Je n’ai pas besoin de musique pour danser. Pas ce soir. Pas cette nuit. 
Les battements de mon cœur créeront le rythme de ma danse, et les étoiles se changeront en notes dans des mélodies auxquelles mon corps obéira.
La piste de danse sera mon simple jardin, à l’herbe douce et fraîche, gorgée de rosée nocturne.
Je prends mon élan, pieds nus, et rebondis sur le sol pour recommencer encore et encore. J’enchaîne des pas imaginaires qui me transportent dans un ailleurs au parfum d’abandon.
À l’heure bleue, lorsque les animaux se sont tus et que le monde s’est endormi dans un songe irisé, j’ai construit mon feu. Je l’ai allumé au centre de mon jardin, au centre de ma vie, au centre de mon cœur. Et aux yeux de tous.
J’ai allumé le feu d’une sorcière, celui d’un démon aux pratiques secrètes. Les flammes sont entrées en moi, si brûlantes qu’elles ont réveillé en mon âme des danses oubliées, anciennes et sacrées. J’ai dansé, j’ai frappé la terre, j’ai frôlé les astres et la lune, et j’ai chuchoté des incantations prophétiques et vénéneuses tandis que je tournoyais sans fin au bord de la folie.
Pareils à des vagues rugissantes, ses serments et ses promesses explosent dans ma tête me brisant à chaque nouvel assaut.
Alors j’ai inventé un ballet d’arabesques et de cabrioles désespérées. J’ai épuisé mon chagrin, l’inclinant, le renversant, le bousculant afin de l’anéantir dans une pluie d’étincelles.
J’étais devenue fille-oiseau, si légère et éthérée que j’aurais pu m’envoler comme un esprit de la nuit.
À l’aube, les braises rougeoyaient encore. Je m’étais étendue là où j’avais dansé et la terre avait le goût de ma souffrance.
La robe que j’avais jetée dans le feu avait brûlé mais sa traîne subsistait. Cette traîne jadis immaculée, bordée de tulle et de dentelle gisait dans la poussière et les cendres.
L’ultime symbole de notre amour ne voulait pas mourir.
Pourtant, hier, il était parti et ne reviendrait pas.
Mon amour n’est plus.


Photo : Jonathan Borba – Unsplash