Ateliers d’écriture créative, de fictions, animés par Francis Mizio

Catégorie : CatDec2015

Texte de Schiele

La nouvelle année commence, tonitruante . Entre le pop up des bouchons de champagne qui sautent , Vitalic et sa «  disco song »poussée au max , elle stoppe sa danse et croise son regard. Ses yeux lui sourient et immédiatement la happent. Avant même qu’elle se retourne, lui avait déjà bloqué sur sa nuque, et le rythme sensuel qu’elle y portait dans ses ondulations. Frissons simultanés, montée d’adrénaline commune, ils le savent déjà, comme une évidence, ils ont quelque chose à partager ensemble. Et ça sera intense.

 La danse des cavaliers de Prokofiev a crépité sur la platine vinyle, aussi puissante et soutenue que leurs corps qui ont vibré à l’unisson. Enlacés, dans la fraicheur d’un dimanche de saint Valentin,   Sasha fait couler l’eau fraiche en fin et délicat filet, sur les lèvres et long du cou de sa douce. Depuis cette fête, ils ne cessent d’avoir besoin du corps de l’autre, de son odeur, de son contact. Rien de bestial, mais l’attirance est animale, dans leurs tripes, au-delà des mots, même si ils aiment se parler. iI parait qu’on est attiré par son opposé, la question ici ne se pose pas. Ils vivent l’histoire, dans toute leur spontanéité. Leurs corps se complètent, comme si leurs âmes, par ce chemin pouvaient fusionner, dans une présence totale à l’autre.

 Le flacon de savon moussant vidé, de la buée plein le miroir, le lecteur CD joue le langoureux et hypnotique « get misunterstood « des Troublemakers. Leurs jambes s’entremêlent, ils réussissent à s’encastrer dans la petite baignoire de l’appartement qu’ils partagent déjà. Morgane tient à garder sa dignité, alors elle lui a demandé de fermer les yeux quand elle est rentrée dans la pièce, puis dans la baignoire. Ca l’a fait rire. Comme toutes ses petites maniaqueries qu’il découvre avec tendresse depuis ces 6 derniers mois. Les plus pleins de ses 24 printemps. Pétards au coin de la bouche, ils devisent, rigolent, savourent ce samedi de glande amoureuse. Le week end leur appartient. Dans les vapeurs de l’herbe, ils se réveillent la peau toute plissée , sur le même fond sonore. Les lèvres violettes, le regard embué, ils s’ébrouent comme des gamins, et se frictionnent tendrement.

 Leurs têtes confortablement posées sur l’herbe grasse, les yeux plissés pour contempler le soleil, doux de l’été indien, un écouteur chacun à l’oreille, ils savourent le « all I need » de Air. Après une balade en barque , ils viennent de finir le magnum de Chateau Margaux et de replier la belle nappe de pique nique vichy dans la malle en osier. Leur goût du rétro est un des nombreux points communs qui les unit. Ils peuvent digérer tranquille, sieste bucolique, la main dans la main. Ils ont trouvé leur tempo amoureux, de jouissance autour de la bonne chair et des beaux paysages. Ils n’ont pas besoin de plus ; juste un beau cadre, écrin de leur amour qui , force d’attraction irrésistible, les ramène inlassablement à leur duo, fusionnel et exalté. Les amis leur reprochent au choix, ou en compilation, leur immaturité, leur absence, leur fonctionnement en un être à 2 têtes. Les plus vieux leur disent d’en profiter, ils leur assurent que ça passera.

« To build a home » de Cinematic Orchestra s’échappe délicatement des enceintes high tech de la suite royale du Crillon. En ce dernier jour de l’année, leurs comptes en banque ont entièrement été vidés. Pour régler la chambre, son costume Dior sa petit robe blanche Courrèges, et les 2 bouteilles qui les attendent. Ils vont prendre la nuit pour savourer la première, un champagne d’exception , millésime. Les poncifs du snobisme , ça les a toujours fait rire, se moquer. Mais là, ils veulent jouer le grand jeu, jusqu’au bout. La demi mesure, ça n’est pas leur truc. Encore un truc qui les aimantent.

