbytère, a fait quelques petits sauts sur le parvis de l’église (c’est trop drôle de faire ça et c’est impossible de s’en empêcher… hop ! hop ! hop !), a de nouveaux fait bien attention pour traverser entre l’église et l’école, et a enfin enlevé sa blouse (qui lui tient tellement chaud quand il court) pour l’accrocher avec celles des autres. C’est comme ça qu’il s’est retrouvé face au père Ouvrard a devoir répéter ce que la mère d’Henry avait dit à sa fenêtre. Et maintenant Monsieur Ouvrard fait lui aussi une drôle de tête et ce n’est pas bon signe. Pascal jette un œil sur le coté (ce qui n’est pas très difficile car son œil droit à déjà une forte tendance à regarder de côté) et il aperçoit Henry assis à sa table, placide, presque absent, les yeux dans le vague, un coude sur la table et sa tête posée dans sa main comme non concerné par ce qui est en train de se passer. Son autre main est dans sa poche et caresse le boulard coloré gagné pendant la récréation : une belle et grosse bille aux reflets bleutés qu’il convoitait de longue date. Le perdant n’a pas apprécié et c’est la que tout a commencé. Une bagarre mémorable qui s’est soldée par quelques bleus et égratignures dans les deux camps. Henry se moque des conséquences de l’embrouille avec un mauvais perdant, car le plaisir de posséder cette bille lisse et douce est incommensurable.
Le directeur s’agace de devoir attendre une réponse de cet ahuri de Pascal Borel et lance un :
« Hé ! Borel ! je t’ai posé une question. T’es sûr  ? C’est ça qu’elle a répondu ? »
Oui m’sieur. C’est ça qu’elle a dit : « Le père Ouvrard il m’emmerde ! »
Ouvrard reste quelques secondes dubitatif en regardant Borel, le petit couillon de service, qui ne saura certainement jamais vraiment bien lire ou écrire, juste bon à se lever à 4h le matin pour aider ses parents maraichers à faire les foins, ou s’occuper des bêtes, ou préparer les cagettes de légumes du marché.
« Très bien, tu peux partir, rentre chez toi. »
Pascal se déplace en marche arrière pour récupérer on sac de classe resté près du poêle. Face à monsieur Ouvrard la marche arrière est préférable car elle à l’avantage de permettre de rester face à l’ennemi, ennemi qui chausse du 44 et n’est pas avare de coups de pieds aux fesses. Il ose à peine regarder Henry, car il se sent miteux et pitoyable. En acceptant (avait-il le choix ?) la mission du père Ouvrard, il a contribué à l’exécution d’Henry, c’est certain !  Il n’a pas aimé faire ça. Mais quand on a 11 ans, on fait ce que le directeur nous dit de faire, même si on sent bien qu’il y a un truc pas terrible qui se passe. À 11 ans, on n’a pas assez de discernement pour comprendre ou analyser que notre conscience est en train de nous faire des signes désespérés pour nous signifier qu’il y a désaccord entre l’action et la raison. On sent le malaise, mais on le subit. C’est très désagréable. Ça donne même parfois envie de pleurer et pire encore envie de faire pipi dans son short.
Le banc à côté du poêle est occupé par Denis. Une fois de plus, Denis est consigné en fond de classe, punit chaque jour ou presque, subissant les pires humiliations du directeur. Sauf que Denis est le fils Ouvrard. Et pour Gustave Ouvrard directeur de cette école primaire, la valeur d’exemple est fondamentale, alors pas de favoritisme. Son fils est dans sa classe ? Pas de problème, chacun pourra voir combien il applique ses méthodes éducatives à tous, y compris aux siens. Pauvre Denis.
Pascal prend son sac, en prenant soin de ne jamais tourner le dos au directeur, et sort de la salle de classe. Il referme consciencieusement la porte, et cartable sous le bras il semble fuir l’école pour rejoindre le plus vite possible les ruelles qui mènent à la ferme. Il s’arrête net au bord du trottoir, regarde à droite, à gauche, laisse passer un ou deux véhicules puis traverse à cloche-pied (12 petits sauts sur le même pied pour arriver en face sans perdre une seule fois son équilibre, c’est super dur à faire) puis passe devant la boulangerie avant de s’élancer à l’assaut du parvis de l’église pour enfin s’enfiler dans le petit chemin vers le cimetière. Il doit faire vite car d’après la position du soleil ce doit être l’heure d’aller chercher les vaches pour les ramener à l’étable et son père doit déjà s’impatienter. À la ferme, tout le monde a une fonction et pas question de s’y soustraire. Là aussi, le danger de l’adulte mécontent plane au dessus des têtes. Mieux vaut faire sans réfléchir, plutôt que prendre le temps de réfléchir et s’en prendre une. Ça fait un peu mal tout de même.
Dans la salle de classe, Gustave Ouvrard, mégot de gauloise coincé aux commissures des lèvres est en train d’écrire la date du lendemain au tableau : mardi 20 mai 1966. Quand il en a finit avec ses liés et déliés, il jette la craie sur son bureau, puis décroche les cartes de géographie du dos du tableau noir pour les ranger dans le grand bac sous les fenêtres. Sans se retourner il s’adresse à son fils :
« Denis, tu ramasses les « cahiers du jour » (reconnaissables à leur couverture plastique rouge, le cahier de brouillon étant lui recouvert de couleur jaune) et tu les poses sur mon bureau. Ensuite tu remplis tous les encriers et tu remontes à l’appartement. Tu prends une pièce de 1 franc sur le meuble d’entrée et tu files à la boulangerie acheter du pain. Toi, Maillard, tu bouges pas, on va attendre ta mère tous les deux. »
Henry est appuyé contre le dossier de sa chaise, mains dans les poches et regard vide, il semble ailleurs, indifférent au fils Ouvrard qui passe de table en table en entassant les cahiers rouges dans ses bras, des morceaux de buvard rose entachés d’encre bleue dépassant de la plupart des dits cahiers, indifférent à cette chaleur écrasante de début d’été, indifférent aux odeurs d’encre de craie et de tabac froid. Il caresse son boulard. Il est heureux.

