Ateliers d’écriture créative, de fictions, animés par Francis Mizio

Catégorie : CatNov2016

Texte de Groux

« – Pourquoi es-tu assise là, sans rien faire ? Sans rien dire ?

– C’est toi qui me dis ça ? Toi qui es toujours au même endroit ? Que je n’entends jamais même lorsque je m’adresse à toi ? Qui est là depuis des siècles et qui ne voyagera jamais plus loin que cette forêt ? C’est un peu gonflé quand même… »

Quelques minutes passèrent en silence.

« – Tu fais la tête ? Je ne voulais pas te fâcher tu sais. Mais plus personne ne vient me parler. Avant, j’étais le confident de tant de personnes et aujourd’hui, je reste là à me morfondre dans mes souvenirs.

– Non, je ne boude pas. Mais je me demande bien comment tu pourrais faire la différence entre quelque chose que je t’inventerais pour te décrire le monde et quelque chose de vrai.

– Et alors ? Le monde ne serait-il pas plus beau si chacun pouvait le décrire à sa façon ? Un peu de magie et de beauté n’a jamais fait de mal, au contraire. Par exemple, moi j’imagine que les nuages sont de gros morceaux de cotons qui s’en vont adoucir le monde. Ne crois-tu pas que cela soit plus beau que de voir juste un nuage nous gâchant le ciel bleu ? »

Je me laissais prendre au jeu. J’essayais d’imaginer un monde rempli de féérie.

«  – Ce que je vais dire va être un peu enfantin dans ce cas. Mais les arcs-en-ciel ne pourraient-ils pas être des toboggans ?

– Les enfants sont souvent plus sages qu’on ne le croit ! C’est une bonne idée ces toboggans ! Mais, à ton avis, qui pourrait bien les emprunter ?

– Des toboggans à rêves, m’exclamai-je ! Les rêves descendraient du ciel, prendraient toutes leurs couleurs grâce à l’arc en ciel. Puis, ils virevolteraient pour venir se poser, aussi légers que des papillons.

– Les papillons seraient des morceaux de rêves ? Quelle belle image ! Et les rêves non utilisés se transformeraient en aurores boréales pour émerveiller les insomniaques !

– Les lucioles seraient des étoiles tombées sur la terre ?

– C’est pourquoi la mousse existe. Pour amortir leur chute et qu’elles ne se cassent pas. Sinon elles s’éteindraient. Parfois, elles ne tombent pas sur de la mousse. Elles atterrissent sur des feuilles tendues, qui les font rebondir et repartir dans le ciel. On croit alors que ce sont des étoiles filantes, mais en vrai, il s’agit d’une gigantesque partie de trampoline.

– En rebondissant, elles saupoudrent de poudre d’or les toiles d’araignées. C’est pourquoi elles brillent dans la nuit. J’ai d’ailleurs entendu dire que les araignées étaient des couturières. Que leurs toiles étaient de la dentelle pour enjoliver les robes.

– Mais bien sûr, me répondit-il. N’as-tu jamais vu un cortège de mariés ? Le voile est en toile d’araignée et les bulles de rosée sont des miroirs dans lesquels les coccinelles se refont une beauté.

– Et pour partir en voyage de noces, ils partent en plume volante ? Leur destination est un peu aléatoire je crois.

– Détrompe-toi. Lorsque tu vois voler les petites aigrettes blanches des pissenlits, il s’agit en fait d’éclaireurs préparant le voyage et qui sont là pour les guider. Pendant ce temps, nous les arbres agitons nos branches tels des chevaliers avec leurs épées afin de sécuriser le trajet.

– Sais-tu ce qu’ils découvrent quand ils arrivent vers une plage ? Des dunes qu’ils sont obligés de franchir. Ce sont en réalité des géants endormis, bercés par le mouvement du ressac, et qui sont recouverts d’une épaisse couche de poussière après tous ces millénaires.

– Les crabes en ont peur. Ils ont réussi à convaincre tous les autres coquillages qu’il fallait absolument les laisser recouverts de sable. C’est pourquoi toute la journée, ils s’activent pour éviter que le sable ne s’échappe !

– Mais qui est, selon toi, responsable de du mouvement de la mer ?

– C’est une baleine qui s’est fait piquer par un moustique. Et elle se frotte encore et encore contre les rochers pour se gratter.