Ils le savent, ils ne seront jamais plus amoureux qu’aujourd’hui, jamais aussi heureux que cette année passée. Ils sont lucides, ils voient le monde. Ils vont vieillir, se décevoir peut être, s’habituer au moins, se flétrir. Ils sont aussi idéalistes, et romanesques Et n’acceptent pas ce destin médiocre. Ils ne laisseront personne ternir cette année. Ils ne laisseront pas la bassesse de la vie les séparer. Alors cette deuxième bouteille, ils vont la descendre ensemble, puis s ‘allongeront, pour écouter en boucle cette dernière musique. Et se serreront fort, pour ne jamais se lasser, après l’ avoir bue cette bouteille de cyanure.

Par Schiele

Texte de Justine

6H28, le réveil sonna, il se leva, prit sa douche, se rasa de près. Il jeta un œil sur le réveil de la salle de bain : 6H43, parfait il était dans les temps. Petit déjeuner, pas plus de sept minutes. Brossage de temps, trois minutes. Cirage des chaussures, deux minutes. Les bips de la radio annoncèrent 7H00, il attrapa sa mallette de cuir, claqua la porte de son appartement, s’arrêta sur le seuil et alluma la lumière.

Il avait exactement trente secondes pour descendre les deux étages, de respectivement vingt et vingt deux marches, avant que la minuterie ne s’arrête. Il commença à dévaler les volées de marches. Au premier étage il s’arrêta net face à la femme de ménage qui passait la cireuse « qu’est ce qu’elle fout là celle là ! On est mardi !». Il s’excusa du bout des lèvres et continua sa descente, il avait encore une chance. A l’avant dernière marche, la lumière s’éteignit. « Merde ».

Il n’avait plus qu’à remonter.

Il se posta de nouveau devant sa porte, prit le temps de respirer et d’évaluer à quel niveau devait se trouver la femme de ménage afin de l’éviter. La lumière se ralluma. Il repartit, chaussé de mocassins en cuir, il glissait sur le parquet ; c’était quasiment de la haute voltige. Il descendit le premier étage sans encombre. A la seconde volée de marches, il aperçut Mme Thomas un peu plus bas. Il eut un instant d’inattention, son pied glissa et il s’écrasa sur les fesses. Il fit de nouveau noir. Il rumina « putain de merde, manquait plus que çà, je vais vraiment finir par arriver en retard ». Il se releva sous le regard intrigué de Mme Thomas « tout va bien Monsieur ? ». « Mais quelle nouille, évidemment que non, ça n’allait pas du tout ». Il la toisa du regard, esquissa un léger sourire, fit mine que tout allait bien, réajusta sa cravate, lissa sa veste et son pantalon et entreprit de nouveau de rejoindre son paillasson, son cartable à la main. Il n’avait pas le choix, il fallait qu’il descende ces maudits escaliers dans ces trente secondes, sinon la journée se passerait forcément mal. Il inspira, souffla. Le troisième essai devait être le bon. Il songea quelques secondes à prendre l’ascenseur mais il se dit qu’avec la chance qu’il avait ce matin, celui ci manquerait de tomber en panne ou de s’arrêter au premier étage. « Pourquoi les gens prennent l’ascenseur au premier étage ? Pour descendre en plus ? » Il secoua la tête, il détestait ses voisins du premier pour ça. Il regarda sa montre, 7H15. Avec un peu de chance il pourrait prendre le bus de 7H27, ce qui le ferait arriver à 7H58, s’il n’y avait pas d’incidents de parcours. Il détestait arriver en retard et il ne pouvait plus se le permettre. « La prochaine fois sera la bonne ». Il croisa les doigts. « Go ». Il repartit à toute berzingue, concentré au maximum. Il comptait dans sa tête « 5, 4, 3, 2 », il y était presque, il entendit une porte claquer, « 1, 0 », il posa les pieds en bas des escaliers. La lumière s’éteignit. « Yes ! », il leva les bras au ciel. Son cœur cognait dans sa poitrine, il posa ses mains sur ses genoux, le front tout transpirant, il y était enfin. Il se redressa, passa la main dans ses cheveux pour les remettre dans l’ordre, se dit qu’il prendrait bien une douche et boirait bien un jus de fruits frais. Il se baissa pour attraper sa mallette. Pas de mallette. Il avait dû l’oublier à sa porte. Il hurla « PUTAIN ». Il regarda sa montre, 7H25. Il n’aurait jamais son bus. La femme de ménage qui n’était plus là ne pourrait pas remonter la chercher à sa place.