Marthe Maillard
Une journée exécrable ! Une chaleur accablante, un potager qui crève de soif, des fleurs qui penchent la tête, et une baraque étouffante malgré les volets fermés toute la journée. Elle a fait les lessives et le repassage, rangé la maison, rapiécé quelques vêtements des enfants, épluché les légumes et préparé le repas. C’est Henry qui passera prendre un gros pain à la boulangerie en revenant de l’école. Toujours ça de moins à faire. Elle est épuisée et se traine un bonne fièvre qui la met sur les rotules. Elle jette un œil à la pendule de la cuisine : 16H. Il lui reste une petite demie heure avant que les enfants ne rentrent de l’école, alors elle s’écroule sur le fauteuil en osier du salon pour s’apaiser un peu et se reposer avant la vague de cris, de devoirs à faire, de pyjamas à enfiler, et de soupes renversées a ramasser. Elle tentera aussi de faire bonne mine quand son mari rentrera de l’usine. Que d’efforts à fournir encore alors elle va mettre à profit les quelques minutes à venir pour son bien être. Son petit plaisir quotidien.
Marthe Maillard est une jolie femme de 35 ans, épaisse chevelure brune négligemment retenue par des pinces volontairement mal posées à l’arrière de la tête , laissant quelques mèches s’échapper librement autour du bel arrondi de son visage. Chaque jour, elle porte une robe cache cœur, tantôt en lainage pour les jours les plus froids, tantôt en léger coton fleuri dés que le printemps arrive, robes pratiques pour les travaux ménagers mais aussi élégantes du fait que la ceinture marque la taille, et la taille de Marthe est plus que parfaite. Ses cinq grossesses n’ont laissé aucun mauvais souvenir à cette taille là.
Tout n’irait pas si mal si elle n’était pas une fois de plus abattue par ce foutu phlegmon ! Les amygdales de Marthe sont son point faible. Elle fait des phlegmons à répétitions. Toute l’année elle se bat contre ces maux de gorge, ces lancements aigus en fond de bouche, ces fièvres associées, et ce sentiment de se faire voler son énergie par une bactérie qui l’accable et la met hors-jeu. C’est pénible et éprouvant. Toute l’année ou presque elle porte des écharpes ou des foulards pour protéger sa jolie gorge des bactéries. Négligemment entourés autour du cou ou soigneusement noués bien serrés, les foulards de Marthe sont devenu sa marque de fabrique, comme une sorte de signature.
Elle allait enfin se poser et se reposer, quand elle a entendu le fils Borel l’appeler depuis la rue. Marthe a horreur d’être dérangée, Marthe aime être seule. Elle s’accommode parfaitement du silence, et goute parfois la compagnie musicale de la radio. C’est une femme indépendante, ou tout au moins qui tente de ne dépendre de rien ni de personne, et mises à part les obligations familiales et conjugales auxquelles elle ne peut se soustraire, elle mène sa vie comme elle l’entend, c’est-à-dire le plus librement possible. Alors ce phlegmon qui vient et revient plusieurs fois dans l’année, qui la contraint a supporté la fièvre et une gorge irritée en presque continu, ça la met sur les nerfs.

