Ateliers d’écriture créative, de fictions, animés par Francis Mizio

Catégorie : CatAvril2016

Texte de La fée Clotilde

Jour 1 : depuis le pont

En plein cœur de la ville, un jour de soleil, de brise légère, de nuages, de ces gros nuages blancs cotonneux qui laissent le vent les emporter où bon lui semble…

La ville, à l’heure où décroit le jour, où la lumière parait soudain flamboyer…

La ville, traversée de part en part par un fleuve, long courant qui semble immuable… et pourtant…

J’observe depuis le pont ce qui s’agite, s’anime, s’affaire, bruit, grince, murmure et stridule en amont, en aval, autour de moi…

Voitures, bus, vélos en circulation dense ;

Citadins pressés, absents, encore au bureau déjà chez eux…

Bébés qui apprennent le monde du fin fond de leur poussette, bien présents eux à la vie d’ici et maintenant ;

Papis et mamies qui ont abandonné depuis des lustres le rythme effréné de leurs semblables plus jeunes ;

Et les touristes… Leur progression s’apparente à une mélodie de jazz, syncope rythmée par les poses photos au gré des curiosités croisées…

La lumière participe aux mouvements de la ville ; Les bâtiments s’éclairent puis s’éteignent au gré de la marche du soleil, de la course des nuages ; La lumière diapre le fleuve qui parait, au milieu de ce tumulte si égal à lui même… Il va sa route, paisible ou parfois ébranlé par quelque péniche ; mais il ne s’en laisse pas compter et reprend bien vite son écoulement tranquille…

Mais il ne faut pas s’y tromper, chaque parcelle, chaque goutte avance en ordre pas dispersé du tout, et jamais ne parcourt deux fois le même chemin ;

Le fleuve n’échappe pas à la réalité ; la vie va en tous sens ou en un sens mais aucune illusion n’est possible… rien n’est immuable…

Je quitte le pont, rassérénée… Rien n’est immuable, pas même les chagrins d’amour…

Par la Fée Clotilde

Texte de Groux

Je regarde l’eau s’immiscer doucement dans le canapé. Assez vite, elle disparait, ne laissant qu’une auréole disgracieuse fonçant le gris d’origine. Je sens les gouttes couler le long de mon visage, s’accrocher à mes cils pour tomber sur mon nez, me chatouillant. L’eau se glisse dans le col de ma chemise. Avec un certain détachement, je me dis qu’il va falloir que j’aille me changer, que je ne peux pas me présenter comme cela à mon rendez-vous. Je la regarde, je me dis qu’elle est belle, encore plus flamboyante dans sa colère. Ses yeux reflètent tout le mépris qu’elle a pour moi. Je sens qu’il faut que je dise quelque chose mais je ne sais pas quoi. Notre histoire avait pourtant bien commencé. Rencontre clichée à la machine à café de l’entreprise. Petit flirt de circonstance. Invitation au resto. Après quelques verres, la raccompagner chez elle mais décliner son offre de monter en boire un dernier. Toujours donner une image de gentleman. La rappeler le lendemain, laisser entendre qu’on a passé un moment vraiment agréable, avec beaucoup de complicité. C’est marrant, les filles aiment bien le mot complicité, comme si ça les autorisait à accepter un deuxième rendez-vous plus rapidement. La réinviter au restaurant. Au dernier moment, lui dire qu’on a eu envie de lui cuisiner soi-même et que ça serait bien qu’elle vienne à l’appartement. Se faire livrer mais déranger un peu la cuisine pour qu’elle ait l’impression que c’est du fait maison. Pas trop de désordre pour donner l’impression d’un mec propre mais suffisamment pour ne pas donner une image trop lisse. Soigner son look : un mélange de chemise, avant-bras remontés et jean, dans l’idée je suis chez moi et je me détends mais je ne me laisse pas aller.

Mettre une petite musique d’ambiance, allumer quelques bougies. Conclure.

Je suis rodé à ce rituel. Il marche quasiment à tous les coups. Seul le lieu de la rencontre change. Mais le reste est d’une routine affligeante. Troisième restaurant où je l’invite. Elle n’a pas supporté que je laisse mes yeux s’attarder sur les jolies formes de la serveuse. Elle a pris son verre et me l’a lancé au visage. J’ai surement dû le mériter.