– Je crois, quant à moi, que les algues sont les cheveux qu’une fée a perdus alors qu’elle voulait se les laver dans la mer. Régulièrement, elle pleure, désespérée de ne plus pouvoir les brosser. Ce sont alors les gouttes de pluie qui tombent sur la terre.

– C’est pourquoi il y a autant de poissons. Ils ont été dépêchés afin de les rassembler et lui rapporter sa chevelure. Mais je crois qu’ils ont oublié leur mission à force de tourner en rond.

– De désespoir, elle jette toutes ses barrettes. Chacune est différente mais peu le savent. Et lorsqu’ils tombent, on croit que ce sont des flocons de neige. »

Au loin, j’aperçus un arc-en-ciel. Je fermais alors les yeux. Sait-on jamais, si un rêve venait saupoudrer mon esprit de ses paillettes.

Texte de Groux

Texte de Schiele

Un salon au parquet élégant et aux moulures désuètes, des bougies de ci de là, un canapé design discrètement taché… la télé est allumée, le son éteint.

– Tu sais quoi ? Ce soir j’ai envie de te dire merci, vraiment . Je ne serais pas la même sans t’avoir rencontrée.

– Houla, mademoiselle est d’humeur sentimentale à la tombée de la nuit ? C’est l’approche du changement de dizaine? La trentaine qui arrive, l’heure de faire le point?

– Fais pas ta rabat joie, pour une fois que je m’ouvre un peu !

– Oh je sais bien l’effet que je te procure, et puis tu n’es pas la seule à chanter mes louanges. Mais voyons si tu seras plus originale que les autres. Quitte à faire le bilan, raconte moi ce que j’ai bien pu t’apporter au fond? N’es-tu pas en train d’essayer de te convaincre? Pour justifier que tu cherches ma compagnie si souvent, depuis si longtemps?

– Ecoute moi cette réponse de blasée! Serais tu trop humble? Non je sais, c’est ta mauvaise réputation qui te fait modérer  ta force, ton impact.

– Ne te cache pas comme tu le pratiques si bien avec tes couches de maquillage. Arrête de ramener l’attention sur moi et répond moi plutôt. De quoi me remercies tu réellement? de t’avoir aidé à passer le temps, d’avoir posé un écran comme un cocon sur ta vie? Rien de bien glorieux si tu veux mon avis. »

…Soupirs… long silence …

– Ok ok, je dois admettre que tu ne m’as pas apporté que du positif. Que parfois, allez même souvent, j’ai préféré rentrer à la maison pour jouir de toi plutôt que de profiter du mouvement de la vie. Et si je suis complètement honnête avec moi, j’irais jusqu’à concéder que j’ai certainement raté des spectacles, des apéros et bon nombre d’autres occasions pour des têtes à tête avec toi. Mais ça serait trop réducteur de ne t’envisager que sous cet angle.

– Bien, déjà un peu moins de déni. Je préfère. Maintenant ça m’intéresse davantage de savoir ce que je représente à tes yeux. Tu sais pour la plupart, je ne suis réduite qu’à une source d’amusement, très légère, superficielle. Tu me dis humble, mais à mon tour d’avouer, j’ai d’autres aspirations quant à mon rôle auprès de vous les humains.

– Ca ne m’étonne pas, j’ai vite compris que ta prédestination pouvait être plus profonde qu’elle n’en avait l’air de prime abord. Tu crois que tu es ici dans quel but alors?

– TsssTsss, ne tente pas encore de retourner la conversation, je ne suis pas tes amis. Ceux auprès de qui tu sais aussi bien avoir une oreille attentive que te défiler quand ils veulent creuser sur tes méandres intérieurs. Arrête de froncer les sourcils, tu vas devoir puiser dans ta cagnotte à Botox plus tôt que prévu, et approfondit!

– Tu le sais mais tu veux vraiment que je la crache ma valda hein? ça t’éclate de l’entendre dire?

– Tu ne me connais pas si bien au final, ce qui m’éclate moi, c’est la vérité. Enfin ta   vérité, derrière le nuage de fumée. Alors vas y balance, qu’est ce que tu as à craindre finalement? Donc pour toi, je suis….? »

D’une voix serrée, presque dans un cri, fuse :

– Une addiction contrôlée! C’est bon, ça va comme ça, tu es satisfaite?

