Ateliers d’écriture créative, de fictions, animés par Francis Mizio

Catégorie : CatDec2014

Proposition 12/2016

Bonsoir, 

Voilà, comme prévu, nous sommes dimanche soir et l’atelier prend fin. Les commentaires ont été clos sur l’ensemble des textes, mais vous gardez bien entendu la possibilité de les consulter. 

Merci pour votre participation à cet atelier !

Pour ceux qui le souhaitent, le prochain atelier commencera le vendredi 3 février, et les inscriptions sont d’ores et déjà ouvertes. 

En attendant, je vous souhaite de très belles fêtes de fin d’année!

Bonne fin de soirée à tous!

Gaëlle

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Bonsoir à tous,

Décembre est là, et moi qui déteste novembre, j’en suis heureuse, croyez-le bien! L’hiver frappe à notre porte, et je vous propose ce mois-ci de l’habiller d’un voile d’étrangeté (à vous de décider s’il sera léger ou épais…!).

Imaginez plutôt… Vous vous réveillez, un matin d’hiver, dans une ambiance étrange. Ciel laiteux, mais grande luminosité, alors que votre réveil vous indique 4h32. Il devrait, sans aucun doute, encore faire nuit… De plus, vous avez le sentiment diffus que votre corps vibre, de manière très discrète et à peine perceptible. Vous n’arrivez pas à vraiment discerner si cela vient du fond de vous-même, ou de l’alentour.

La veille, vous vous êtes couché normalement, pas de folie particulière.

Où êtes-vous ? En compagnie de qui ? Que se passe-t-il réellement ? A vous de l’inventer…

Racontez la journée qui suit cet étrange matin. Et glissez-nous dans le texte, à votre façon, et comme vous le souhaitez, 2 phrases d’une chanson que vous aimez.

Bonne écriture à tous!

Texte de Manoe

« Quelle idiote tu fais ! »

Cette phrase avait bercé mon enfance. Chaque fait et geste de ma part était disséqué et comparé au parcours sans faute de ma sœur. J’étais pourtant l’ainée, mais jamais je ne lui étais arrivée à la cheville : étude, vie sentimentale, vie professionnelle… Elle brillait partout où j’échouais lamentablement.

Béatrice était née 2 ans après moi. Le jour de ma fête exactement. Quel beau cadeau je croyais avoir alors. Un poupon joufflu, un vrai, ravissait mes envies de materner. Des yeux bleus magnifiques hérités d’un oncle lointain, des cheveux épais, un teint mat, tout cela contrastait avec la quelconque brunette que j’étais. Ses heures de gloire démarrèrent sur des panneaux publicitaires, dans toute la ville, où son visage mutin vantait les bienfaits d’un shampoing pour enfant. A l’école, j’assumais naturellement mon rôle de protectrice. Jamais un goûter ne lui fut volé, et ses nattes restaient bien attachées. Je volais à son secours à chaque appel de détresse et il m’arrivait parfois de me battre pour elle. On me disait garçon manqué mais j’étais fière d’accomplir mon devoir. Je passais mon temps à la défendre tandis qu’elle passait le sien à étudier.

A l’âge adulte, mon amour pour elle fut définitivement éteint et la rage, la haine m’animait à chaque fois que les réunions de famille nous obligeaient à nous côtoyer. Je supportais les critiques et les reproches de la famille pendant qu’elle était littéralement encensée : sa carrière brillante de journaliste, son engagement dans le conseil municipal, et son bel appartement du centre ville. Sa réussite m’explosait à la figure, tandis que je me contentais de vivoter, cumulant les temps partiels pour boucler les fins de mois. Mon mariage avec Marcelin m’avait semblé être la fin de ma malédiction. Nous nous étions rencontré étudiants, et nous projetions de fonder une famille. Nous sortions beaucoup et celui que je pensais être un joyeux fêtard se transforma peu à peu en noctambule imbibé. Moi la discrète je faisais tache dans le décor… Le caractère de ma sœur sembla davantage lui convenir et il se jeta donc tout naturellement dans son lit. Elle l’aida à admettre que je ne lui convenais pas et il me quitta sans regret. Pour elle évidemment. Je fus même invitée à la noce.

Ce soir, c’est fête. Encore une fois elle scintille, se pavane au milieu du salon. Elle a réuni la famille pour arroser sa promotion. « Enfin une qui devient quelqu’un dans la famille ! ». Je serre les dents, je lève mon verre et nous trinquons à sa santé, tandis que je pense très fort « Je serai contente quand tu seras morte ! ». Marcellin nous quitte tôt, des amis à rejoindre sûrement. Ce n’est pas grave, je pourrai raccompagner ma sœur. Un détour, juste pour elle, pourquoi cela me dérangerait ? Et puis avec ce teint blafard, je devrais penser à manger plus équilibré non ? Il suffirait que je devienne plus mûre, posée, « comme ta sœur hein ! » ajoute ma mère. Si je pouvais lui jeter mon verre à la figure…

Enfin, nous rentrons. Ma voiture n’a pas l’allure de la sienne, et chaque virage me rappelle toute la négligence que j’ai pour l’entretenir. Mes pneus auraient dû faire peau neuve depuis longtemps. Je fixe la route, les dents serrées de rage, et sens les larmes monter. Je roule trop vite, c’est sûr. Je ne vois pas les phares qui arrivent sur notre droite. Quand je veux freiner ce sont mes plaquettes de frein qui m’abandonnent. Nous mordons le bas-côté et je perds définitivement le contrôle de la voiture. « Quelle idiote tu fais ! Tu vas nous tuer ! » Encore une fois elle réussira à avoir raison…