Il s’assit sur la première marche, prit sa tête dans les mains. Cette fois, il fut incapable de compter le nombre de journées manquées au boulot et le nombre d’excuses bidon qu’il avait pu donner. Il songea qu’il avait déjà déménagé trois fois en un an pour tenter de résoudre son problème ; appartement au rez-de-chaussée, maison à étage, maison de plein pied mais que malgré tout le cauchemar persistait.

Il se leva, remonta tranquillement l’escalier vers son appartement en comptant les marches une à une.

Au premier, la voisine aux lunettes « cul de bouteille » ne lui accorda qu’un bref regard. Il remarqua qu’elle portait une mallette du même genre que la sienne. Elle cala fermement celle-ci sous son bras, inspira profondément, déclencha le chrono de sa montre, ouvrit la porte de l’ascenseur et se précipita à l’intérieur.

Par Justine

Texte de Groux

Je me souviens de ce mardi. C’était il y a pile un an. J’avais acheté des bougies, quelques plats chez le traiteur, une nouvelle petite robe. J’avais envie de le surprendre, de lui montrer à quel point je l’aimais et que notre quotidien pouvait être plein de surprises.

Je me souviens de ce mardi. C’était il y a pile un an. J’avais rencontré cette jolie brune à la machine à café. J’avais besoin de me rassurer sur mon pouvoir de séduction. Elle m’avait clairement fait comprendre ses intentions. Une audace nouvelle m’avait poussé à lui demander si elle était libre dans l’après-midi.

J’avais fini 2h plus tôt. C’était rare que cela m’arrive. J’avais juste le temps d’arriver à l’appartement et d’aller me prélasser dans un bain parfumé. Il allait arriver, j’aurais allumé ces bougies parfumées et je serais là à l’attendre. J’étais montée tranquillement à notre étage et avait ouvert notre porte d’entrée. Sans me l’expliquer, mes pas m’avaient poussée jusqu’à la chambre. Le sac m’était tombé des mains quand je les avais vus. Enlacés. Dans notre lit. Comme un automate, mes yeux allaient à ce qui s’échappait du sac, commençant déjà à tacher la moquette, à eux, impudiques, dans ce lit. Aucun son ne put sortir de ma gorge.

Il y a un an, ma vie se brisait.

Il y a un an, ma vie recommençait.

Quand elle avait accepté de me suivre, je ne m’étais jamais senti aussi fort. Cela faisait 2h que j’admirais son corps nu près du mien. Un sentiment d’allégresse m’avait envahi. Je savais que je ne devais pas être là, ni avec elle. Mais ma vie prenait un piquant que je ne lui avais jamais connu.

Puis un bruit, une porte qui s’ouvre, des pas qui s’approchent. Ma femme dans l’encadrement de la porte. Un sac qui tombe. Une larme qui coule. Une porte qui claque.

J’avais claqué la porte en sortant, et j’avais couru, les yeux aveuglés par les larmes. Ma course m’avait menée vers chez ma meilleure amie. Sans un mot, elle m’avait prise dans ses bras, m’avait accompagnée jusqu’au canapé. Elle m’avait passé un pyjama. M’avait rapporté quelques minutes plus tard une bouillotte tout chaude. Puis m’avait caressé le front pendant que je pleurais contre elle.

J’étais resté contre elle. Je voulais savourer chaque instant auprès d’elle. Je ne réalisais pas la chance que j’avais d’avoir une si belle femme dans mon lit. Je m’étais levé peu après, j’étais allé lui faire couler un café et le lui avais rapporté avec quelques carreaux de chocolat. Puis je m’étais lové contre elle, lui caressant tendrement le front.

J’étais maintenant installée dans un joli appartement. Les premiers mois avaient été difficiles. Le plus dur avait été d’aller récupérer mes affaires. J’en avais brûlé une grande partie quelques semaines après. Cela m’avait fait un bien fou. Mes amis m’entouraient, m’encourageaient à sortir de chez moi.