Auguste Ouvrard
16h35 et il a tout son temps. Maître à bord dans sa classe et dans son école, il jouit de son pouvoir sur les enfants et autres instituteurs. Son épouse est quant à elle la directrice de l’école des filles. Statut qui leur permet de bénéficier du logement de fonction au premier étage. Quand Gustave Ouvrard enfile sa blouse grise le matin, c’est le costume qui le fait homme. Dés qu’il porte cette blouse, il se sent investi d’une mission divine, d’une autorité irrésistible, se trouverait ( presque) beau et surtout très fort. De petite taille, légèrement dégarni, compensant avec une moustache fournie et mal taillée, il aime déambuler mains dans les poches dans sa classe entre les tables des garçons, jetant un œil au dessus des épaules, guettant la faute d’orthographe, prêt à tirer les oreilles des plus dissipés. Le contrôle et la correction sont pour lui les maitres mots de sa fonction. Pour Auguste Ouvrard, il n’y a pas d’écoles ou pédagogies alternatives, il n’y a qu’une seule et unique alternative, celle d’une vision militariste et de gestion de masse, soit, pour faire court : « marche ou crève ».
Il y a 15 ans de cela, Il avait bien mal accepté que le rectorat lui confie cette école de campagne, avec bien trop d’enfants de culs terreux, qui arrivent à 8h alors qu’ils ont déjà travaillé quelques heures dans les champs ou nourris les bêtes des fermes familiales. Une bande d’incapables, harassés de fatigue dés 10h du matin et qui, en plein hiver, s’écroulent de sommeil dés que le poêle chauffe un peu trop la classe. Il ne les aime pas. Il n’aime pas plus les quelques autres mieux lotis , issus de famille plus aisées, plus intelligents, plus vifs à la compréhension, mais aussi plus aptes à l’opposition, comme ce petit crétin de Maillard, qui aujourd’hui encore a fait des siennes pendant la récréation. Il fait partie de ceux, et ils sont pourtant rares, qui bravent son autorité. Des fortes têtes ! ce n’est pas grave, c’est là le terrain de jeu préféré de Gustave Ouvrard.

Il a convoqué la mère, il va confondre cet enfant récalcitrant, bagarreur et menteur tout en montrant à Marthe Maillard combien dans cette école c’est bien lui qui tient les rennes. La cour de récréation n’est pas un ring de boxe (même s’il met toujours un certain temps avant de séparer les protagonistes) et il serait bien qu’elle le rappelle de temps en temps à ses fils. Il les a vus passer les uns derrière les autres dans sa classe et sa conclusion est sans appel : Pas un pour relever l’autre ! cet Henry est le dernier de la fratrie, et c’est le même modèle que les quatre premiers. Des fortes têtes qui donnent du fil à retordre. La seule chose qu’il aime chez les fils Maillard c’est leur mère !

Il se régale à l’avance de l’arrivée de Marthe Maillard. Une jolie femme élégante, si agréable à regarder, et c’est appréciable de l’avoir un peu sous la main. Il l’attend avec impatience. Son plaisir est un peu contrarié depuis que Borel lui a rapporté les propos échangés avec la mère d’Henry par la fenêtre. Il ne s’attendait pas à ça. Est-ce que Borel a bien entendu ? il est tellement bête ce gosse qu’il est capable de n’avoir rien compris, transformé le propos, voire même l’inventer. Non, il trop nigaud pour inventer quelque chose d’aussi grotesque, trop nigaud pour inventer quelque chose tout court.

16h40 : Denis Ouvrard dévale les escaliers en bois de l’appartement de fonction au premier étage de l’école, la pièce de 1 franc dans la main pour se rendre à la boulangerie. Il aime la boulangerie, la boulangère, le boulanger, le pain et la farine. Ça sent bon, c’est chaud et doux et dieu qu’il aurait aimé naitre chez ces boulangers. Mais la vie est mal faite et il doit se contenter d’être en face, chez les instituteurs, qui jamais ne lui donnent de chaleur et de bien être comme savent le faire les boulangers. Il n’a jamais dit à son père qu’il aimait aller acheter le pain, il préfère lui laisser penser que c’est une corvée (de plus) pour être certain de ne pas se voir ôter ce court mais quotidien moment de plaisir.