Par Manoe

Texte de Jamomo

Je n’ai jamais compris mes amis. Comment peuvent-ils être amis avec moi ? Je n’aurais jamais pu être ami avec moi. Je me suis toujours détesté. Non pas physiquement (j’aurais très bien pu avoir une histoire avec moi) mais psychiquement. Les raisons, je ne peux pas vous les donner. Suis-je
trop bête ou bien pas assez, trop naïf, trop hautain … La liste pourrait être longue mais je ne
pense pas être tout cela. Toujours est-il que je me sens prisonnier de moi-même, de ma pensée.
Je suis tout à fait celui que je ne voudrais pas être. Tout ce que je déteste chez les autres, j’ai le sentiment de l’avoir en moi. Je suis un autre que celui que j’aurais voulu être. Et cet autre, oui toi l’autre, je serai content quand tu seras mort. Oh oui ! Je pourrai alors venir à tes funérailles et sourire, rire même peut-être de cette mort ! Je ne prierai pas pour toi, je ne ferai pas d’éloge funèbre, je ne t’enverrai même pas de fleurs. Je ne serai que content, heureux que tu ne sois
plus là et alors, seulement à ce moment-là, je pourrai enfin être celui que j’ai tant rêvé d’être
même si cela implique que je meure un peu moi-même. Je ne serai un autre que quand toi l’autre tu seras mort.

Par Jamomo

Texte de Sécotine

« Que je t’aime, que je t’aime, que je t’ai… »
Je coupe avant l’arrivée des cuivres. Je n’en peux plus de cette chanson, je n’en peux plus. Franchement, Canaille, fais un effort. Que tu calles et que tu tombes en panne pour un oui pour un non, c’est rageant mais je m’y suis habituée. Mais bon sang, cette vieille cassette coincée dans l’autoradio qui sort à plein tube des enceintes dès que je mets le contact, c’est plus possible. Je craque. Ras-les-oreilles d’entendre Jonnhy beugler à chaque démarrage. Et puis franchement, là, c’est pas le jour. Je suis déjà hyper stressée, alors ce serait bien urbain de ta part de ne pas me mettre cette chanson en tête pour la journée, je sens que ça va méchamment m’énerver. C’est pas vrai, je ne vais jamais arriver à l’heure ! Déjà ce matin entre la cafetière qui a fuit sur mon pantalon beige et les clés introuvables au moment de partir, ça va, hein, j’estime que j’ai rempli de quota pour la journée, là, alors va pas en rajouter. Allez, allez, comment il s’appelle, le saint des conducteurs ? Je sais plus mais d’un coup je me sens prête à lui ériger un autel sur le tableau de bord. Pitié Saint-Machin, fais que Canaille m’ammène à l’heure à cet entretien. J’y crois, vraiment, ce job est pour moi, il me le faut ! Alors pas de panne aujourd’hui, je t’en prie-prie-prie-prie ! … Et puis si tu veux bien faire un p’tit miracle en douce et faire en sorte que le chauffage fonctionne à nouveau, là, ce serait vraiment super chouette de ta part. Parce que là, bon, j’ai le bout des doigts violet, le nez rouge et les lèvres bleues. Magnifique, je suis un arc-en-ciel à moi toute seule. Avec en plus un teint de porcelaine, option après le passage de l’éléphant dans la boutique, tu vois. Et Canaille a le pare-brise qui givre des deux côtés. Oui, Saint-Machin, ma voiture s’appelle Canaille, je n’ai pas choisi, c’est l’ancien proprio qui l’a baptisée ainsi. Canaille non plus, je ne l’ai pas choisie, d’ailleurs. J’aurais du me méfier. Un nom pareil, c’était louche.
Oh non. Un feu rouge. Ne calle pas, ne calle pas, ne calle pas… J’ai fait le calcul, Canaille, ces cinq derniers mois, je t’ai accordé plus d’attention que moi. En équivalence garagiste / coiffeur- esthéticienne, t’es trèèèèès largement devant moi. Et je ne parle que du nombre de rendez-vous, parce que si je me lance dans le comparatif financier, je sens que je vais pleurer. Tu vois, c’est ça le problème avec toi. Tu m’as coûté tellement cher que c’est inenvisageable pour moi de te lâcher maintenant. De pièce détachée en heure de main d’oeuvre, tu ne dois plus avoir grand chose d’origine… Il ne te manque plus qu’un peu de tunning et tu serais l’équivalent mécanique de Pamela Anderson version famille Groseille. Si au moins tu voulais bien arrêter de tomber en panne tout le temps ! Quand c’est pas les bougies, c’est le carburateur, quand c’est pas le carburateur, c’est les disques… Tu as tout le temps un truc qui cloche ! Je serai contente quand tu seras morte, tiens ! A moi la nouvelle voiture ! Sans doute d’occasion, encore une fois… Mais qui sait, si je le décroche, ce boulot, avec enfin un vrai salaire à la fin du mois… Je pourrais aller voir mon banquier sans peur ni honte, ce coup-ci, et négocier un petit emprunt ? Une voiture neuve ! Qui ne cale pas ! Avec du chauffage, et un lecteur CD ! Ah, un lecteur CD, fini Jonnhy, la libération !
Mais d’ici là, faut que tu tiennes, encore au moins douze minutes. Neuf si tous les feux sont verts. Huit si cet abruti devant moi veut bien se décider à passer la troisième, c’est pas vrai, ils se sont tous donné le mot aujourd’hui ou quoi?