– Rhoo l’ingénieure en chef se fâche. La si souriante Sophie est contrariée de se confronter à ses manies. Ne laissons pas cet échange prendre un tour aussi houleux. Tout avait bien commencé. Je te rappelle que tu voulais me remercier. J’ai dû mal à croire que ça soit pour une dépendance.

– T‘es marrante, tu crois que ça me fait plaisir de me sentir sous ton joug, moi qui n’aspire qu’à la liberté. Encore une ambivalence à ajouter au listing de mes névroses tiens . Je ne suis pas prête de lâcher le divan. Tu m’as rendu le gosier sec, laisse moi le temps d’une pause tisane, je te la ferai ma déclaration. »

Parquet qui craque, le robinet coule, des pas trainant de retour.

Dans une expiration, des mots pressés , comme arrachés :

– Alors voilà, sans toi, certaine portes mentales seraient restées fermées. Tu as orienté la nature de mes fréquentations. Tu as peut être même été le socle d’une partie de mon cercle amical. Ca nous a réuni, entre les délires énormes et les discussions exaltées. Tu as assis ma position de nana cool. Ca collait si bien avec les concerts de NTM. Tu m’as aussi aidée à enfin dormir et c’est pas rien. Fini les rêves, mais adieu à toutes ces heures passées à tourner et gamberger dans mon lit. Tu fais tourner mon imagination et ma machine a fantasmes à plein régime aussi. Tu arrêtes le temps qui passe et qui m’horrifie. Et merde, c’est pas là où je voulais arriver, viens là que je te roule. Tu te tairas si je te fumes.

Par Schiele

Texte de Mini 697

– Il m’aime, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout. Il m’a aimée, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout. Il…

– Oh oh OH, ça va ! On ne va pas y passer la journée.

– Ah ! Tu me réponds enfin. Alors ?

– Alors quoi ? Je ne sais pas moi, j’attends que tu finisses de me dévisser la tête comme tout le monde.

– Je ne comptais pas te dévisser la tête. J’aimerais juste comprendre.

– Qu’attends-tu de moi au juste ?

– D’y voir plus clair. M’aime-t-il ? M’aimait-il ?

– Bon, je pense qu’il t’a aimée, un peu. Souviens toi.

– Je me souviens du premier jour, oui. On était dans ce club, on dansait. Je lui tournais un peu autour, je dois l’avouer. Je ne fais jamais ça, mais bon, je le sentais bien.. il était un peu éméché, il était mignon, il dansait de manière complètement désarticulée et son discours n’avait pas beaucoup de sens à certains moments, à vrai dire pas du tout. Bref, il me plaisait. C’était marrant, c’était léger, sans conséquences.

– Tu lui plaisais aussi, dans ta petite robe bleue et tes talons aiguilles. Il te trouvait mignonne à faire ta fausse timorée. Jusqu’au moment où tu l’as pris par la main et que tu l’as embrassé.

– Ah ! N’est ce pas… ? C’est allé vite ensuite. Très vite, première fois, premier je t’aime, premières vacances.

– On en est au beaucoup la, c’est ça ? Ça annonçait la folie effectivement. C’est allé beaucoup trop vite. Le premier week-end, le premier voyage en train, en voiture, le premier hôtel. Les premiers compromis aussi.

– Oui mais quel week-end ! Non ?

– Oui, oui, c’est sûr.

– Et donc la passion !

– Oui.

– Il fallait surfer sur la vague, disait-il.

– Belle expression.

– Bref, c’était merveilleux.

– Euh..

– Oui ?

– Premières disputes, non ?

– Un peu, oui.

– Beaucoup, non ?

– Oui mais bon ça fait partie de la passion.

– Certes.

– Non ?

– Eh, qui suis-je pour juger ?

– Tu commences à m’ennuyer.

– Déjà ? J’attendais pourtant la folie avec impatience.

– Je vais peut-être finir par te dévisser la tête en fin de compte.

– C’est étonnant, tiens. Allez, ne te vexe pas et va au bout de ta pensée. On décidera du triste sort de ma tête plus tard. A la folie ?

– Les fiançailles, l’emménagement, les projets long-terme. La vie d’adulte. Le rêve, l’extase, la passion, la vraie.

– Tes yeux brillent de mille feux.

– Ben, c’était la passion.

– Fini la passion, ma petite, on en était à la folie.

– Tes sarcasmes me fatiguent.

– Donc, vous étiez fous.

– D’amour.

– Certes.

– Et donc ?

– Quoi donc ?