Je m’apercevais que je n’avais jamais fait autant de choses. Je rencontrais de nouvelles personnes, je découvrais des univers et des passions dont j’ignorais tout. Je ne pensais plus à mon ancienne vie.

J’avais gardé ce grand appartement pour moi seul. Les premiers mois avaient été magiques. Un soir, ses affaires avaient disparues. Une petite pointe de nostalgie m’avait envahie. Mais j’étais persuadé de vivre la vie dont j’avais toujours rêvé.

Puis la passion et la fierté du début avaient laissé place à un sentiment amer. Nous n’avions rien en commun, rien ne la passionnait et elle trouvait mes discussions ennuyeuses. Notre histoire était devenue aussi insipide qu’elle avait pu être passionnée. Elle s’était terminée rapidement. Mon ancienne vie me manquait.

Je me lève, la tête toute légère. Une coupe de champagne traine au pied du lit. Hier j’ai bu à la femme que je suis devenue. Je vais jusqu’à la salle de bain. Je me regarde dans le miroir, passe la main sur mes joues. Mes traits se sont affirmés, mes yeux ont retrouvé leur flamme d’antan, je me sens jolie. Une belle journée m’attend, dans quelques heures, je pars en voyage.

Il y a un an, j’ai recommencé ma vie.

Je me lève, la tête encore bourdonnante, les yeux injectés de sang, injectés d’alcool. Hier j’ai encore bu pour oublier le désert de ma vie et pour oublier ce que je suis devenu. Je titube jusqu’au miroir, passe ma main sur la barbe qui envahit mes joues. Je ne sais plus depuis combien de temps je ne me suis pas rasé, pas lavé. J’ai mauvaise mine, j’ai maigri, la peau pend le long de mon visage. Je ne sais plus quel jour on est, je n’ouvre plus les volets.

Il y a un an, j’ai brisé ma vie.

Par Groux

Texte d’Ariane

« La Voix du Parti », journal libre et indépendant
Edition spéciale du 7 mai 2018

Un an après… Où en sommes-nous ?

Par Sandrine de La Pallière 

Qui dit jour spécial dit édition spéciale : nous célébrons la première année de mandat de notre Présidente ! Il y a un an, jour pour jour, vous vous exprimiez, chers citoyens, dans les urnes et le message était clair : un vote d’espoir, une volonté de changement, une adhésion massive au Parti!

Revenons sur cette année qui fut riche en réformes et en renouveau.

Diplomatie. Grâce au refroidissement des relations diplomatiques internationales et à la promesse de Mme la Présidente de ne pas quitter le territoire national, d’importantes économies ont été réalisées : les frais de déplacement de notre ancien Président s’élevaient à 18 millions d’euros ! Notre absence à la COP 23, au G7 (anciennement G8) et à l’OTAN ont ainsi permis des économies substantielles. C’est également la preuve que le Parti s’engage pour le climat, comme l’évoquait en janvier notre Ministre pour la protection des Animaux de Compagnie et préposé aux Affaires Etrangères : « Le refroidissement [des relations diplomatiques] a du bon, ce ne sont pas les climato-optimistes qui vont dire le contraire ! ».

Société. Les plannings familiaux reconvertis en Centre de Bonne Famille ont soulagé la Sécurité Sociale du poids des plaquettes de pilule et des consultations gratuites. Les Françaises sont désormais responsabilisées ! Conjugué à l’interdiction de l’avortement, un pic de 200 000 naissances est prévu cette année et permettra l’avancée du départ à la retraite à 60 ans. Parmi ces nouvelles naissances, la moitié concernerait des mères mineures. Une jolie victoire quand on sait que plus l’âge de procréation avance, plus les maladies congénitales augmentent !

Travail. Selon notre nouvel INSEE, là où les précédents gouvernements avaient échoué, les chiffres du chômage ont amorcé leur chute vertigineuse : 5 % pour les catégories 1 [rappelons que la catégorie 1 regroupe les Français nés sur le territoire national _hors DOM-TOM_ de deux parents et de quatre grands-parents de nationalité française uniquement]. La France aux Français ! Le salaire maternel (promis en 2010) qui encourage les femmes à rester au foyer a pu rendre possible ce tour de force. Lors de la journée de la femme du 8 mars, notre Présidente a d’ailleurs rappelé son engagement en faveur des droits de la femme puisque, comme le Parti l’expliquait déjà en août 2015 : « S’il n’y a plus d’immigrés, il n’y aura plus de violences faites aux femmes » [blog les Patriotes].

