Texte de Marsupilo

La petite fille qui avait un trou dans la tête.

Le matin, Maÿlis  partait pour l’école, et attendait  sa copine Marie dans la cour. Très souvent, elle se trouvait bien légère, et sentait une douce brise lui caresser l’entrejambe. Tout à coup, elle s ‘écriait :

« Marie, j’ai oublié ma culotte! viens la chercher avec moi, j’ai peur de sortir. »

Alors, les deux amies couraient à toute vitesse en se tenant la main, sortaient de l’école et allaient chercher la culotte.

En revenant, elles riaient comme des folles . Ouf! la cloche sonnait ; quelle aventure!

Maÿlis du haut de ses 4 ans  jouissait de ce frisson : être obligée de  prendre le chemin de l’école à l’envers et à l’endroit, sans se faire pincer par la maîtresse.

Un jour, il fallut partir pour Paris et aller dans une nouvelle école.

Maÿlis était perdue dans cette grande école.  Elle s’occupait !  Pendant que les autres restaient bras croisés en écoutant, Maÿlis, attentive quand même,  jouait à la pêche ; Elle mettait des poissons buvard dans son encrier , et les attrapait avec sa plume sergent major. Difficile ensuite  d’écrire avec ces gros paquets au bout de la plume ! Il fallait  qu’elle  les enlève avec ses doigts, et ses doigts se transformaient  en fleurs violettes, et quand ses doigts caressaient ses cheveux, sa frimousse aussi devenait  prairie de colchiques.

La maitresse la grondait. Le soir quand elle se couchait, elle convoquait les fées et leur demandait poliment , pendant la nuit d’effacer toutes ces taches violettes des pages.

Le matin, elle se précipitait  pour voir son cahier. mais il était toujours dans le même état.

A 5 ans elle  avait appris que si l’on ne pouvait  pas compter sur les fées, On pouvait toujours compter sur soi-même pour vivre un enchantement.

La vie passe…

A 25 ans, aux sports d’hiver, elle rencontra un garçon . Coup de foudre ; ils décident, en 3 jours qu’ils vont se marier.

Il faut qu’elle lui avoue: elle ne va pas le reconnaître!!

Lui est très surpris, mais trouve l’histoire cocasse. Mais si, bien sûr que tu vas me reconnaître.

Je suis l’homme de ta vie.

Ils ont décidé de partir aux États Unis et se donnent rendez-vous à l’ambassade.

Le matin, folle amoureuse elle fait tomber ses lentilles de contact dans le lavabo.

elle prend un taxi, avise le planton: bonjour, Monsieur, avez vous vu un jeune homme?

Un jeune homme, comment?

Ça, je ne sais pas ; je vais me marier avec lui et nous avons rendez vous ici.

Le gardien la regarde d’un drôle d’air : surpris, étonné , il  lui tend ses lunettes « tenez, Mademoiselle, prenez mes lunettes. Elle n’ose pas lui dire que cela ne lui servira à rien. Heureusement, un jeune homme tous sourires s’avance et l’embrasse. C’est bien lui.

Toute sa vie ses distractions ont amusé les autres et les ont fait sortir du monde monotone où ils seraient restés sans elle. Elles leur montraient une route vers un tonnant ailleurs.

Malgré son « trou dans la tête » qu’elle saura un jour nommer, elle a beaucoup ri, beaucoup fait rire les autres et a su mobiliser assez d’énergie pour réussir quand même dans ce monde apoétique.

Elle peut être fière d’elle.

Elle a passé sa vie à trouver des solutions pour se sortir de situations loufoques, imprévues, difficile voire inextricables.

Comme Oscar Wilde, elle peut dire:

je suis toujours entrain de m’étonner moi-même ; c’est la seule chose qui rende la vie digne d’être vécue.

Par Marsupilo

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Marsupilo campe ici un personnage décalé, « distrait », mais dont les distractions deviennent finalement un bout de la personnalité. Il y a quelque chose de léger, et de tendre, jamais dans le jugement, dans la façon dont Marsupilo nous raconte cette histoire. C’est très attachant. Ce « trou dans la tête », finalement, est aussi une force. J’aime beaucoup l’expression « monde apoétique » (bon sang, c’est tellement vrai !), et je trouve qu’elle dit beaucoup, dans ce texte… Comme si les étourderies étaient finalement une défense face à ce monde bien peu rêveur, et comme une façon de lui faire un pied de nez, aussi, en faisant rire les autres, soi-même, et en permettant d’arriver à ses fins. Marsupilo nous propose ici d’ériger en règle de vie de se garder d’être trop sérieux, parce que c’est aussi la meilleure façon d’être créatif, en quelque sorte. Et j’aime beaucoup cette règle de vie, et cette Maylis à la fois joyeusement tête en l’air et tête sur les épaules, à sa façon !