– Je te tends le micro.

– Quel micro ?

– Quel.. ? Quoi.. ? Mais enfin ! Ecoute, je ne suis pas là pour ressasser le passé.

– Ah mais j’avais pourtant l’impression que ce flash back t’amusait.

– Quid du pas du tout ?

– Le pas du tout ?

– Je ne vais pas faire ma Marie Ingalls plus longtemps. Ca suffit les champs, les fleurs, donc si tu veux garder ta vilaine tête, dis moi pourquoi il m’a quittée.

– Hum pour ta violence peut-être ?

– Moi ?

– Ma pauvre tête…

– Mais tu vas arrêter ton obsession sur ta tête ? Je suis là pour comprendre.

– Ok ok. A toi de me dire, qu’est-ce qui a mis fin à votre folie passionnelle ?

– La réalité.

– Un cassage de figure en bonne et due forme, donc.

– Non, la malchance plutôt.

– La malchance ?

– La maladie, la souffrance, le coup de vieux, la réalité, quoi, la vie de merde, l’envie de se tirer une balle, je ne sais pas quoi te dire, le mec là-haut qui nous fait des farces, tout ça.

– Et en quoi t’a-t-il aimée moins que tu ne l’as aimé  ? Pourquoi es-tu là à me menacer d’arrachage de tête intempestif ?

– Parce qu’il n’est plus, Marguerite.

– Et son amour est parti avec lui ?

– Je ne sais pas.

– Je ne pense pas.

– Qu’en sais tu, Marguerite ?

– Est-ce que tu crois à la résurrection ?

– Non, oui, je ne sais pas… tu n’as plus toute ta tête ?

– Je l’anticipe. Mais surtout, ta robe bleue me semble si près.

– C’est toi ?

– Je crois.

– Tu crois ?

– Les choses deviennent un peu plus complexes de ce côté-là de la barrière.

– Quelle barrière ?

– Quel micro ?

– Pourquoi tant de sarcasmes?

– Euh… vis ma vie de fleur..

– Et donc, ce pas du tout ?

– Il n’y a pas de pas du tout, mon coeur.

– Mais donc ?

– Fais attention au camion, ça fera un peu mal. Mais tu verras, ma chérie, c’est pas si mal la vie de pâquerette. Je t’attends.

Par Mini697

Texte d’Ariane

– Je suis verte,…

– Moi aussi, je suis vert.

– … depuis le début, j’en vois de toutes les couleurs.

– Moi aussi, j’en vois de toutes les couleurs : c’est l’automne.

– Bon, tu veux pas arrêter de m’interrompre ? Je te vois venir. Après, tu vas me raconter que tu es une vieille branche, ça va, j’ai compris. Tu vois pas que j’ai besoin de parler, là ? Je comprends mieux pourquoi on paye si cher un divan, les arbres, c’est chiant !

– C’est bon, j’ai compris, je t’écoute. J’ai rien d’autre à faire, d’façon…

– J’ai l’impression de m’être lancée dans le vide. Je ne maîtrise plus rien. A chaque fois que je me dis que ça va aller, bam, un nouveau truc me tombe dessus ! On m’a dit syndrome génétique puis retard de croissance puis, pfff… Faut vraiment être motivé, tu sais. Enfin non, tu sais pas, toi, c’est facile : pof, une graine, pof ça pousse, emballé, c’est pesé.

– Autorisation de parler ?

– Oh ça va, fais pas ta mauvaise tête !

– C’est pas facile pour moi non plus, il y a de moins en moins de terres fertiles. L’agriculture intensive, la déforestation, les feux de forêts, ça te dit quelque chose ?

– C’est vrai.

– Bon alors et ta graine ?

– Ben, elle pousse pas comme il faut… J’enchaîne les examens à la con. Même pas né et sa vie est déjà une galère. J’aurais jamais imaginé que ça se passerait comme ça…

– Il trouvera la vie encore plus belle, après tout ça.

– T’es gentil, en fait.

***

– J’ai pas réussi à venir te rendre visite plus tôt… Tu ne le vois peut-être pas sous mon gros manteau d’hiver mais j’ai pas, je suis plus, il est…

– Si je te dis que je suis dur de la feuille, tu vas te moquer de moi mais je comprends rien à ce que tu me racontes. Allez, fais voir ton gros bidon !!

– …

– Et merde. J’ai fait une gaffe, c’est ça ?