L’eau commence à former une flaque sur mes dossiers. Elle détrempe le papier, réduisant à néant des jours de travail. J’espère avoir fait une sauvegarde informatique, je n’en suis pas sûr. Je me dis que ça me permettra de changer de pochette, je n’ai jamais aimé le rouge que mon prédécesseur avait choisi. Elle crie, elle gesticule. Je me concentre sur l’eau, laisse mon doigt aller la séparer et y créer des formes toutes plus ou moins rondes. Je n’aurai pas dû la draguer, une erreur de débutant. Ne jamais viser dans les proches collaboratrices. Tout l’étage va être au courant, mes collègues me regardent déjà, mélange de pitié et de consternation. Je les vois chuchoter entre eux.

C’était une grande brune plutôt mignonne mais pas très intéressante. J’avoue ne pas avoir été très classe dans ma manière de la quitter. Mais ça ne justifiait pas le verre d’eau.

L’eau froide me surprend. Le choc sur mon visage et mes cheveux est violent. Nous sommes dans la cuisine et j’entends le verre s’écraser au sol lorsqu’elle le lâche. Décidemment, elles se sont donné le mot. J’ai essayé d’être galant avec elle, j’y ai vraiment cru. Je pensais que ça pourrait marcher. Elle m’a demandé si elle avait grossi. Comment je la trouvais. J’ai décidé d’être honnête. La comparer à une ex n’était peut être pas une si bonne idée que ça. La porte claque sur elle. Le silence de l’appartement n’est brisé que par le goutte-à-goutte de l’eau tombant du plan de travail au sol. Il va falloir que je rachète un service de verre.

Je sors faire un tour. J’ai besoin de réfléchir. Pour la première fois, cette rupture me fait du mal. Je crois que j’ai envie de stabilité. Le mot qui me faisait partir en courant il n’y a pas si longtemps. Je crois que j’en ai marre d’être seul à des moments ou d’être accompagné chaque fois différemment lors de mes sorties. Au gré de mes pas, j’arrive devant un bar qui vient d’ouvrir. Je rentre afin de commander une bière. Je m’installe seul à une table, pensif. Elle me manque déjà, je me dis qu’il faut que je laisse passer la soirée mais que je la rappellerai demain. J’ai envie d’être sérieux, de changer. De ne plus être cet homme volage.

Un souffle d’air m’interpelle, un parfum léger me fait lever la tête. Mes yeux accrochent le regard d’une jolie blonde. Je me lève. Et si j’allais l’inviter au restaurant… ?

Par Groux

Texte de Colette

Son désespoir était contenu dans cette goutte…

Dimanche, mai 2015.

Je me suis levée décalquée ; à quatorze heures. La nuit a été longue. L’oxygène était rare. Hier, j’ai fini mon dernier cours aux alentours de dix neuf heures trente. Je revois ma peau recouverte de petits points en surface. J’ai froid. La serviette crisse sur mon corps. Je frotte plus. L’intérieur de la bête demeure humide. En sortant du bassin, l’appel était trop fort. J’ai cédé.

Je nage du matin au soir. Quand ce n’est pas moi qui m’entraîne, je donne des cours. Je vis désormais dans cette bulle remplie d’eau. Un poisson dans son bocal. Qui tourne. Toute la journée. Ma vie est hyper réglée, hyper cadrée. Rien ne dépasse. Rien d’autre non plus d’ailleurs.

J’ai voulu fuir. Je me suis noyée. Sans résister. J’ai bu la tasse. Celle de trop. J’avais rendez-vous là-bas, avec mes anciens copains. Ca faisait longtemps qu’on s’était perdus de vue. Je me suis assise au comptoir. J’ai pris des nouvelles de chacun. Ils n’avaient pas changé. Leurs saveurs étaient intactes. Les sensations que je percevais me semblaient familières. Doucement, j’ai lâché prise.

Dimanche, décembre 2015.

Seule une larme coule le long de ma joue. Tout est là. Je tourne la tête et regarde dehors. Me yeux se perdent dans l’immensité du paysage. Les gouttes ruissellent sur les carreaux. Je ne sais plus vraiment qui je suis. Une autre peut-être. Je voudrais tout arrêter. Débrancher. Quelque chose ne va pas. Je ne vais plus depuis ce soir de mai. Depuis cette noyade programmée…. Je plonge. Impossible de nager en surface. Les mouvements ne s’enchaînent plus. On a coulé le moteur. Je suis engluée, prisonnière de mon corps, incapable de me mouvoir dans l’océan de mon existence. Parfois, j’aperçois le reflet de la lumière au-dessus de moi. Mes yeux sont embués. J’ai dû rêver. Le cauchemar continue. Personne pour me sortir de ce gouffre. Je suffoque. J’étouffe. Entre deux sanglots, j’essaie de reprendre mon souffle. Rien n’y fait. Avant, j’étais bien, l’eau me portait. Maintenant, je traîne ma carcasse nulle part. Je me perds. Je me suis privée de tout. Je n’ai plus rien. Qui suis-je devenue ?