« Que je t’aime, que je t’aime, que je t’ai… »
Ouiiiii ! Que je t’aime la vie ! Et toi aussi Canaille ! Et toi aussi, soleil qui perce à travers les nuages ! Et toi aussi, contrat que je vais signer après-demain !
Ah, ma vieille Canaille, j’ai été injuste avec toi. Aujourd’hui tu n’as pas failli, Ô fidèle destrier de mes jeunes années ! Tu m’as amenée au royaume des lendemains qui chantent (le Jonnhy Halliday des années soixante, certes, mais on ne peut pas tout avoir), sans caller ni tomber en rade. Promis, je ne te dirai plus jamais autant d’horreurs. C’est pas vrai que tu es pourrie. T’es vieille, d’accord, mais à un point tel qu’on pourrait presque te qualifier de vintage. Je retire tout ce que j’ai dit. Je te garde, ma belle.

…
Mais tu veux pas démarrer, là, pour voir ?
Je rêve où ma première paye va encore être pour toi ?!

 

par Sécotine 
Sur mon blog (oui, j’ai un blog, ça arrive à des gens bien), je me définis comme « orthophoniste, bidouilliste, écologiste, féministe et autre trucs en -iste, mais pas triste ». Ce n’est pas totalement éloigné de la réalité, être plus honnête aurait été moins vendeur. Ceci dit, je ne suis pas à vendre, sauf à coup de fraises tagada et de tarte au maroilles, mais pas les deux en même temps, faut pas pousser.

Texte d’Ariane – décembre 2014

Je serai contente quand tu seras mort !
Tu m’obsèdes, m’empêches de dormir la nuit, m’enlèves toute mon énergie et même mon appétit ! Avec toi à mes côtés, j’ai l’impression de redevenir une gamine de quatre ans, effrayée par un monstre caché dans son placard…
Les premières fois, je me suis fait avoir mais maintenant, je te vois arriver de loin ! Qu’est-ce que tu crois ? J’ai acquis de l’expérience, depuis le temps ! Je te sens approcher et mon sang se glace. Parfois, tu changes de style vestimentaire ; certaines fois, tu portes un masque et d’autres fois encore, tu vas jusqu’à changer de nom… Et dire que tu crois pouvoir me berner… Je te reconnaitrai toujours !

Oui, je serai contente quand tu seras mort.
Le pire, c’est que tu es fourbe… Un soir, je te crois disparu et le lendemain, te revoilà, sur le seuil de ma porte, au coin d’une rue ou derrière un livre, à l’endroit où je m’y attends le moins. Tu es là, décontracté, sûr de toi, avec l’air hautain de celui qui sait tout. Tu me regardes avec un petit sourire et tu oses même le clin d’œil : « C’est moi ! Tu ne croyais quand même pas que je t’avais oubliée ? »

Je serai contente quand tu seras mort, saleté !
Je pourrais réagir, partir en courant, te balayer d’un revers de la main… mais non ! Je reste comme paralysée, prostrée, incapable de me défendre. C’est idiot, n’est-ce pas ? Je reste là et je t’écoute, même prête à te prendre en pitié. Tu peux y croire, à ça ?
J’ai commencé des séances, pour apprendre à me défendre, pour comprendre mes réflexes, savoir comment réagir, m’améliorer… Pour apprendre à gérer mon corps et tout ce qui va avec. Mais je sais que personne ne peut m’aider. Pourtant, j’aimerais tellement que l’on me guide, que l’on me dise quoi faire, que l’on me dicte comment réagir : « Une droite, vise la tête ! » « Mets-y plus de convictions, frappe le cœur, le cœur ! »

J’ai hâte que tu meures, saleté !
Je comprends les gens qui s’engagent dans l’armée pour ne plus t’(a)voir. J’ai hâte que tu disparaisses de ma vie, que je puisse de nouveau avancer. Quoiqu’il advienne, je serai mieux sans toi. Je n’en peux plus de penser à toi, d’envisager toutes les options et de ne trouver aucune réponse. Je ne peux pas renoncer, ce n’est pas possible. Et avec toi, il faut forcément renoncer.
Je suis perdue… J’aimerais donner mon cerveau, mon cœur et mes tripes à la meilleure équipe médicale et leur dire : « Débrouillez-vous ! Faites ce que vous voulez et réveillez-moi quand ce sera terminé, vous serez gentils. »

Je te l’ai déjà dit que je serai contente quand tu seras mort ?
Il parait que « La peur d’un nom ne fait qu’accroître la peur de la chose elle-même ». Alors, aujourd’hui, c’est décidé, je vais l’écrire haut et fort, te nommer en toutes lettres, avec tes lettres de pacotille. Tes cinq lettres qui paraissent anodines, comme une main innocente. Car oui, tu te caches même derrière ton nom, te faisant passer pour un petit être inoffensif. Trouillard ! Tu pensais que je ne le ferai jamais, hein ? Figure-toi que si ! Je n’attendrai plus demain, aujourd’hui je te le dis en face, sans détourner le regard : j’ai pris une décision. Je prends mon courage à deux mains car ça vaut le coup… car je rage aussi. Je te nomme, en toutes lettres.
Ensuite, je pense que je déménagerai, je partirai à l’étranger. Je n’ai plus le choix, je fuis… Tu crois que je suis trouillarde, aussi ?