– Il est parti. Enfin, il est arrivé… Et il est reparti.

– Tu veux pas me raconter depuis le début ?

– Il est arrivé. Si vite. Bien trop petit. J’étais pas prête. Lui non plus. Minuscule. Tellement léger…

– Il était sacrément pressé de te rencontrer.

– Mais il aurait dû rester au chaud tout l’hiver ! J’aurais dû lui dire que le printemps, c’était mieux pour naître. Marceau. On l’a appelé Marceau.

– C’est joli, Marceau.

– Il est arrivé le matin. Et l’après-midi, il était déjà parti.

– Il ne devait pas aimer les couchers de soleil. Il voulait connaitre que le jour.

– C’est dur, tu sais…

– Hé, c’est pas parce que j’ai l’air bourru que je n’ai pas de sève qui coule ! C’est triste, ton histoire.

– J’aurais voulu lui apprendre à sauter dans les flaques, à faire des origamis, à lécher le moule d’un gâteau au chocolat, à chanter dans la rue… Je ne lui ai rien transmis.

– Si. Des racines. C’est essentiel, les racines. Quand on sait d’où on vient, on peut aller n’importe où.

– A quoi ça sert si c’est pour aller au ciel ?

– Non, pas au ciel. Dans le ciel.

***

– J’ai vu une étoile l’autre jour, après ta visite. Je ne l’avais jamais vue. Pourtant, je dors à la belle étoile tous les soirs depuis 300 ans alors, autant te dire que le champion d’astronomie du quartier, c’est bibi ! Je les connais toutes. Je leur donne des noms pour me souvenir d’elles. Mais celle-là, je ne la connaissais pas. Je me suis dit qu’on pourrait l’appeler Marceau.

– C’était une étoile filante ?

– Non. Mais elle était toute petite. Et jolie.

– Tu trouves pas ça bizarre ? Pourquoi ce serait une étoile s’il n’aime pas la nuit ?

– Peut-être qu’il a décidé de rendre la nuit plus belle.

– Tu me la montreras, ce soir ?

***

– Les gens ne comprennent pas comment il peut laisser un si grand vide alors qu’il n’a pas eu le temps de le remplir. Comment il peut me manquer autant alors que je n’ai même pas eu le temps de le connaître.

– Alors, les gens sont cons.

– Demain, je dois reprendre le travail. Je suis censée sourire, prendre soin des autres, les écouter. Et je vais devoir répondre à leurs questions. Je ne vais pas y arriver… Je n’arrive plus à rien.

– S’il y a une chose dont je suis sûr, c’est que le printemps vient après chaque hiver.

***

– Tu crois aux vœux qu’on fait aux étoiles filantes ?

– Je crois aux vœux qu’on fait à toutes les étoiles.

***

– Hé, dis donc, ça fait un bail !

– Je voulais te faire la surprise…

– Oh mais… ohhhhh !!! Marceau va avoir une petite sœur !

Par Ariane

Texte d’Ademar Creach

– Quelle chance tu as, toujours pareille, jamais la même..

– Tu parles d’une chance, une fois je brûle, une fois je suis trempée quand ce n’est pas gelée…

– Mais regardes comme tu es belle : rouge vif, et quel bel ensemble vous formez avec tes amies.

– Des amies ? C’est à celle qui s’accrochera le plus longtemps aux branches, en poussant la voisine pour ne pas être la première à chuter

– Regarde le paysage magnifique que vous formez : jaune, orange, rouge…

– Tu peux toujours t’acheter un tapis multicolore si c’est ce que tu trouves si beau : de toute façon, c’est à ça que nous allons ressembler d’ici quelques jours. Et on va se faire souffler, fouler, balayer, tu parles d’une vie…

– Tu ne te rends pas compte… peut-être que ta vie est plus courte que tu ne souhaiterais, mais elle est belle, colorée. Tu es admirée partout, surtout en ce moment… tu es même le symbole d’un pays.

– Eh bien, il t’en faut peu à toi : un peu d’été indien, et tu deviens lyrique… qu’est-ce que tu as pour tomber comme ça en pamoison au milieu de nulle part ??

– Justement, je suis perdue…

– Ah… ce n’est pas malin de se perdre dans une forêt toute seule…

– Mais non, pas dans la forêt, dans ma vie…

– ???

– Je ne sais plus ce que je veux, où je vais, qui je suis…

– Ouh là, c’est grave, ça. Tu as perdu la mémoire ?