Lundi, avril 2016.

Je m’appelle Mia. Pour m’éloigner de toi, je me suis parée d’écailles et j’ai élu domicile dans un autre liquide. Tu as été mon meilleur ami. Tu es devenu mon pire démon. Dualité incompatible. Aujourd’hui j’ai fait le grand saut. Je suis assise au milieu de mes compagnons d’infortune, ceux qui ont cru au rêve que tu vendais. Aujourd’hui je veux reprendre le dessus, réussir à te quitter à jamais.

Une page se tourne. Je m’appelle Mia, je suis alcoolique.

Par Colette

Texte de Schiele

Jeudi 2 Avril

Mes mains sont calleuses. Donc protégées. Mais pas mon coeur.

Pourtant en fin de carrière d’inspecteur, après tous les drames auxquels j’ai été confronté, sans jamais mettre mes grosses paluches dans le cambouis, ça aurait plutôt dû être le contraire…

Demain, c’est mon pot de départ, et je chiale encore comme un gosse à l’idée de ce dernier dossier qui restera cold case , non résolu.

Je devrais avoir du recul, vouloir oublier son visage, mais je sais déjà qu’elle me hantera. Ca ne m’empêchera pas de mener ma vie de retraité. Mais elle restera en filigrane.

Je la vois déjà surgir aux détours d’un rêve agité ou dans un moment de blues impromptu.

Et il y en aura ; quand j’aurai pris mon compte d’après midi de pêche, de gardes de petits enfants bruyants ou qu’on n’aura plus beaucoup à se dire avec Catherine, à force de passer 24h sur 24 ensemble. Quand les silences, qu’on appréciait dans notre vie active agitée, deviendront juste pesants.

Je reverrai les plongeurs remonter son corps à la surface du canal, ses longs cheveux bruns couvrant ses traits. Je reverrai ses doigts qu’on enfonce dans l’encre pour y récupérer des empreintes qui n’ont mené à aucune identification. Je serai probablement tenté de retourner aux fichiers pour peut-être en exhumer un avis de recherche correspondant, pour coller un prénom, une ville, une histoire sur cette trop jeune macchabé.

Mais ce soir je me couche juste avec mes questions. L’a t’on poussée? A t’elle choisi de ne pas voir la suite? Ne manquera t’elle donc à personne ?

Samedi 5 Mars

Je suis vide, dépouillée, je suis déjà morte à l’intérieur. Je n’ai pas la force de me relever.

A présent, je ne compte plus pour personne.

D’ailleurs pourquoi écrire ces mots qui n’intéresseront justement personne? Je n’ai même plus de larmes, encore moins d’appétit. A peine l’énergie de sortir ce noeud de douleurs de mes tripes pour le coucher en mots dans ce foutu journal intime.

Peut être a t’il fini par me trouver gamine? A 21 ans, encore tenir un carnet avec un cadenas, c’est ridicule, je le sais. Mais c’est pitoyablement le seul compagnon fiable que j’ai depuis l’adolescence.

Anton a du réaliser à quel point je n’en valais pas le coup. Rien qu’écrire son prénom me vrille le bide.

Je savais bien que je ne le méritais pas, que je n’avais pas le droit de rêver. Et pourtant j’ai osé y croire. Quelle idiote d’avoir pû oublier qu’il n’y avait pas de part de gâteau du bonheur pour moi.

Moi l’insignifiante vendeuse de chez petit bateau. Comment ais-je pu me hasarder à penser un seul instant qu’un étudiant brillant comme lui pourrait s’enticher de moi? Et encore plus, rester à mes côtés.

Je me dégoute, me déteste. Je ne ressens envers moi que mépris et colère.

Et me reviennent sans cesse , comme une torture lancinante, ces putains d’ images de NOS moments. J’ai beau les chasser rien n’y fait, elles font effraction dans mon esprit: les balades en vélo, la table en formica, le photomaton collés l’un à l’autre.

Je ne trouve plus le sommeil, je suis à bout. Au bout.

Plus rien n’a d’importance. Je suis seule à présent. A quoi bon continuer sans lui? Je rêvais d’être Amélie Poulain , c’est au fond du canal Saint Martin que je finirai.

Dimanche 28 Fevrier

Ma petite mamie vintage, ma confidente, trop loin pour sauter dans un train et me blottir près de ta cheminée, trop sourde pour que te raconter au téléphone. Me voilà tel un gentilhomme prenant sa plume.