Economie. La sortie de l’Europe le 1er septembre va transformer un rêve en réalité : le retour de la baguette à 1F*!
*selon les estimations des économistes, 1F devrait être égal à environ 6.66€.

Patriotisme. Proclamation du 7 mai comme jour férié national. Celui-ci viendra remplacer le 1er janvier, jour de dépravation par nature et permettra une chute notable du nombre d’accidents de la route. L’emblème choisi par le Sénat pour ce nouveau jour férié est le Saucisson, symbole patriotique fort. Des distributions sont prévues dans les mairies et écoles. La Bretagne devrait ainsi connaître un regain économique via ses multiples élevages porcins. C’est un beau message envoyé à cette région, réfractaire jusqu’à peu au Parti, rappelons-le !

Célébrations. Les commémorations du centenaire du 11 novembre auront lieu pendant une semaine. Les frontons de nos mairies arboreront à cette occasion des banderoles : « Wir haben Ihnen erdrückt ! » [« Nous vous avons écrasés ! »].

Associations. Suite au refus des Restos du Cœur de sélectionner ses bénéficiaires, la distribution de repas n’aura pas lieu cet hiver. Le Parti réalise ainsi le vœu de Coluche qui évoquait une solution temporaire, il y a plus de 30 ans. Le ministre de la Sécurité du Territoire National a ainsi déploré que « Les Restos » aient procédé à la distribution de plus d’un milliard de repas en l’absence totale de contrôle d’identité.

Justice. Un référendum sur la peine de mort est prévu cet automne. Comme l’a expliqué notre ministre de la Justice avec son célèbre sens de l’humour : « La peine de mort va permettre des économies mortelles !». Vous serez à même de choisir comment seront utilisés vos impôts : pour que les personnes âgées vivent décemment ou pour que les violeurs soient logés dans des chambres individuelles avec TV ! Car, vous le savez : votre avis est primordial pour le Parti !

Edition spéciale du 8 mai 2022 :
Un nouveau parti à la tête de la Nation !

Par Ariane

Texte de Laurent

Et le vainqueur est…

C’est une rencontre fortuite qui me guida vers ma nouvelle vocation. Le Bar du Méridien est le dernier vestige de ma vie d’avant, un endroit propre et select qui donne le sentiment d’appartenir à une caste. J’y allais moins depuis mon licenciement, la coupe à 15 euros avait eu raison de mon portefeuille. Je l’ai remplacé par un Negroni à 9 euros, en calculant bien je pouvais boire 15 Négroni pour 10 coupes et puis le Negroni faisait 20 cl le compte est bon.

Je voyais souvent Maurice, toujours seul, nous avions fini par sympathiser, je lui parlais de mes déboires, j’avais comme confiance. Et puis à qui d’autres parler ? ma femme m’avait quitté aux premières difficultés, mes amis avaient été sacrifiés sur l’autel du rendement au travail. Le goût amer de la solitude.

Vint ce jour où Maurice entrepris de s’épancher. Me parler d’avenir, me parler d’argent. Il m’expliqua son métier. Stupéfait, j’apprenais qu’il était tueur à gage. Pas une caricature comme on l’imagine dans les romans. En débarquant à Paris de Bastia il fut pris en mains par Renzo Torelli qui lui a tout appris. C’était il y a 50 ans.

Il me proposa cette reconversion. J’étais rentré chez moi dubitatif et hébété. Evidemment Maurice n’attendait pas une réponse immédiate. Ni même une reconnaissance. Au bout d’une semaine, je le questionnais sur ce monde nouveau que je ne connaissais qu’à travers de films ou livres où le « héros » finit toujours pas mourir !

Méthodiquement, Maurice m’expliqua le métier. Sa spécialité c’est le politique, le haut de gamme, c’est là que le chiffre d’affaire est le plus juteux. Seulement, il faut être intelligent et très organisé, pas de place pour l’improvisation.