Il passe rapidement devant la salle de classe et aperçoit son père en train d’allumer une cigarette, et Henry Maillard toujours à la même place, qui ne bouge pas d’un cil. Tout de même ce Maillard il l’admire en secret. Il sait tenir tête , il est excellent en joueur de billes, et aujourd’hui il a gagné un boulard, presque neuf, une merveille ! Est-il n’est pas le dernier question coup de poing ou croche-pieds, faut voir comme il sait bien se battre. En plus il a 4 frères. Ce doit être merveilleux d’avoir des alliés sur la place ! Lui, enfant unique et vraisemblablement décevant d’après ce qu’il en comprend dans le regard de ses parents il sait qu’il aurait aimé vivre chez les Maillard. En priorité chez la boulangère mais à défaut chez les Maillard. Pour faire court partout ailleurs que chez lui !

16h45 : Marthe marche d’un bon pas et approche de l’église. Cet Ouvrard commence sérieusement à lui courir…  Il ne manque jamais une occasion de la faire venir à l’école. Certes, avec 5 garçons faut pas s’attendre à ce que les journées se déroulent sans encombre, mais quand même, il exagère, il la fait venir pour un oui ou un non. Qu’est-ce qu’Henry a encore bien pu faire ? Une leçon mal apprise ? Une insolence ? Un gros mot ? Une bagarre ? Ah oui, ça, une bagarre c’est bien possible avec son costaud d’Henry. Oh et puis zut, elle verra bien sur place. Il va falloir faire vite, car elle a la tête comme dans un étau, des lames de rasoir dans la gorge et une fièvre de cheval. Elle y voit mal, et elle entend pas trop bien, ça bourdonne la dedans, c’est pénible et épuisant. Elle passe devant la boulangerie et marque une courte pause devant l’église avant de traverser. Elle aperçoit le fils Ouvrard en face, il tient quelque chose dans sa main, il a le poing serré. Il s’apprête lui aussi à traverser la rue.

Le crissement de frein et le choc qui s’en suivirent firent forte impression chez ceux qui se trouvaient à proximité de l’école, de la boulangerie ou bien encore de l’église en ce 21 mai 1966 à 16h45.

Quand le curé sort au plus vite du presbytère il voit deux choses : à hauteur de ses yeux, un joli foulard de soie porté par de petits courants d’air chaud, tandis qu’au sol passe devant ses pieds une pièce de 1 franc en roulant sur la tranche.

Tout ça pour ça.


Photographies sélectionnées par Ketriken : haut > Doisneau. Bas >  Anonyme. Pinterest.

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Que dire, si ce n’est : remarquable ! Je me suis tranquillement calé dans mon fauteuil pour suivre les images projetées à l’écran. Oui, à l’écran, car cette nouvelle est comme un film dans lequel les cinq sens du lecteur sont en éveil, aux aguets. Tout est juste et à sa place. Du talent à revendre ! Un grand bravo ! Il va falloir que je travaille dur. J’étais prévenu, maintenant je suis conquis.

Superbe ! On se laisse happer dès le départ et glisser jusqu’à la fin. Il fallait bien que cette épingle à cheveux joue son rôle dans l’histoire… Dès le départ, Ketriken nous prend par la main pour nous emmener vers la fin.
Les personnages sont admirablement décrits, les préjugés des adultes bien posés. J’ai aimé l’intelligence de ces enfants qui contournent les adultes (physiquement ou en pensées). Ils sont beaux.
Oui, je rejoins Poulbot qui porte la scène à l’écran. On imagine un peu la guerre des boutons. Les cinq sens sont mis en action. Du grand art. Bravo Ketriken !