Aujourd’hui, je me suis jeté à l’eau. A toi je peux l’écrire, tu m’as toujours encouragé à m’épanouir. J’ai quitté la douce Louisa. Elle a semblé accepter avec dignité cette annonce.

J’ai presque eu l’impression qu’elle l’attendait, alors même que nous célébrions il y a 15 jours notre première saint valentin.

Oh bien sûr, je lui ai sorti le couplet des lâches.

Que ce n’était pas de sa faute, qu’elle trouverait quelqu’un qui la mérite mieux que moi. Que je n’étais pas prêt pour une relation durable, et qu’elle était de ces femmes qui méritent un respect et un engagement sérieux.

Mamie, je ne veux plus faire semblant, mais je n’ai pas réussi à lui briser le coeur totalement, en lui disant que je pars pour un autre.

Oui UN autre.

Tu me diras probablement que tu savais.

Tu l’as peut être même toujours su, car tu es la seule à me voir vraiment . A me percer à jour, sans attente, ni déception. Alors , je tourne la page que j’ai tentée d’écrire avec des mots qui n’étaient pas les miens. Et j’ose être entièrement moi, avec lui. J’espère que tu l’aimeras.

Par Schiele

Texte d’Ariane

Déboires d’une thérapie

16 février :

Ai rencontré un nouveau patient aujourd’hui, le cas O. 28 ans, célibataire, opticien. Consulte pour traumatisme : témoin du tsunami en Thaïlande en 2004. Sous prétexte qu’il n’avait aucune blessure, il a refusé à l’époque tout suivi psychologique, arguant que ce n’était pas la mer à boire, que l’eau avait coulé sous les ponts etc. Comme on pouvait s’y attendre, décompensation classique via un fait déclencheur (fuite d’eau importante de son voisin de l’étage supérieur) qui a réactivé le trauma récemment. Objet de la phobie : l’eau.

Le patient m’est envoyé par une consœur de Brest car il vient de déménager « dans les terres ». Que veut-il taire ? Ma pseudo-consœur, manifestement pas lacanienne, travaillait avec lui depuis des mois, en vain ! Selon elle, il s’agirait d’une envie régressive refoulée, celle de se baigner dans le liquide amniotique… du grand n’importe quoi ! Ça saute pourtant aux yeux que cette peur de la mer renvoie à la peur de la mère ! Je refuse d’apporter de l’eau à son moulin et à ses propos imbuvables !

Je sens qu’on va faire un bon travail tous les deux. Ça fera un cas d’étude intéressant pour mes étudiants, je vais leur proposer de parier sur le nombre de semaines nécessaires à ma réussite. J’en ai l’eau à la bouche ! Et je sais ce que je donnerai comme exemple à la journaliste qui doit m’interviewer demain. Je vais devenir célèbre, on dira de moi que je suis la bouée de sauvetage de cet homme ! Les patients vont couler à flot, c’est de l’eau bénite !

8 avril :

La phobie du cas O s’accentue de jour en jour.

En résumé, patient très défensif avec des tendances paranoïdes du fait d’un environnement perçu comme dangereux renvoyant au mauvais sein maternel toxique.

Il a ainsi fait couper l’eau et a jeté par la fenêtre sa baignoire « comme ça, plus la peine de me jeter à l’eau » m’a-t-il précisé sur un ton maniaque, en lutte contre des aspects dépressifs. Il a démissionné de son travail, sous prétexte qu’entendre parler de « verre » toute la journée le rendait malade. C’est évident que le problème réside plutôt dans le mot « paire » (père) mais il refuse toujours d’associer sur ses parents. Même quand je l’interroge sur son ancienne vie en bord de mer, il me répond seulement qu’il a dû déménager car ça le dégouttait. Il a arrêté le sport, à cause de la transpiration qui lui donnait des sueurs froides et il ne se lave plus qu’une fois par semaine, avec des lingettes.

Ça me rend fou, me voilà avec le bec dans l’eau ! Et mes étudiants qui me demandent toutes les semaines où on en est, je ne sais plus quoi leur répondre! Il ne supporte même plus la vue d’un simple verre à peine rempli. Son ancienne thérapeute a essayé de me joindre, que vais-je pouvoir lui dire ? Qu’il ne boit plus que du Coca parce que la couleur et le goût lui semblent les plus éloignés de l’eau ? Et encore, au compte-gouttes!