Je serai contente quand tu seras mort ! Mais quand vas-tu mourir ?
Je ne connais pas ton espérance de vie moyenne mais je suis sure que tu es un coriace, toi…
Pendant longtemps, je t’ai laissé faire, je n’ai rien dit. Je me suis tue, je n’arrivais même pas à mettre un nom sur ton visage. Ça me tue, quand j’y repense. Mais ce temps est révolu : d’abord un C comme une main aux doigts griffus, un piège qui se renferme. Ensuite, un H, une hache, pour le côté psychopathe et effrayant. Le O, c’est la boucle qui ne se termine jamais, les questions qui tournent en boucle. I pour me rappeler ce que j’aimerais être : droite comme un I, sage comme une image. Et parce que tu ne fais rien comme tout le monde, il a fallu que tu mettes un X à la fin, juste pour faire l’intéressant !

Oui, c’est sûr, je veux que tu disparaisses de ma vie, une bonne fois pour toutes, saleté de CHOIX !

Ce soir, c’est décidé, je déménage. Je m’installe en Corée du Nord. On me dira quoi faire, comment m’habiller, à quoi penser… et à quoi ne pas penser. Et je me débarrasserai de toi une bonne fois pour toutes, saleté de Choix !

par Ariane
Bonjour à tous ! 
Après 10 ans sans prendre la plume, je me lance dans une nouvelle aventure !

Texte de Jasmette

La haine est un sentiment étrange qui m’avait toujours été inconnu. Tout a changé il y a quelques mois. Elle est entrée dans ma vie un samedi et n’en est jamais repartie. C’est elle qui m’anime, me maintient en vie. Elle est présente en moi et peut prendre diverses formes. Parfois elle me glace et me pétrifie. Parfois elle déborde et me transforme en monstre.

Je me sens trop petite pour ces immenses torrents d’émotions qui me submergent. Comment rester humaine dans ces cas-là ? Comment faire preuve de réflexion et de raison quand tout n’est que rage et fureur ?

Tout ça c’est à cause de toi. Je te déteste pour ce que tu m’as fait et je te déteste pour ce que je suis devenue par ta faute. Je me suis aperçue ces temps-ci que la haine était vraiment proche de la mort. Chaque fois que ma haine remonte je ne pense qu’à la mort. A la tienne, à la mienne, à la vôtre. Quand je suis en pleine tempête de rage je crois que je vais mourir. Pas en me donnant volontairement la mort, mais plutôt comme si mon corps n’allait pas supporter ces souffrances immenses et juste exploser. Je pense souvent que je serai contente quand tu seras mort, et puis l’instant d’après j’en doute.

Je hais la façon dont tu as agis et dont tu continues d’agir. Je hais tous tes défauts qui m’ont longtemps attendrie. Tu as un avis tranché sur tout, tu es désordonné, tu es égoïste, froid et manipulateur. Ma colère est immense et j’ai la sensation qu’elle ne diminuera jamais. Sois certain que je ne pourrai jamais te pardonner. Tu m’as traitée comme un vieil objet dont on se lasse. Comme une personne jetable, à usage unique. Et je n’ai même pas eu mon mot à dire. Comment as-tu osé ?

J’imagine parfois que toi aussi tu t’es transformé en monstre involontairement, qu’une maladie te ronge et change ton caractère. Que c’est neurologique. Mais ça n’est pas le cas, tout est sous contrôle et volontaire. Tu as changé, toi qui avais pourtant promis en cette si belle journée…

par Jasmette

Texte de Nolwenn

Introspection

Enfin, le canapé. Depuis une semaine, j’attends ce moment. Prendre du temps, juste pour moi, pour réfléchir. Comme tous les mardis à 18h30, ma psy attend que je commence à parler. Mais quelque chose coince aujourd’hui. Cela fait plusieurs semaines que je m’approche dangereusement d’un sujet que j’ai toujours refoulé. Je l’évite consciencieusement, je tourne autour, je joue à saute mouton, je n’attrape pas les perches tendues, bref je ne veux pas en parler. Enfin si mais j’ai peur de ce que je pourrais dire.

Le silence s’éternise. Je connais son plafond par coeur. Les taches, les fissures, les craquelures, les défauts. Tiens il y a une araignée dans le coin. Se pose-t-elle autant de questions que moi ? Probablement pas. Bon. A 50€ la séance, il va falloir que j’ouvre la bouche quand même. Et puis un jour où l’autre ça va sortir, autant en finir tout de suite. Bon. Se racler la gorge. Avaler sa salive.

« J’ai vu ma famille ce we. » Et me voilà à raconter mon we… 5 minutes, blablabla… 10 minutes, blablabla… 15 minutes, silence, j’ai fini de dire n’importe quoi.