– Mais non ! Ma vie ne me plaît plus, tout me semble gris, terne, vide…alors oui, je t’envie d’être aussi belle, changeante, colorée et légère…. Tout ce qui me manque quoi.

– Hum, évidemment, t’es habillée en noir, alors ça aide pas.

– Tu as raison, j’ai envie de couleurs, de changements.

– Commences par t’habiller autrement !

– Ça doit être le plus facile à faire… mais ça ne servira pas à grand-chose si rien d’autre ne change.

– C’est un début ! Adaptes-toi à tes envies comme j’adapte mes couleurs aux saisons.

– Encore faudrait-il que je sache ce que sont mes envies… Ce qui me plaisait avant m’ennuie maintenant, j’ai envie de nouveauté, de beauté, de légèreté. Tiens, suivre le vent comme toi, pour voir où il m’emportera…

– Euh, généralement, je ne le suis pas, c’est bien lui qui décide de m’emporter plus ou moins loin. Pff, je ne peux même pas m’arrêter pour visiter, moi.

– Voilà, suivre aussi, c’est bien. Ne plus avoir de responsabilités, de contraintes….

– C’est pas gagné. Tu peux toujours vivre en ermite avec nous… mais tu verras, la forêt en hiver, c’est pas top. Je ne serais même plus de ce monde d’ailleurs.

– Mais non, je veux juste trouver ma voie, une autre voie… découvrir qui je suis, ce que je veux vraiment…

– Pas sûre que la psychanalyse avec une feuille d’érable soit le moyen le plus simple d’y arriver… Aïe ! Qu’est-ce que tu fais ??!!

– Je t’emmène avec moi. Je veux te garder en souvenir.

– En souvenir de quoi ? Je ne vais plus être toute desséchée, moi, super comme souvenir…

– En souvenir du jour où j’ai décidé de changer de chemin.

– Ah, c’est pas mal ça, trouver son chemin pendant une balade en forêt. Ce n’est même plus une métaphore. Euh, sans indiscrétion, tu vas faire quoi ?

– M’ouvrir aux nouvelles idées, suivre mon intuition, créer…

– C’est un métier, ça ?

– Non, un besoin… Je ne vais pas tout changer. Ou par petites touches seulement. Oser. Ecrire, dessiner, découper, composer, que sais-je…M’emballer ! T’admirer m’a donné plein d’envies. J’ai des idées à la pelle…

– D’habitude ce sont plutôt les copines et moi que l’on ramasse à la pelle… Bon vent alors !

Par Ademar Creach

Texte de Sandroux

– Dis-moi ! Tu sais nous en faire voir de toutes les couleurs. Selon ton humeur et ton bon vouloir, tu nous offres un soleil éclatant dans un ciel bleu azur ou tu nous envoies des nuages gorgés d’eau provoquant des inondations.

– Crois-moi petite, après tout ce que vous m’avez montré depuis des milliards d’années, le retour de bâton que je vous envoie n’est qu’un faible écho de ce que vous m’avez fait subir.

– Comment ??? Je suis bien curieuse de savoir ce que nous t’infligeons de si désagréable.

– Depuis 4 milliards d’années, vous avez concentré en moi toutes vos espérances et attentes. Au tout début, quand vous êtes arrivés sur Terre, vous me craigniez. Je pouvais jouer avec vos émotions. Votre état d’esprit variait selon mon nuancier de couleur : j’étais bleu et clair, vous partiez à la chasse et la cueillette. A mesure que je m’assombrissais, votre peur croissait. Il fallait voir à quel point vous étiez terrorisés lorsque je jouais avec quelques éclairs et gouttes de pluie. Puis, avec le temps, vos craintes se sont estompées et le pouvoir de force s’est alors renversé. Vous m’avez alors contraint à être le complice de vos grands délires.

– Mais de quoi veux-tu parler ?

– J’ai dû héberger tous vos Dieux, les Grecs, les Latins… Ils ne cessaient de se pavaner à longueur de temps et, par votre faute, je me les suis coltiné pendant quelques siècles. Mes tentatives désespérées pour redevenir l’objet de vos peurs sont restées vaines. J’ai eu beau vous envoyer des pluies torrentielles, elles étaient attribuées à la colère de Zeus. Je vous voyais ensuite vous précipiter lui faire des offrandes pour estomper sa fureur. J’ai voulu attirer votre sympathie en vous envoyant des étoiles filantes, mais non !!!! vous pensiez que c’était Vénus qui vous saluait. Par contre abandonnez toutes vos illusions, les couchers de soleil n’étaient pas de mon propre chef, ce n’étaient qu’une cruche de vin qui tombait de la table de Dionysos lors de ses banquets.