Depuis que je ai choisi ce métier je ne peux pas me plaindre. Mes revenus ont été multiplié par dix. Il faut accepter le risque. Mais toute reconversion a ses contraintes. Il faut se remettre en question, voir les choses différemment, avoir une approche métier.

Au début, les risques me paraissaient démesurés, les objectifs inatteignables. J’ai commencé par les petits contrats, l’interim du travailleur en quelque sorte. Les petites frappes des conflits de drogues. Des trucs de débutants.

Maurice avait pris sa retraite. Mon affaire a bien prospéré grâce à son aide, j’ai su choisir de bons clients fidèles, tels la famille Garadi ou les frères Nardo. Avoir une clientèle stable est la base du métier. Evidemment je faisais des prix, environ 30% moins chers, mais on s’y retrouve sur la quantité.

Mes objectifs ont évolué. Hommes politiques, hommes d’affaire, véreux, c’est le meilleur segment, un marché en constante évolution auquel je colle au plus près.

C’est d’ailleurs l’élimination de Roger Arkani qui me vaut cette nomination du meilleur tueur à gage de l’année. Un sacré client le Roger. Champion de la mise en examen et des financements occultes, la pointure taille XXL. Il avait perdu de sa flamboyance et commençait à décliner. Et puis la faute bête, inexplicable pour un politique comme lui, l’absence de reconnaissance. NSBTP n’avait pas eu le marché de la construction de la piscine olympique. La NSBTP de Nicola Sarti en prit ombrage. Arkani tenta d’expliquer que c’était une erreur et que la prochaine fois ce serait eux, mais il gardait les 100.000 euros versés. Nicola Sarti, peut être aussi méchant que sa taille est petite, une sorte de Joe Pesci. Je répondis à son appel d’offre pour ce contrat et je fus choisi. Ce fut un grand moment pour ma petite entreprise. Les powerpoint de ma méthode convainquirent Mr Sarti,

La compétition annuelle se tiendra dans le village de Passo, à 20 kilomètres de Massipo lui-même à 20 kilomètres de Palerme. Le titre est honorifique mais il permet des débouchés sur l’international. Pour s’y présenter il faut deux parrainages et payer les frais d’inscription de 100.000 euros, un peu cher, mais le repas est offert lors de la cérémonie.

Pour Arkany j’avais prévu d’opérer en Martinique où il passait du temps dans sa somptueuse maison, le jury serait sensible au cadre ensoleillé des Caraibes. Pour le symbole, j’ai opté pour un mode opératoire en tenant compte des spécificités locales. Lâcher Arkany dans la baie connue pour ses requins bleus voraces. Histoire de vérifier l’adage que les requins se mangent entre eux. Au moins je laissais une chance à Arkany… Avec les mains liées, il avait moins de chances. Quand un premier requin fonça sur lui le cisaillant en deux, Arkany resta sans voix lui qui n’en n’avait jamais manqué. Je filmais la scène, la qualité du montage sera un élément important pour le prix.

Par Laurent

Texte de Colette

Il est six heures. Comme chaque matin, cela fait déjà de longues minutes que mes yeux scrutent les mouvements des petits bâtons rouges sur le réveil… J’aime savourer cet instant. En observant les lumières qui décorent la nuit, je pense. Je m’égare. Ma main vient machinalement attraper une capsule de café. Je m’installe à table. Les jambes en tailleur. Humant les arômes délicats offerts par la potion noire.

Il est là. Déposé négligemment sur le plan de travail. Tel un miroir, il renvoie des reflets tranchants. Ses courbes sont précises. Le fil de coupe ne laisse aucune place au hasard. Il transperce sans hésitation. J’aime cet objet. J’aime l’idée de pouvoir le posséder. Chaque jour, il cache son jeu. Se plie aux préparations. Cisèle. Epluche. Découpe. La face cachée du miroir est tout autre…Secrète. Elle réside dans le pouvoir que ressent celui qui se saisit du manche. L’image est alors celle d’une arme blanche. Le geste doit obéir à une perfection sans faille. Il suffit d’un coup. Bref. Efficace. Net. « Je serai content d’avoir ta peau vieux chameau ».