« Votre soeur était là ce we ? »
– Oui
– …
– Elle allait bien.
– Et vous ?
– Je crois. On n’a pas beaucoup parlé. Enfin je n’ai pas beaucoup parlé, elle si, elle n’a fait que ça tout le we mais elle en avait besoin.
– Et vous, vous n’aviez pas besoin de parler ?
– Elle en avait plus besoin que moi.
– Mais vous aviez besoin de parler à vos parents, non ?
– Oui
– Pourquoi ne pas l’avoir fait ?
– Parce qu’elle avait besoin qu’on se concentre sur ses problèmes, qu’on l’aide à trouver des solutions. Moi c’était moins important, moins grave, je parlerai à mes parents une autre fois, au téléphone peut-être.
– Pourquoi était-ce moins important ?
– Parce que… c’est toujours moins important.
– Qui décide que c’est moins important ?
– Moi. Ou elle.
– Elle considère que vos problèmes sont moins important que les siens ?
– Oui
– Pourquoi ?
– J’en sais rien, je ne suis pas dans sa tête !
– Vous trouvez ça juste ?
– Non
– Pourquoi ?
– …
– …
– …
– Rappelez-vous qu’ici vous pouvez tout dire, personne ne vous juge, personne n’en saura rien et vous êtes en sécurité.
– …
– Pourquoi trouvez-vous ça injuste ?
– Parce que ! C’est toujours comme ça, c’est toujours pareil ! Il n’y en a toujours que pour elle ! Elle s’est autoproclamée fille préférée des parents, fille plus fragile, fille avec plus de problèmes, fille plus belle, fille plus intelligente. C’est la fille la mieux, la soeur la mieux, elle pense qu’elle est parfaite, qu’elle n’a fait que des bons choix et moi je suis le vilain petit canard !
– Qu’est-ce que vous auriez envie de lui dire à votre soeur ?
– Qu’elle me fait chier ! Depuis 30 ans elle me fait chier !
– Si vous l’aviez là en face de vous, qu’est-ce que vous lui diriez ?
– Je serai contente quand tu seras morte Elodie ! Tu m’emmerdes depuis 30 ans ! Tu prends toute la place, tu m’as pris ma place ! Tu es ma grande soeur, tu aurais dû être un modèle, pas un bourreau ! Tu m’as toujours écrasé ! J’ai toujours cru que les parents t’aimaient plus que moi ! Que tu étais plus importante que moi ! Je te déteste, je te déteste…

Fais chier, je ne voulais pas pleurer. Je ne voulais pas qu’elle y arrive encore. J’en ai marre de pleurer à cause de cette connasse. Marre d’être sur ce canapé depuis des années parce que j’ai toujours cru que je n’étais pas assez bien pour mes parents. Marre de me sentir encore inférieure à elle alors que ma vie est « mieux ». Sur le papier.

– Pourquoi est-ce que tu n’as pas été une grande soeur normale ? Qu’est-ce que j’ai bien pu te faire pour que tu me rabaisses tout le temps ? Tu ne pouvais pas me foutre la paix et me laisser grandir tranquille si tu ne m’aimais pas ? Quel besoin avais-tu de me pourrir la vie ?
– Vous n’avez jamais essayé de lui poser ces questions ?
– Non, je ne veux pas lui montrer qu’elle m’a fait mal, qu’elle a si bien réussi à faire de ma vie un enfer, je ne veux pas qu’elle gagne.
– Que faudrait-il faire pour que vous gagniez ?
– Je n’en sais rien…
– …
– Elle a déjà une vie difficile, les parents lui ont mis tellement de pression… Je pense que je suis plus heureuse qu’elle… En un sens, j’ai gagné.
– Ça vous réjouit ?
– J’ai vraiment l’impression de la détester, on n’a peu de relation mais elle reste ma soeur et je n’arrive pas à lui souhaiter le pire.
– On va s’arrêter là pour aujourd’hui.

par Nolwenn
Aime lire, raconter et écrire des histoires depuis… (ne s’en rappelle pas c’est trop loin). Devenue journaliste de presse écrite pour en partager. Dans ses rêves les plus fous, serait conteuse et écrivaine. Y travaille…

Texte de Misterdids

Jour de fête ?

C’est la fête. Comme je remercie celui (ou plutôt celle, car c’est probablement une femme) qui a inventé la fête des mères ! Grâce à elle, je rends visite à la mienne, dans la Creuse, avec une joie difficilement contrôlée. La Creuse…ce département bucolique parfait pour qui aime…les vaches et le vert. Mais la Creuse, c’est aussi son système ferroviaire, ses gares désaffectées, son petit car qu’il faut prendre depuis La Souterraine jusque chez ma mère. La Souterraine, oui ! Ce n’est d’ailleurs pas très loin d’Arnac-la-Poste, bourg au joli nom qui a le mérite de me valoir un succès franc en soirée à chaque fois que je le mentionne. Et même auprès de ceux ou celles qui ne me croient pas je passe pour une rigolote spirituelle.

Le car…cela donne au périple un petit air désuet, on se croirait dans un film de Jacques Tati, c’est d’ailleurs une chance que ma douce et tendre mère n’ait pas choisi Ste Sévère, le petit village ou Tati a d’ailleurs tourné Jour de fête, pour s’installer. Non, ma mère réside à Boussac, non loin de là. Il m’a fallu longuement -et plusieurs fois- lui expliquer que George Sand qui a résidé au château de Boussac-plusieurs fois- n’avait jamais été un homme (« oui, elle, elle s’appelait en fait Aurore Dupin »).

Une fois arrivée, et après avoir vomi dans les tournants qui m’emmènent jusqu’à sa petite maison, ma mère m’accueille avec un verre d’Orangina, comme si j’avais encore 10 ans. Elle me raconte toutes les petites anecdotes sur ses sorties avec l’amicale des marcheurs, et je contemple les champs derrière chez elle, un peu groggy devant tant de silence, moi qui habite toute l’année une artère parisienne. Ici il n’y a rien, ni personne. C’est parfait pour un moment de contemplation pastorale, on respire le bon air. Et comme il ne faut guère abuser des bonnes choses, j’ai tout de suite envie de repartir.

Par chance, ma mère a tout prévu, pour éviter que je ne m’ennuie : « il y a marché », elle me propose de m’y accompagner, car «j’ai l’air toute pâlotte ». « Un bon bif, c’est ça qu’il te faut, » me lance-t-elle.  A-t-elle oublié que je ne mange pas de viande ? Ni « bif », ni steak, ni bifteck, ni foie de veau non plus, non. Oui, le poulet, c’est de la viande aussi, et non, les poulets ne sont pas venus sur terre pour être dévorés. C’est pourtant ce qu’elle me rabâche devant son marchand de volailles préféré, qui me jette des coups d’œil en manipulant des rognons comme si c’était ses testicules.

