Proposition Février 2020-1

Il y a longtemps qu’ici je ne vous ai parlé de chanson. La grève des antennes du service public radiophonique a pour avantage qu’au travers des playlists inhabituelles montées pour occuper l’antenne, je découvre des œuvres que je n’entends jamais, étant d’ordinaire essentiellement branché sur France Culture où ça glose en permanence, ou sur FIP, qui a sa coloration particulière et un peu exclusive élitaire jazzy. Or, il y a quelques jours, sur une antenne en grève, j’ai découvert un titre de Benjamin Biolay, La Superbe, qui m’a immédiatement accroché, sinon captivé. Il était temps : le morceau date de 2009… Je pense que je n’avais jamais entendu de chanson de ce monsieur, ou n’y avais prêté attention (mais le reste de son répertoire, que j’ai, du coup, exploré en diagonale, ne me parait pas être sinon très intéressant).

Il se passe que j’aime les chansons énigmatiques ; de celles où on ne comprend pas vraiment de quoi diantre cela parle, à quoi cela bon sang se réfère, s’il y a un scrogneugneu message messianique pour l’auditeur ou si c’est destiné gnagnagna égocentriquement à l’auteur pour lui-même. Il y a de ce jus chez nombre d’anglo-saxons. En France, de mémoire et pour ceux que j’aime, il y avait bien Alain Bashung ou William Sheller qui ont donné plusieurs fois, par exemple, dans ce genre, pas totalement poétique, mais toujours quelque peu cryptique, où la mélodie des vers n’est peut-être même que la seule ambition — avec toujours ce coup de bluff lyrique qui semble référer à l’existence-existentielle profonde grâce aux violons ou des effets en accords mineurs, sinon un solo de saxo un peu trop smooth jazz, mais bon. De fait, La Superbe a déclenché chez moi comme de juste une écoute en boucle toute une soirée. Ce n’est certes pas un chef d’œuvre musical ni littéraire, loin s’en faut, mais bon voilà, ça marche pour moi, et j’assume : c’est intriguant, et il s’y trouve des images où chacun peut y placer ce qui lui correspond. (J’espère que cette chanson ne vous est pas trop désagréable).

En examinant les vers, je me suis surtout aperçu qu’il y a là matière à nombre de départs, d’ambiances, de tonalités, ou de thèmes pour l’écriture d’une nouvelle. J’ai coloré ci-dessous arbitrairement des vers pour distinguer ce qui me pourrait être à chaque fois une proposition d’écriture. Cela fonctionnerait ainsi : « On reste Dieu merci à la merci / de [vers en couleur]« . L’idée, si vous le voulez bien, est que vous choisissiez le thème (le ou les vers, avec le On reste Dieu merci…) qui vous plaisent, vous inspirent. Par exemple, avec On reste Dieu merci à la merci d’un conifère, je pourrais raconter un souvenir de Noël particulièrement marquant, comme les derniers instants d’un trappeur pris dans la neige dans le grand nord canadien. Avec On reste Dieu merci à la merci d’un abri bus, je pourrais raconter l’attente d’un amoureux transi avec son bouquet fanant, comme un enfant façon Un Sac de billes de Joffo espérant gagner la ligne de démarcation…
À noter que la chanson comprend un paradoxe : il y a Dieu merci, soit l’idée qu’une chose a priori négative puisse être/avoir été  toutefois bénéfique. L’autre idée, avec le Quelle aventure, quelle aventure, est que le moment est résolument crucial, marquant, que peut-être c’est un moment clé qui a décidé, ou peut décider du reste d’une vie.
Alors ? Êtes-vous prêt pour l’aventure ? Il y a selon mon classement (que vous pouvez revoir, hein) dans ces  vers, 25  propositions différentes. Et sacrément lyriques (là dis donc). Non mais ? : quelle aventure !, quelle aventure !

On reste Dieu merci à la merci
D’un conifère,
D’un silence inédit,
D’une seule partie de jambe en l’air,
Le soleil est assis, du mauvais côté de la mer,
Quelle aventure, quelle aventure

On reste Dieu merci à la merci
D’un abri bus,
Ne reste pas ici,
On entend sonner l’angélus
Le soleil est joli,
Plus triste que le cirque Gruss
Quelle aventure, quelle aventure

On reste Dieu merci à la merci
D’un engrenage,
D’un verre de Campari,
Du bon vouloir de l’équipage,
Paris est si petit quand on le regagne à la nage,
Quelle aventure, quelle aventure
On flâne, on flaire,
On flaire la flamme singulière
On gagne, on perd
On perd la gagne, La Superbe
On reste Dieu merci à la merci
De l’amour crasse,
D’un simple démenti,
D’une mauvaise vie, d’une mauvaise passe
Le silence est aussi pesant qu’un porte avion qui passe,
Quelle aventure, quelle aventure

On reste Dieu merci à la merci
D’un sacrifice,
D’une mort à crédit,
D’un préjugé né d’un préjudice,
Le soleil s’enfuit comme un savon soudain qui glisse,
Quelle aventure, quelle aventure
On flâne, on flaire,
On flaire la flamme singulière
On gagne, on perd
On perd la gagne, La Superbe.

On reste Dieu merci à la merci
D’un nimbutal,
Du plafond décrépit,
Qu’on observe à l’horizontal,
Le soleil est parti, la neige tombe sur les dalles,
Quelle aventure, quelle aventure

On reste Dieu merci à la merci
D’un lampadaire,
D’une douleur endormie,
D’un chaste spleen un soir d’hiver,
La vieillesse ennemie, reste la seule pierre angulaire
Quelle aventure, quelle aventure
On flâne, on flaire,
On flaire la flamme singulière
On gagne, on perd
On perd la gagne, La Superbe.
La Superbe
On reste Dieu merci à la merci
D’une étincelle,
Quelque part à Paris,
Au fin fond du bar d’un hôtel,
Dès la prochaine vie, je rêve de se rester fidèle,
Quelle aventure, quelle aventure
La Superbe, La Superbe, La Superbe
La Superbe
Quelle aventure, quelle aventure

Source : LyricFind
Paroliers : Benjamin Gerard Fabien Biolay


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