 

Aujourd’hui, il m’a annoncé qu’il ne sortirait plus, de peur qu’il se mette à pleuvoir, pensant que ça le tuerait et il a demandé à ce qu’on fasse les consultations par téléphone. C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ! Hors de question que je laisse ce trouillard anéantir ma réputation et ma carrière ! De toute façon, je dois l’avouer : je déteste les mauviettes, ceux qui se noient dans un verre d’eau. Je n’ai jamais compris comment on pouvait avoir peur de quoi que ce soit alors, d’une goutte d’eau, j’ai du mal à avaler ça ! Heureusement, j’ai une idée pour le guérir. Demain, ce sera le grand jour, c’est décidé : je me jette à l’eau. Aux grands maux les grands remèdes !

19 avril :

Ca y est, M. O. m’a enfin contacté. Dix jours que j’attendais de ses nouvelles mais il parait que les appels sont limités au service des grands brûlés. Certes, pas de peau, il gardera quelques cicatrices mais le voilà enfin débarrassé de sa folie ! Mon plan a fonctionné à merveille, il voue désormais une adoration à l’eau et à ceux qu’il pense être ses sauveurs : les pompiers ! Moi, au moins, je ne me suis pas contenté de discours à l’eau de rose, j’ai agi ! L’inconvénient, c’est que j’ai dû œuvrer en sous-marin, personne n’aurait compris. Mais les vrais héros sont ainsi : ils agissent dans l’ombre pour le bien des autres.

Par Ariane

Texte de Mini697

Le il et moi

24 mars 2004, vers 4h30 du matin

Je n’en peux plus de cet horrible cauchemar. Je suis vidée, impossible de me rendormir, j’en tremble encore. Cela fait déjà plusieurs fois mais aujourd’hui je m’en souviens de manière très claire. C’était si réel, je sens encore sa présence, j’en ai encore la chair de poule, c’est insupportable.

Je l’ai vu arriver de loin, dans la rue, avançant lentement mais sûrement et je savais qu’il venait à moi, tout comme la dernière fois. Il a passé la première porte, la clé n’étant visiblement pas un obstacle, a monté les deux étages, et s’est arrêté. Il a attendu quelques secondes, interminables. Puis, il a passé la seconde porte, aussi facilement que la première. Il s’est approché à petits pas, et tout comme la dernière fois a penché son ombre sans odeur au-dessus de moi. J’ai ouvert les yeux à ce moment là, j’ai hurlé et il est parti.

Je suis épuisée. Je ne comprends pas qui il est, ce qu’il me veut, pourquoi il tient à revenir encore et encore. Je ne sais pas vraiment s’il me veut du mal mais quoi qu’il en soit je n’ai jamais été aussi effrayée de ma vie. J’aimerais tant que cela s’arrête.

3 avril 2008, vers 3h du matin

Il est revenu. J’ai du mal à y croire, il est revenu. Le vicieux, le sournois, j’ai supporté cet enfer durant trois ans puis j’ai cru qu’il me laissait me reconstruire et surtout cru que c’était définitivement fini. Il m’a laissé croire que j’étais guérie, après ces années d’introspection et de recherche d’explications. Il a contourné tous les obstacles mentaux que j’avais érigés, toutes les protections que j’avais imaginées, tous les raisonnements rationnels que je me répétais.

Et ce fourbe, il n’est pas entré par la porte, il n’a pas monté les escaliers, il ne s’est pas penché au-dessus de moi en attendant ce hurlement strident dont il se nourrissait : il a changé, il n’est plus une ombre. Indolore, et désormais incolore, je l’ai encore une fois vu et senti de loin. Je l’ai vu se glisser contre le mur, ramper, sous la forme d’un long trait fin interminable, se mêler aux reliquats de la tempête de la nuit dernière et de la fine pluie d’aujourd’hui et pénétrer l’appartement. Sous forme de gouttes d’eau.

Je ne sais pas comment je l’ai reconnu de si loin alors qu’il avait opté pour une forme inconnue. C’était étrange et imprévisible, mais j’ai senti que c’était lui. J’ai su qu’il revenait quand j’ai vu de loin cette flaque sous ma fenêtre. Je ne comprends plus rien. Tout, absolument tout, était basé sur cette ombre. Sur la signification de cette ombre, sur son mode de fonctionnement, sur son mode d’introduction. Et désormais tout est à refaire. Tout, car plus rien n’a de sens et je me repose les mêmes questions que celles qui m’ont hantée durant trois années. Qui est-il ? Que me veut-il ? Va-t-il revenir ? Et maintenant, que signifie cette eau, cette flaque d’eau ? Inodore, incolore, apparemment insignifiante un soir de pluie, tout comme cette ombre passait inaperçue dans la pénombre.