J’aime par-dessus tout son ami Robert. L’an passé j’ai eu le bonheur de le rencontrer alors qu’il était entièrement nu dans le jardin. Même si cela m’a quelque peu surprise, ce cher Robert m’a expliqué qu’il était naturiste de longue date, et a d’ailleurs convaincu ma mère de le rejoindre à Creuse Nature, le camping nudiste, pardon, naturiste, à deux pas de là. Robert a eu beau insister que c’était naturel, avec un regard qui n’avait absolument rien de lubrique, mes allergies aux pollens, arbres, fleurs et divers graminées que l’on ne trouve qu’à la campagne m’imposent de rester couverte. Dommage.

Je regrette d’ailleurs de ne pas en avoir affublé mon fils du prénom Robert, il se serait peut-être davantage intégré dans la Creuse, plutôt qu’avec un nom aussi imprononçable que Joshua. Ma mère préfère l’appeler « le petit », malgré ses 14 ans, et non, il n’a pas pu venir encore cette fois. Dommage (bis).

Robert aime la nature et il est donc logiquement chasseur : c’est vrai, quoi, la chasse, c’est utile, imaginez que biches, perdreaux, faisans et autres nobles animaux sauvages se reproduisent à l’infini !

Après le lui avoir répété 22 fois, ma mère a fini par intégrer que je ne mangerais pas de viande, même si j’adorais ça pourtant quand j’étais petite, surtout la cervelle d’agneau et même les tripes ! Alors elle a fait un pâté aux pommes de terre, sorte de tourte remplie de patates et …de patates. Idéal, quand on est comme moi au régime de façon quasi permanente, pour prendre 20 kilos en une journée.

Fin de repas, j’accepte de ramener une bouteille de prune de Robert à Paris, en me disant qu’utilisée comme désinfectant, devrait libérer toutes ses vertus.

Ma mère déplore que je doive repartir si vite et propose de me «déposer au train » à La Souterraine le lendemain matin, après la nuit dans ma petite chambre, qui n’a pas changé depuis mon adolescence.

Seule enfin, j’écoute Gainsbourg et je chantonne « je serai content quand tu seras mort » en pensant très fort à ma mère et à Robert. Puis je vais vomir toutes ces bonnes victuailles décidément trop saines et je me prends à rêver d’une année où l’on abrogerait purement et simplement la fête des mères du calendrier.

par Misterdids
Je m’appelle Didier, j’ai 47 ans et suis prof d’anglais dans une fac de médecine. Suis marié avec une anglaise, j’ai deux enfants qui adorent les histoires, deux chats noirs et deux chiens et j’habite pas très loin de Poitiers dans un village non loin d’une abbaye.

Je me suis lancé en écriture en 2013 via un atelier de découverte Aleph, puis j’ai continué chez eux par e-mail, et j’ai participé à plusieurs stages (« nouvelles en une page », « techniques narratives ») chez Aleph et Bing, ainsi qu’à Poitiers dans une association locale et avec Ségolène Chailley. J’aime surtout écrire des novelles et je cherche à gagner en autonomie tout en partageant avec des gens qui comme moi, ont besoin de retours constructifs sur leurs écrits.

Texte de Clamoiselle

Trêves des confiseurs

Et voilà, comme chaque année après la Saint-Nicolas, le même cortège de simagrées recommençait.

D’abord, il y avait la grand-tante, doyenne du clan, qui du haut de ses 99 printemps, ou hivers suivant son humeur, comptait bien mener son petit monde à la baguette, comme à son habitude. Aux milles bornes, elle avait pêché la botte de l’increvable et nous laissait en général tous au tapis.

En chef d’orchestre aguerrie, elle s’appropriait le temps de chacun et nous entraînait tous dans sa sempiternelle vision d’Épinal du réveillon de noël: messe, marche au flambeaux et dinde farcie compris.

Un all inclusive moyenâgeux que la jeune génération avait de plus en plus de mal à supporter et de moins en moins de difficultés à envoyer paître.

Pour mon malheur, j’étais de la génération du milieu: encore bien ancrée dans les traditions mais un pied déjà – un pied seulement – dans le monde de la liberté. Je n’avais donc gagné en fait de liberté que la frustration de ne jamais savoir dire non.

Chaque année j’appréhendais cette période avec l’angoisse d’une débutante.

Comment faire passer en douceur l’abandon de cette jeunesse dorée, sans cœur et sans éducation depuis que les parents avaient baissé les bras. L’avenir de la famille préférait faire la fête loin des momies (dixit ma petite nièce Sophie) et «s’éclater» sans les vieux (les mêmes parents démissionnaires bien sûr) …. il faut bien les comprendre.

D’ailleurs, Mamie, Papy, oncles et tantes, ne vous cassez pas la tête pour les cadeaux, une enveloppe généreuse fera l’affaire. Oui, comment expliquer ça en douceur à l’arrière-garde, toujours fringante et aux jugements toujours aussi incisifs!

Mais ce n’est pas tout, comment amener à la même table la cousine Jeanne, petite provinciale rose et joufflue, et la cousine Béatrice, pure produit de la capitale, véritable cheval de course, chacune haïssant l’autre avec mesure et politesse durant toute l’année, sauf lorsqu’il était question des décorations de noël. Là tous les coups étaient permis.