– Ca n’a pas dû être facile pour toi tous les jours mais nous restons tout de même bien attentionnés à ton égard… Nous aimons te regarder…

– Bien attentionnés dis-tu ? Que nenni ! Vous êtes en pleine vendetta. Vous m’en voulez encore de la période préhistorique où j’étais votre bourreau. Et puis la victime s’est rebiffée contre son agresseur : vous avez essayé de m’empoisonner à plusieurs reprises. Vous avez, dans votre chef d’inculpation, plusieurs tentatives d’assassinat, mais je n’en retiendrais que deux : le nuage de Tchernobyl et les pots d’échappement.

– Effectivement je comprends que tu te sentes persécuté mais nous avons toujours les yeux rivés vers toi.

– Mais j’ai perdu toute ma magie…

– Non, nous adorons te regarder. Le soir, tu nous fais profiter de la lune et de constellations d’étoiles. Pendant les journées d’été, ton bleu nous ravit.

– Maintenant que la science de la météorologie a fait son apparition, j’ai perdu tout cachet. Adieu mon mystère !! Tous mes tours de passe-passe ont été décelés par vos scientifiques. Je ne peux plus m’amuser à vous faire des surprises !!! Tous les soirs vers 20h00, la dame du bulletin météo déjoue tous mes plans en vous annonçant quelles surprises je vous avais réservées pour les jours à venir. Vous réussissez à anticiper tous mes cumulus, mes mistrals, mes flocons de neige, mes tempêtes. Néanmoins, j’aime vous voir, de là-haut, vous affoler et vous voir déclencher les alertes sur votre gamme de couleur qui s’étale de vert à rouge écarlate. D’ailleurs, je n’ai pas encore réussi à vous faire déployer « l’alerte noire mauvais temps ».

– Bon, entre nous, on se rend bien compte que cette science n’est pas bien sûre. Tu as conservé de ta splendeur d’antan et n’es finalement pas si prévisible que tu le prétends. Quand Madame Météo nous annonce un soleil resplendissant, nous nous empressons d’oublier nos vestes et enfilons robes et shorts. Je n’imagine pas à quel point tu dois rire dans ton coin en nous voyant nous faire tremper par une de tes averses et rentrer chez nous mouillés de la tête aux pieds…

– Qu’est-ce que je ris à ce moment !!! Pour rien ne te cacher, ça fait partie de mes petits plaisirs qu’il me reste.

Par Sandroux

Proposition 11/2016

Bonsoir, 

Voilà, comme prévu, nous sommes dimanche soir et l’atelier prend fin. Les commentaires ont été clos sur l’ensemble des textes, mais vous gardez bien entendu la possibilité de les consulter. 

Merci pour votre participation à cet atelier !

Pour ceux qui le souhaitent, le prochain atelier commencera le vendredi 2 décembre, et les inscriptions sont d’ores et déjà ouvertes. 

Bonne fin de soirée et bonne continuation à vous tous!

Gaëlle

****

Ce mois-ci, je vous propose une contrainte plus « formelle ». Je vous propose donc d’imaginer un dialogue, et de tenter de construire votre texte au maximum en dialogue, sans forcément trop de paragraphes ou phrases d’introduction/transition.

Pour être plus précise, et pour vous emmener sur des sentiers un peu « fantasques », je vous propose d’imaginer un dialogue entre vous même, et un élément de la nature.

Allez-vous échanger avec le soleil, la mer, les petits cailloux, un ours en colère, ou un arbre centenaire ? Allez vous philosopher ensemble sur la marche du monde, ou simplement parler de tout et de rien ? Serez-vous infiniment sérieux, ou tout à fait comiques ? Parlerez-vous à bâtons rompus, ou le dialogue sera-t-il minimaliste ? A voix haute ou télépathique ? A vous de voir…

C’est donc en quelque sorte le mois rêvé pour les bavards (n’y voyez aucune projection de ma part… !), mais je gage qu’y croiser quelques timides peut être intéressant aussi… !

Bonne écriture à tous !

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