Je n’en peux plus, je ne peux pas revivre tout cela. Je ne suis pas prête à perdre tout ce que j’ai construit. Et si c’était pire ? Et s’il se mêlait à mon quotidien, en utilisant sa nouvelle forme, plus propice à sa fourberie ? Et s’il me hantait alors que je prépare mon café, que je me brosse les dents, que je me lave les cheveux ou que j’attends le bus sous la pluie ? Que je tire la chasse d’eau au travail, que je sirote un verre de vin avec ma meilleure amie, que je transpire pendant mon footing ? Que j’échange un baiser humide avec mon fiancé, que je marche distraitement dans une flaque d’eau en pensant à ma réunion du matin, que je me crème le corps avant de me coucher, que je bois une gorgée de la bouteille d’eau posée sur ma table de chevet au milieu de la nuit ? Que je croque une pomme fraîchement lavée, que j’enlève le vernis rouge de mes ongles, que mon horrible patron m’envoie ses postillons en pleine figure, que je suis victime du crachât haineux d’un sans abri alcoolique car j’aurais malencontreusement croise son regard ?

Que j’avale ma salive. Que j’hydrate mon corps. Que je vis.

Par pitié, faites que cela s’arrête.

6 juin 2012 – post mortem

Il a eu raison de moi. Il était omniprésent, je l’ai laissé m’envahir. J’ai perdu les batailles successives puis la guerre. A chercher à l’éviter, j’ai tout perdu. J’aurais dû le confronter, lui parler, et surtout comprendre. Je meurs, noyée dans l’océan de mes névroses, asséchée de toute envie de vivre.

Par Mini697

Texte de Lula

La Llorona

1er Avril 2014

Après une nuit blanche passée à parler, à essayer de comprendre, à crier, à le prendre dans mes bras pour le rassurer, à me taire pour le laisser parler, je suis partie de chez lui sans rien dire. Enfermée dans ma voiture, derrière mes grosses lunettes noires, j’ai pleuré. Je n’ai jamais pleuré comme ça pour personne.

Il s’est arrêté au feu rouge à coté de moi. J’ai baissé la vitre, il a pris ma main. Je n’ai pu retenir mes larmes.

Je suis dans cet état depuis 4h ce matin. Depuis qu’il m’a dit qu’il avait besoin de temps… Depuis qu’il m’a quitté.

Je suis chez moi, seule avec ma peine et mes larmes. Pourquoi je pleure autant ? Ce n’est pas moi. Je suis perdue. Anéantie. J’ai l’impression d’être le personnage d’un film à l’eau de rose. Si je continue de pleurer, je risque la noyade. Les vannes sont ouvertes et toute la peine que j’ai gardé au fond de moi pendant des années se déverse maintenant, pour lui, ou à cause de lui, sans que je ne puisse l’arrêter.

Je dois me ressaisir. Je ne suis pas ce genre de fille qui se lamente sur son sort. Et pourtant… Me voilà, le visage humide, les yeux rougis, les gouttes qui coulent sur mes joues sans que je le veuille.

Je ne veux parler à personne. Je ne veux voir personne. Je veux rester seule et pleurer jusqu’à ne plus avoir de larmes. Jusqu’à me dessécher s’il le faut. Je veux juste pleurer en paix.

10 Avril 2014

Tout me semble difficile. Je n’ai plus aucune volonté. Me lever le matin pour aller travailler est devenu une épreuve. Je n’ai jamais été une sentimentale alors me voir dans cet état là me met hors de moi.

L’autre soir, j’ai acheté une bouteille de vin. Je commençais à peine à reprendre le dessus sur mes émotions. Je n’allais pas bien mais j’avais réussi à faire cesser ce flot incessant de larmes. Je buvais tranquillement un verre à la maison quand j’ai reçu un message. C’était lui. Il me demandait comment j’allais. Ces trois petits mots « Comment vas-tu ? » ont eu l’effet d’une bombe sur moi. J’éclatais en sanglots et j’étais à nouveau une fontaine. J’ai répondu que je n’allais pas bien. « Je suis désolé » fut son unique réponse. J’étais furieuse. Je ne pleurais plus seulement de peine mais de rage. Pourquoi avait-il besoin de se manifester pour dire qu’il était désolé ? Pourquoi remuer le couteau dans la plaie ? C’était comme si j’étais en train de me noyer et qu’il venait appuyer sur ma tête pour m’empêcher de sortir la tête de l’eau.