A moi, arbitre, de ramener la paix sur ce champ de bataille. Je tenais donc mes comptes soigneusement, et donnais la victoire alternativement à l’une et à l’autre.

Comment persuader aussi le grand-père, le cœur sur la main mais les cordons de la bourses bien serrés, que s’il n’était pas encore le doyen (un peu de patience voyons), il n’en était pas moins le chef de meute dont chacun attendait sagesse et conseils dans le respect dû à son âge et à son rang.

Chaque année les choses se compliquaient un peu avec cette manie moderne des familles recomposées, des pièces rapportées et d’autres échangées. J’en perdais le compte et les prénoms.

Mon mari, doux et poète, observait cette danse de loin, avec un sourire confiant. Une petite tape en douceur sur les fesses et il m’encourageait en m’affirmant que, comme chaque année, tout serait absolument parfait ! Et toujours bienveillant se penchait à nouveau sur ses haïkus.

Mais tout ça, c’était sans compter avec mes hormones. Car sachez-le, la ménopause est une adolescence tardive aux éclats tout aussi dévastateurs.

Je n’ai rien dit, rien laissé paraître. Entre deux coups de chaleur et trois kilos pris par mégarde, je suis passée à l’agence de voyage la plus éloignée de la maison.

Soleil, piscine, cocktail : enfin un véritable all inclusive à ma mesure.

Le 24 au matin, pendant que mon amour, l’homme de ma vie, relisait et agençait avec subtilité ses dernières créations pour un éditeur pas encore ennemi, j’ai simplement mis ce vinyle de Gainsbourg qu’il aime temps (oui, chez nous la loi du vinyle règne encore).

Et sur ces paroles qui s’adressaient plus à la famille qu’à toi, mon homme, ma tendresse, mon plus beau cadeau: «Je serai content quand tu seras mort, vieille canaille …», j’ai pris ma valise préparée discrètement la veille et suis partie sans claquer la porte.

Par Clamoiselle
Passionnée par les mots, l’écriture, j’ai « appris » à écrire en atelier avec un homme formidable, issu du réseau Kalame, qui animait un atelier amical, Marcel Oriane.
Mes nouvelles sont sur un blog wordpress, ouvert à mon pseudo.

Texte de Colette

« Je serai contente quand tu seras morte. »

Jamais elle n’avait imaginé pouvoir prononcer ces mots, ni même pouvoir les penser. Le sentiment de haine lui était inconnu.

Elle, c’est Marie. Elle a la trentaine, les cheveux bouclés et des lunettes vertes. Marie est naïve. Elle le sait maintenant. Son baromètre interne d’estime et de confiance en elle n’a jamais été très optimiste. Il n’avait jamais non plus été aussi pessimiste. A tel point qu’aujourd’hui l’aiguille semble bloquée. Elle apprend à vivre avec. Marie avait foi en la fantaisie de la vie.

C’était un jeudi, Marie s’en rappelle car elle a l’habitude de se souvenir de tout, et surtout de ces détails. Cette nuit, elle n’a pas dormi. Elle fait couler du café. L’odeur, la chaleur de ce breuvage coloré la rassurent. C’est ce matin qu’elle commence. Elle a peur. Elle souffle sur la fumée qui s’échappe de la tasse. Prend quelques minutes pour regarder cette silhouette qui danse lentement dans l’air. Elle voudrait danser elle aussi, avec la même fluidité, la même spontanéité. Marie boit son café et s’en va.

Dès son entrée dans le bureau, Marie a perçu le malaise. Elle était là face à celle qui désormais hanterait ses nuit, contaminerait ses journées, capturerait ses pensées. Elle allait se jeter « dans la gueule du loup ». Il était encore temps de rebrousser chemin. Partir. Fuir. Marie ne voulait pas faiblir. Elle aurait dû s’autoriser ce choix. Ce regard posé sur elle. Celui de cette femme, celle qui allait faire de sa vie un enfer. Intimement, Marie le savait. Elle ne pouvait pas se l’avouer. Elle ne voulait pas se l’avouer. Elle la regardait droit dans les yeux. Elle ne peut oublier ces yeux. Ils sont bleu glacier. D’une limpidité éclatante, ils sont magnifiques. Ils vous transpercent. Ces deux perles couleur azur auraient pu être le reflet de la douceur et de la générosité de l’être. Les apparences sont souvent trompeuses. Rapidement, Marie a compris que derrière ce visage c’était le diable qui régnait. C’était son diable. Celui qui l’avait choisie elle. La représentation fantasmatique que Marie s’était inconsciemment forgée du mal était floue. Elle n’y pensait pas. Jusqu’à ce jour.

Marie s’est enfermée dans la lutte. Elle travaillait sans cesse, cherchait à se prouver qu’elle avait sa place là où elle était. Chaque matin au réveil, une bataille s’annonçait. Marie enfilait son uniforme de petit soldat et devait être prête. Prête à tout endurer. Chaque jour, elle travaillait sa tenue. Il fallait qu’elle soit transparente. Personne ne devait remarquer quoi que ce soit. Elle s’obligeait à être vide. Elle savait que la journée serait interminable. Elle n’attendait que sa délivrance le soir venu. Les répits étaient de courte durée. Au fil des semaines, Marie sentait qu’elle perdait pied. Tenir. Ne jamais renoncer. Ne jamais s’avouer vaincue. Ne jamais abandonner. Lorsqu’elle percevait le timbre rauque et éraillé de La Voix, son corps se raidissait. Elle frissonnait. Seule, elle attendait l’entrée de son démon. Intérieurement, elle l’appelait son tyran. Elle ne cessait de se poser la même question : « pourquoi m’a-t-elle désignée ? ». Elle se demandait ce qu’elle avait dit ou fait pour que cette femme décharge sur elle autant de haine. L’humain n’était-il donc pas naturellement bon? Marie avait mal. Mal où? Partout. Elle ne pouvait identifier, ni même caractériser sa douleur. Elle en était prisonnière.