A cette heure-ci l’appart est calme. Lui n’a pas encore ouvert l’œil. Je passe un orteil sous l’eau glacée qui s’écoule puis je m’y jette tout entière. J’ai besoin de ça. De sentir cette douleur. Des dizaines de stalactites se cassent. Ils se brisent et s’enfoncent sous ma peau. Je ne pense à rien. Je suis anesthésiée…

Par terre, il traîne. Englouti par une éruption de légos. Pedro n’aime pas ranger. Il préfère « tout laisser sorti pour pouvoir tout voir ! ». Ayant trouvé l’argument plutôt convaincant pour un gosse de quatre ans, j’ai laissé faire. Ce matin, le flingue de Batman m’appelle. Je fais rouler le barillet. Je gère. J’aime l’idée de toute puissance qu’il confère à celui saisit la poignée. Je voudrais être cette balle tirée de sang froid. Celle qui atteint la cible. Celle qui n’hésite pas. La course est rapide. Rien ne dépasse. J’appuie sur la gâchette. Boum ! Les ailes de la chauve-souris se déploient. C’est l’étendard du maître. Sa signature. « Tu ne perds rien pour attendre, je saurai bien te descendre ».

Midi. Pause déjeuné. Sortir. Aspirer l’air. J’observe les foules qui s’agglutinent autour de la porte. Comme les guêpes sont attirées par le sucre du miel. J’ai besoin de me mettre à l’écart. A mon tour j’allume ma cigarette. Je me délecte un instant. J’aimerais que cette plénitude dure. Pourquoi la sérénité est-elle si fugace ? Plus loin, on m’interpelle. « Tu as du feu ?! ». Si seulement. Si je pouvais posséder ce feu… Je coupe court et tends mon briquet.

Longtemps, je me suis demandée comment les flammes pouvaient faire table rase. Il suffit d’un clic. Un frottement rapide entre la lèvre rouge de l’allumette et le corps ébréché de la boîte. Ils échangent un baiser. Intense.ils font ainsi naître la flamme. Mélange d’un désir ardent et d’une violence extrême. Alliage parfait à température bouillante. Rien ne résiste. « Je t’aurai vite refroidi, vieux bandit ».

Ce soir, je rentre de nouveau dans la nuit noire.

J’ai décidé de tout arrêter. Saletés pour oublier.

C’était il y a un an. C’est comme si c’était hier : « Je serai contente quand tu seras morte ».

Trinquons à ta santé. Champagne pour « la plus belle cuite de ma vie, le jour de tes funérailles, vieille canaille. »

Par Colette

Proposition 12/2015

Bonsoir, 

Voilà, comme prévu, nous sommes dimanche soir et l’atelier prend fin. Les commentaires ont été clos sur l’ensemble des textes, mais vous gardez bien entendu la possibilité de les consulter. 

Merci pour votre participation à cet atelier !

Petit rappel: pas d’atelier en janvier (début janvier, nous avons généralement la tête ailleurs…!). RDV en février pour le prochain atelier!

Bonne fin de soirée et bonne continuation à vous tous!

Gaëlle

*********

Voilà, c’est officiel (et certains d’entre vous, qui étaient déjà là l’année dernière à cette même période, le savent fort bien), ecrire-en-ligne a un an ce mois-ci.

L’occasion était trop belle, je n’allais pas passer à côté de cette thématique pour la proposition d’écriture.

Je vous propose donc, tout simplement, de décliner le thème « Un an », à votre façon. Il peut ici être question d’anniversaire, mais pas nécessairement. Il peut s’agir d’un an d’amour, d’un an de deuil, d’un an de prison. Un an de bonheur ou de galère. Un an banal ou extraordinaire. A vous de voir.

Ce « un an » peut-être en cours, il peut aussi être un souvenir lointain. Ou bien, à la manière d’une chronologie moyenâgeuse, il peut aussi s’agir de l’an mille ou de l’an X.

Bref, pour les « un an » d’ecrire-en ligne, racontez-nous votre « un an » à vous !

Et parce que quand même, il est des choses qui se doivent d’être fêtées dignement, glissez quelque part dans votre texte une bouteille, ou un verre, de champagne.

Bonne écriture à tous !

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