1er Avril 2016

La vie est étrange parfois. Il y a exactement deux ans qu’il m’a quitté. Deux ans que je ne lui ai plus parlé. La première année, je l’ai évité. La seconde je suis passée à autre chose. De l’eau a coulé sous les ponts. Je l’ai oublié. Je l’ai pardonné.

Je me suis arrêtée sur le port cet après midi, dans ce café où je l’avais rencontré pour la première fois, devant lequel il m’avait embrassé la première fois aussi, sous la pluie, comme dans les films. Quand je suis arrivée, je l’ai immédiatement reconnu. J’ai eu un moment de panique. Mais je ne suis plus la même qu’il y a deux ans. Cet océan de larmes dans lequel je me noyais presque tous les soirs avait enfin séché. Alors, j’ai décidé de le saluer. La surprise s’est lue sur son visage quand je me suis approchée de lui. Il ne s’attendait pas à me voir. Il ne s’attendait pas à ce que je lui adresse la parole. Comme il était seul, il m’a proposé de me joindre à lui. Les premières minutes furent silencieuses. On s’observait. Comme si on se découvrait. J’ai lancé la conversation sur des sujets banals. Puis au fil de la conversation, nous avons parlé de nous, de notre histoire. De cette rupture qui n’en était pas une. Il était ému. Triste un peu aussi. La nostalgie nous a gagné. J’ai ri en lui racontant mes torrents de larmes, mes soirées passées à me lamenter, mes nuits folles pour noyer mon chagrin. Il s’est excusé. Il a prit mes mains et m’a demandé pardon. J’ai souris. J’ai pris ses mains à mon tour et je lui ai simplement dit merci. Il n’a pas eu l’air de comprendre. Alors je lui ai expliqué. Durant ces deux ans, j’ai accompli beaucoup de choses, j’ai voyagé, j’ai changé de métier, j’ai appris à profiter du moment présent. Et j’ai réalisé que c’était grâce à lui. S’il ne m’avait pas quitté, je n’en serais pas là. Je n’aurai pas prit le temps de chercher un sens à ma vie. Cette rupture, qui a fait coulé tant de larmes, s’est avérée être le début d’une prise de conscience, d’un grand changement.

Je me suis levée, j’ai posé un baiser sur sa joue et j’y ai trouvé une larme…

Par Lula

Lula, 28 ans, apprentie écrivain! J’aime écrire depuis toujours. Je suis actuellement en recherche d’emploi mais j’ai été coiffeuse, vendeuse, serveuse, et barmaid!

Texte d’Ademar Creach

La boucle est bouclée.

 

            20 juin 1970-4h34. Me voilà. Enfin presque. Depuis le temps que j’attends, et Maman aussi, je vais enfin la rejoindre. Après 9 mois d’attente. Maman adore la mer. Pourquoi je vous dis ça ? Ce ne sera pas sans conséquence pour moi. Certes, cela sera héréditaire. Mais pas seulement. D’abord, évidemment, j’ai été conçue en plein mois d’août. A Palavas-les-Flots. Où l’on retournera en vacances chaque été, en camping, jusqu’à mon adolescence. Peut-être était-ce un pèlerinage ? Mais j’anticipe. Pour l’instant, je ne suis pas encore née. Ce n’est pas faute de pousser. Et le premier élément extérieur avec lequel je vais entrer en contact… c’est l’eau, bien sûr. Eh oui, Maman a décidé d’accoucher dans l’eau. Elle sera une des premières en France. Quand je vous dis qu’elle est fan. Me voici donc. Je flotte ! Je n’en ai pas encore conscience (bon, il faut dire que je n’ai que quelques minutes, là) mais la mer, l’Océan, l’eau, seront des éléments forts toute ma vie. Voire au-delà… Revenons à l’instant présent. A l’heure actuelle, 4h34 donc, je pousse mon premier cri. Maman annonce mon prénom, elle est une pionnière pour ce choix aussi…. sans surprise (Papa n’aura pas eu son mot à dire) : ce sera Océane. Et je suppose que d’ici quelques temps, je vais avoir droit aux bébés-nageurs… Puis ce sera les pâtés de sable sur les bords de la Méditerranée, beaucoup plus tard le voyage de noces en Corse, les vacances au bord de l’eau (quelques concessions seront faites à la mer : les Gorges du Verdon, le Lac Léman…) De toute façon, il me faudra de l’eau. Au moins une fois par an. Et des vacances sans…. ne seront pas des vacances. Seule elle peut m’apaiser.