Cette nouvelle m’a profondément touché. C’est pourquoi j’y reviens un instant. Du très bel ouvrage avec une maîtrise parfaite des arcanes de l’écriture. Un travail d’orfèvre ; ciselé dans les moindres détails. De très belles images. Je ne les citerai pas toutes : « Ses cinq grossesses n’ont laissé aucun mauvais souvenir à cette taille-là » et « …tandis qu’au sol passe devant ses pieds une pièce de 1 franc roulant sur la tranche ». Si je puis me permettre, je suis pourtant un tantinet inquiet pour le futur ouvrage en cours, roman, que tu écris certainement. Si ce n’est pas le cas, c’est une obligation avec une aussi jolie plume. Inquiétude, disais-je, car tu es très cartésienne et c’est, à un certain degré, parfait. Tout est à l’heure, organisé, parfaitement ficelé. Excellent pour un polar. Rien ne manque, même pas cette chute sublime. Fort bien ! Je ne suis pas mentor en écriture, tout juste un scribouillard amateur. Donc, ce qui m’inquiète c’est que tu puisses brider ta fantaisie, que tu ne te laisses pas aller à l’inconvenant, à l’irrationnel. Tu peux écrire des centaines de pages merveilleuses et agréables à lire, mais, je pose la question, est-ce que tu sais lâcher la rampe pour aller au sommet de ton art ? Je suis persuadé que, sans tout mélanger comme je l’ai fait dans mon propre texte, ce qui t’as un peu désarçonnée, il faut laisser libre cours au fantastique
 
Je suis tatillon :

–      Mode impératif verbes 1er groupe 2ème personne pas de « s » à la terminaison.
–      il ne savait pas quoi en faire j’aurais préféré il ne savait pas qu’en faire. J’ai peut-être tort.
–      il se sent investit participe passé investi

Francis modérera le commentaire s’il ne convient pas.

Pas de souci avec le commentaire. en revanche pour les coquilles, je suis désolé de les avoir laissé passer. je vais corriger.

C’est corrigé. Pour l’impératif, il n’y en avait qu’un de fautif, sauf erreur. Désolé…

En même temps, lorsque je lâche la rampe pour ma part, j’ai tendance à me casser la…

Je rejoins tout à fait les commentaires déjà écrits, (sauf les histoires de temps avec lesquels je bataille tellement que rien ne me choque!). De la dentelle pour moi ce texte et bercée par l’histoire du début à la fin (presque la fin), j’ai dit : »oh zut alors » et là le titre m’a semblé une évidence! Je n’avais rien vu venir et après coup on réalise l’importance de tous les détails du texte qui préparent la chute. Superbe texte vraiment.

Je reprends le terme de Cemap « de la dentelle » ! Ton écriture est belle et certaines expressions réellement bien choisies, notamment celles qu’a relevées Poulbot.
Tout a été dit, et tant pis pour l’impératif ! 🙂 Bravo Ketriken !

Je me joins aux applaudissements. C’est en effet de la dentelle, millimétrée. En fait ce texte m’a rappelé nombre d’autres textes qui font usage de ce procédé multi-caméras (c’est très cinématographique) et dissection d’un moment. C’était chez de grands auteurs, auquels Ketriken ne m’en voudra pas de la comparer. À commencer par « Chronique d’une mort annoncée » de Garcia Marquès, ou des auteurs plus confidentiels (quoique) comme Richard Brautigan que j’ai déjà évoqué ici, ou une nouvelle d’Echenoz dont je ne me souviens plus du titre ou encore d’une certaine façon Russel Banks dans « De beaux lendemains » (qui a donné un film d’Egoyan). Il y a cela au cinéma (c’est une grammaire cinématographique courante ; de Claude Lelouch à Jim Jarmush (il l’a utilisée dans Mystery Train où tout tourne autour du moment où il y a un coup de feu dans une chambre d’hôtel). Bref, rien de nouveau (tout a été écrit), mais en général c’est quand même très très casse-gueule, et il faut de la virtuosité. Eh bien, justement c’est ce que nous a dégainé Ketriken avec, je dirais, une certaine gourmandise et aussi un plaisir palpable. Autres points : les personnages sont très bien croqués avec une économie de moyens, profonds, vivants, incarnés, il y a du « hors champ », et on ne s’encombre pas du tout en termes de dialogues. Ce qui est juste parfait pour ne pas casser le rythme nécessaire. Très beau travail. Félicitations !

Super ces points de vue qui ce recoupent. Un chassé croisé jusqu’à la dernière ligne.

J’ai adoré, kiffé grave 😉
Ketriken, lâche-toi, écris un roman.

Comme Poulbot, je me suis installée, et j’ai vu la scène défiler. Un vrai film, de l’émotion, une belle écriture, et l’impression de connaître les personnages ! C’était super, bravo bravo bravo !

J’arrive un peu tard et je ne ferai que des redites 😉 alors un grand bravo, quel plaisir de parcourir ces lignes, une réelle délectation 🙂 Merci

Que dire?
C’est le commentaire que l’instit à écrit sur mon bulletin de notes du dernier trimestre de CM2… je te le retourne, mais pas du tout avec la même signification. Ton texte est excellent, tout simplement