Je vais me permettre de confier ici un « off » de l’atelier : ton texte, initialement, Marsupilo, était beaucoup plus long. Tu l’as raccourci à ma demande (j’ai honte… !), pour qu’il rentre dans les contraintes de l’atelier, et qu’il soit plus confortable à lire sur écran. Je trouve qu’il s’en ressent un peu. La version initiale était plus bigarrée, plus riche, et donc plus fluide, avec plus d’anecdotes à différents stades de la vie de Maÿlis. Peut-être que ce format, du coup, ne permet pas tout à fait de « balayer » une vie complète, et qu’il serait plus intéressant que tu fasses des choix. Peut-être que ton texte pourrait juste être un « instantané » plus où moins long de la vie de Maÿlis, montrant bien son fonctionnement, mais sans que tu te mettes en devoir de résumer toute sa vie dans ce texte. Le côté « raconter des anecdotes » fonctionne très bien. J’aurais tendance à le privilégier, quitte à raccourcir le temps de ta narration, plutôt que de diminuer les anecdotes pour parcourir toute sa vie. La citation finale, elle pourrait tout autant intervenir à ses 30 ans, comme un constat de sa vie « en cours », plutôt que comme une sorte de bilan.

Je comprends mieux maintenant pourquoi en milieu de texte , j’avais l’impression qu’il « manquait « quelque chose. J’ai bien aimé ce personnage atypique , sa poésie et le rythme des mots utilisés pour la raconter

oui pareil, ça donnait un sentiment étrange ^^ Personnage attachant et intrigant à la fois, ça donne envie de lire la suite de ses aventures! De l’utilité d’un « trou dans la tête » dans notre monde pas toujours drôle…

La fillette qui avait un trou dans la tête.

Un jour, Maÿlis débarqua sur la terre. Ce n’était pas le bon moment, mais c’était ainsi et, insouciante, elle se mit en chemin. Bien dans sa peau.
Elle ne savait pas que, dans la tourmente ils n’avaient pas eu le temps de bien la finir, et qu’elle avait un trou dans la tête.
Ce vide, dont elle avait à peine conscience, elle le comblait avec des brassées de mots, et personne ne s’apercevait de rien.

Toute petite, elle dévora des livres, Tout en se régalant de tartines beurrées ou de noix, elle savourait …tête et estomac, même combat.
Elle apprenait par cœur les pages qu’elle aimait, et que vingt ans plus tard elle déclamerait avec la même jouissance.

Plus tard, elle alla au cinéma et au théâtre.
Les émotions la submergeaient. Elle était le personnage principal. Elle aimait, elle détestait, elle hurlait de rire, elle trépignait. Quelles vies !

Mais, comme dans son quotidien, elle ne comprenait pas tout.
Quand un personnage sortait du décor, il n’avait pas intérêt à revenir ; de toutes façons, elle ne le reconnaîtrait pas !
» C’est qui celui la ?« se demandait-elle.
A la sortie du spectacle, chacun y allait de son commentaire. Elle n’avait pas vu la même pièce que les autres, mais elle participait aux débats et elle en épatait plus d’un. Elle ne connaissait qu’un personnage, mais elle le connaissait dans son intimité, dans sa profondeur, dans son essence, peut-être même mieux que son créateur, puisqu’il elle venait de vivre en lui.
Un moment où il fallut qu’elle se surpasse, c’est quand elle s’attaqua à l’anatomie.
Rien de plus visuel que cette science là. Et pourtant, quand on veut, on peut lui avait dit sa grand-mère.
Maÿlis, transmuta l’anatomie en poème. Et apprit tout ce qu’on voulait qu’elle apprenne.
L’artère ophtalmique ne passe pas sous le nerf optique, tique tique… Elle ne voyait rien mais était capable de répondre aux questions du tac au tac.
Elle savait aussi stupéfier le stagiaire : Elle n’avait pas reconnu la patiente dans le couloir, mais elle lui expliquait qu’il y a 6 mois ce genou était un brin plus rouge, plus chaud et plus fluctuant.
La tête de cette dame, lui était totalement indifférente, mais son genou, non !