            22 septembre 2003-21h18. Enfin, j’y suis arrivée. On dit que tous les chemins mènent à Rome. Eh bien, ils mènent aussi… en Bretagne. A Concarneau plus exactement. En fait, le chemin, il n’a pas été tout à fait direct en ce qui me concerne. Il m’aura fallu passer par la région parisienne, bifurquer par les Alpes avant de venir s’installer en famille, non plus pour de simples vacances, mais pour habiter vraiment au bord de la mer. Voire « Face à la mer » comme dit la chanson. C’était écrit, dans mes gênes ! Le rêve donc : appartement avec baie vitrée donnant sur le quai Nul, avec les Glénan en arrière-plan, et début demain en tant que comptable… des chantiers navals Piriou. Il ne pouvait en être autrement. Cela a mis du temps, mais mes compétences et mes envies sont enfin réunies. Ce ne sera pas forcément facile, ni de tout repos…. Mais au moins, je n’aurai plus la France à traverser pour me ressourcer, contempler l’Océan et prendre des grands bols d’air iodé… comme cela a parfois été nécessaire ces dernières années. Enfin, je le sens : les moments difficiles sont derrière nous.

            26 décembre 2004-11h heure locale. Je me trompais. Pour une fois, nous avons eu l’idée d’aller nous reposer au bord de l’eau, certes, mais loin. Notre deuxième voyage de noces, en quelque sorte. Ah, effectivement, c’est beau Les Maldives. Ou plutôt, c’était beau. Désormais, de là où je suis, je ne vois que désolation. Et je suis partie, je n’ai plus d’énergie pour me retenir. La vague est plus forte que moi. J’y suis née et j’y retourne. L’eau entre dans mon corps. Comment aurait-il pu en être autrement ? La boucle est bouclée. L’Océan m’emporte au-delà. Je ne ressens plus rien, je flotte au-dessus de tout. J’espère juste que le tsunami aura épargné mes proches. Bleu, tout est donc bleu maintenant. Comme l’eau. Evidemment.

Par Ademar Creach 

J’ai toujours beaucoup aimé lire, et écrire. De plus en plus, l’envie d’écrire est devenu un besoin, même si ce n’est pas grand-chose (des notes, des anecdotes, des coups de gueule, des objectifs, des textes…). Un atelier d’écriture est pour moi une nouvelle étape, pour me permettre d’avoir des échanges avec d’autres personnes ayant les mêmes centres d’intérêts, la lecture et l’écriture. C’est ma première inscription à un atelier d’écriture, quel qu’il soit.

Proposition 04/2016

Bonsoir, 

Voilà, comme prévu, nous sommes dimanche soir et l’atelier prend fin. Les commentaires ont été clos sur l’ensemble des textes, mais vous gardez bien entendu la possibilité de les consulter. 

Merci pour votre participation à cet atelier !

Attention, il n’y aura, exceptionnellement, pas d’atelier en mai. Je dois participer à un festival littéraire le WE de pentecôte, ce qui rendrait délicat le fait d’être disponible pour rédiger/mettre en ligne les commentaires.

Le prochain atelier aura lieu en juin (lancement le vendredi 3 juin au soir). Les inscriptions sont d’ores et déjà ouvertes pour ceux qui le souhaitent.

Bonne fin de soirée et bonne continuation à vous tous!

Gaëlle

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J’avais lancé à la cantonade (et pour rire, entendons-nous), l’idée saugrenue de faire une proposition d’écriture spéciale « premier avril », à base de poissons et autre blagues enfantines.

Alors à défaut d’assumer totalement cette idée, je vous propose de partir, ce mois-ci de l’élément « eau » pour bâtir votre texte (eau qui, comme chacun sait, est le lieu de vie des poissons, qu’ils soient d’avril ou pas. On se raccroche aux branches comme on peut !).

A vous, donc, d’imaginer une histoire où l’eau jouera un rôle essentiel. Qu’il s’agisse d’un verre à moitié plein (je le préfère à celui moitié vide), qu’il s’agisse des larmes d’une amoureuse éplorée, qu’il s’agisse d’une pluie de mousson ou de l’océan : peu importe. Arrangez-vous simplement pour que l’élément « eau » soit au cœur de votre récit. Il pourra être un personnage à part entière, un élément de décor ou bien un ressort de l’intrigue. Il doit juste être là.

Et puisque le premier avril est une date marquante, vous rédigerez ce texte façon « journal intime » en trois temps successifs, à trois dates distinctes. A vous de voir si ce seront des dates rapprochées ou des dates éloignées.

Bonne écriture !

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