Ses amis ne la reconnaissaient plus. Elle n’était plus la même. Elle le savait ; Plus jamais rien ne serait comme « avant ». Pourrait-elle un jour se remettre d’une telle épreuve ? Avant elle en doutait. Aujourd’hui, elle savait. Ce serait impossible. La vie était devenue amer. Marie ne vivait plus que par son travail. Attachée, enlisée, tenue, elle n’était plus maître d’elle-même. Des sentiments nouveaux étaient nés chez Marie. Elle rêvait de briser celle qui l’anéantissait un peu plus chaque jour qui se levait. L’enfer, l’humiliation, le dégoût ; elle supportait tout, puisqu’elle n’était plus rien. Marie était habitée. Cette femme la hantait et venait occuper ses nuits. Ce visage, ce regard, cette voix exerçaient sur elle une pression permanente.

Après 268 jours de calvaire quotidien, Marie est partie. Ce n’est pas elle qui a décidé de partir. Son corps est parti, transparente, elle voulait tellement l’être. Elle l’était devenue. Marie ne voulait pas s’écouter. Plusieurs fois son état physique l’avait rappelée à la raison. Cela jusqu’au jour où elle s’est effondrée sur elle-même sans conscience. Elle n’était plus là avec les autres. Elle était dans du coton. Marie a fait un grave malaise. Cela faisait des mois qu’elle sentait son cœur s’emballer, elle n’avait jamais voulu y prêter attention. Les médecins étaient formels (comme à leur habitude !), si elle voulait survivre, elle devait arrêter. Ils allaient même jusqu’à encourager Marie à porter plainte. Elle était tombée malade à cause d’une femme elle-même psychiquement malade. Marie était tombée sous l’emprise d’une manipulatrice perverse narcissique. Avant, Marie ne connaissait rien à tout cela. Elle tombait de haut. Enfin, elle était déjà tombée de toute façon… Un peu plus un peu moins, qu’importe. Elle était à terre. Dans l’arène, elle avait été battue, déchirée, rouée de coups, elle avait valsé, elle avait tangué, elle s’était couchée.

Contre toute attente, Marie s’est relevée. Elle a choisi de se relever. Jamais elle n’a réussi à dénoncer l’enfer. A en parler. Jamais. Elle vit avec. Désormais, elle sait. En ce 25 décembre, Marie assiste au spectacle des illuminations, des gens qui rient. Elle ne parvient pas à être comme eux. Elle n’est plus comme avant.

Arrêter. Fermer ce qui ne doit être qu’une parenthèse. Apprendre à vivre. Avec.

par Colette
Lorsqu’elle écrit Colette n’a pas d’âge…
Les mots s’enfilent comme des perles sur un collier…
Les textes qu’elle écrit ne vivent que sur l’écran de son ordinateur ou sur les pages de ses carnets.
Aujourd’hui, elle décide de se lancer un défi,
Elle a envie,
Elle a peur,
Elle est impatiente,
Elle imagine,
Elle est heureuse d’écrire, là, maintenant, tout de suite ; de penser à ce qui l’attend…

Proposition 12/2014

Bonsoir, 

Voilà, comme prévu, nous sommes dimanche soir et l’atelier prend fin. Les commentaires ont été clos sur l’ensemble des textes, mais vous gardez bien entendu la possibilité de les consulter. 

Merci à tous pour votre participation à ce premier atelier! Le prochain aura lieu au mois de février. 

Il me reste à vous souhaiter de bonnes fêtes de fin d’année à tous (et cette fois-là, on a le droit de les espérer riantes…!) 

Gaëlle

 

« Je hais les voyages et les explorateurs » C. Levi-Strauss

« Je hais tous les hommes, Les uns parce qu’ils sont méchants et malfaisants, Et les autres pour être aux méchants complaisants » Molière

« Familles je vous hais ! » A. Gide

La littérature manie la haine presqu’autant qu’elle manie l’amour. Logique, sans doute, puisque l’un n’est jamais que le contraire de l’autre, et que parait-il, les contraires s’attirent.

Au seuil des fêtes de Noël, des réjouissances et des sourires, vous allez donc oublier les guirlandes à venir pour plutôt vous enguirlander. Opération mauvaise humeur, vous allez haïr et râler. Vous mettre en colère et détester. Et il n’y a que vous qui déciderez si au bout du compte, la bonne humeur et la convivialité reviendront, ou pas.

Mettez-y de l’humour, ou soyez premier degré, à votre guise. Parlez économie, jardinage, saut à l’élastique ou tout autre thème de votre choix propre à vous agacer prodigieusement et à vous faire haïr votre prochain. Incendiez votre voisin, le poisson rouge de votre soeur, ou le frigo du bureau : comme vous voulez.

Petite contrainte supplémentaire : insérez dans votre texte la phrase suivante « je serai content quand tu seras mort » (et chacun reconnaitra la patte de Serge Gainsbourg et de ses « vieilles canailles »). Cette phrase peut servir d’incipit si vous ne savez pas comment commencer votre texte.

Bonne écriture !

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