A 25 ans, aux sports d’hiver, elle rencontre un garçon ou plutôt un garçon la rencontre. Échange de mots, Ils ont la même ligne d’horizon. Elle n’a pas besoin de le regarder, c’est évident, c’et lui. Ils décident, en 3 jours qu’ils vont se marier.
Il faut qu’elle lui avoue: elle ne va pas le reconnaître!!
Très surpris, il ne croit pas du tout à cette histoire. Il adore cette fille invraisemblable. Elle va mettre du sel dans sa vie.
« Mais si bien sûr que tu vas me reconnaître.
Je suis l’homme de ta vie. «
Tellement énamourée, elle oublie de mettre en place ses stratégies de reconnaissance.
Elle ne se souvient même pas de la couleur de ses yeux.
Sa meilleure copine lui dira plus tard qu’il est beau et que ses yeux lavande sont d’une couleur…
Ah bon, il est beau ??ça ne l’a pas frappé.

Ils ont décidé de partir aux États Unis et se donnent rendez-vous à l’ambassade.
Le matin, folle amoureuse elle fait tomber ses lentilles de contact dans le lavabo.
Elle prend un taxi, avise le planton: bonjour, Monsieur, avez vous vu un jeune homme?
Un jeune homme, comment?
Ça, je ne sais pas ; je vais me marier avec lui et nous avons rendez vous ici.
Le gardien la regarde d’un drôle d’air : surpris, abasourdi, il lui tend ses lunettes « tenez, Mademoiselle, prenez mes lunettes. Elle n’ose pas lui dire que cela ne lui servira à rien. Heureusement, un jeune homme tous sourires s’avance et l’embrasse. C’est bien lui.
Et leur vie continuera, pleine d’imprévus, de distractions de fous-rires loin du monde monotone où il serait resté sans elle. Elle lui avait montré une route vers le bonheur, que courageusement- car il fallait être courageux-il avait suivie.
Malgré son « trou dans la tête » qu’elle saura un jour nommer, elle a su l’entraîner dans son sillage, mobiliser assez d’énergie pour réussir quand même dans ce monde apoétique.
Elle peut être fière d’elle.
Elle a passé sa vie à trouver des solutions pour se sortir de situations loufoques, imprévues, difficiles voire inextricables.
Comme Oscar Wilde, elle peut dire:
je suis toujours entrain de m’étonner moi-même ; c’est la seule chose qui rende la vie digne d’être vécue.

j’ai donc revu ma copie, en essayant d’expliquer le personnage

j’ai peu de temps pour commenter les autres textes;
Mille pardons; je serai plus disposa prochaine fois

C’est une très jolie version 2, Marsupilo. Il y a vraiment un sens de la formule dans ces textes. Après le « survivre dans ce monde apoétique », j’aime beaucoup par exemple le « transmuter l’anatomie en poème », et le nerf optique tique tique, puis les questions auxquelles on répond du tac au tac. C’est très chouette, parce que la façon de jouer avec les mots dans le texte renvoie à cette fantaisie du personnage, et du coup, nous embarque pleinement dedans: ce n’est pas pas simplement « expliqué », c’est totalement mis en scène dans la façon d’écrire le texte.

Je trouve cette version 2 plus fluide, plus « liée », et comme c’était un peu le but, bravo!

Et sinon, juste pour l’anecdote, j’ai beaucoup pensé à Oliver Sacks en lisant ce texte… Il parle tellement bien des gens incapables de reconnaître l’apparence physique/les visages des gens, lui aussi… Maÿlis pourrait figurer dans un de ses livres!

Oui,
La prosopagnosie touche 3% des gens
Sans doute Sachs en est il atteint

Tout a fait, il en était atteint.

Je viens de découvrir ta version 2 que je trouve très chouette! tu as mis le liant qu’il manquait, bravo!

Merci, Ariane.
Je suppose que nous nous retrouverons dans un prochain atelier et que je pourrai vraiment échanger
Cette fois internet m’a empêché d’être présente comme je l’aurais souhaiter.
À bientôt

J’ai aussi pensé à Sachs en lisant cette deuxième version encore plus enlevée, espiègle et jolie que la première