Lettre à toi qui ne la lira jamais
Ce soir, je déambule sur le pont Mirabeau, et il n’y que la Seine qui coule, pas nos amours.
Et rien ne viendra après ma peine.
Ce soir j’emmerde Rimbaud, la poèsie, et ma ville qui ne tiendra pas ses promesses de bonheur et de romantisme.
Ce soir les clichés qui me farcissent la tête depuis l’enfance me débectent. Comme mon coeur d’artichaut d’adolescente de 40 ans. Comme ma naïveté candide qui suplante encore ma raison. Comme mon fonctionnement à l’affectif que ma logique ne parvient pas à endiguer.
Les longues balades près du canal Saint Martin ou entre les maisons surranées des étudiants de la cité universitaire, ce n’est pas avec toi que je les ferai.
Nos amours n’existeront pas.
Elles resteront mon fantasme, ma frustration, mon illusion.
Une histoire que je me serais montée de toutes parts , toute seule certainement même?
J’en n’en saurai rien, car de tout ce désir bouillonnant, toi tu n’en auras jamais vent.
Les après midi en barque sur le lac inférieur pour finir à dîner au chalet des îles, ce n’est pas près de toi que je les passerai.
Qui me dit que tu en aurais voulus? Que c’est avec moi plus qu’avec une autre que tu aurais espérer partager chacun de ces moments?
Les films rétros dans les canapés en cuir rouge du Ciné 13 de Montmartre, ce n’est pas avec toi que je les verrai.
Ce soir, je hais la vie qui nous oblige à choisir et je pleure mon choix de trouillarde.
Je me lamente de t’accorder une importance dont j’ignore si elle est réciproque.
Je ne sais même plus si j’aurais préféré que tu sois au diapason ou que que tu me vois juste comme une rencontre banale, des échanges qui ne laissent aucune empreinte, dans une fête parmi tant d’autres.
Pourtant, notre complicité ce soir là fut immédiate. Même avec tes 10 ans de moins et ton legging panthère de déguisement. J’aurais du me méfier de ton sourire. De cette conversation si fluide, et des rires si vite partagés. Mais justement, j’ai plongé avec spontanéité dans cette rencontre, sans en voir le danger.
Depuis tu es dans mes pensées, trop.
Les expos de fin de journée au grand palais, bercées des doux rayons du soleil traversant sa magnifique verrière, ce n’est pas avec toi que je les admirerai.
Certains diraient que je fais ma crise de la quarantaine. D’habitude, ce sont les hommes bedonnants en voie de calvitie qui ont besoin de cette réassurance.
Est ce ça qui se niche dans mon envie de toi?
Est ce mon couple tranquille et bien établi depuis si longtemps , qui m’emmène vers des envies d’aventure?
Ou mon radar est il bon? Mon inconscient a t’il senti que nous nous compléterions parfaitement bien, à l’image de cette soirée passée ensemble?
Les cocktails raffinés dans des bars d’hotel de luxe, ce n’est pas avec toi que les dégusterai.
Mais que pourrais je t’apporter? Comment espérer que tu puisses vouloir de moi, déjà en train de me faner. Toi qui voudras construire une famille, alors que j’en ai déjà une.
Je fais donc le choix du renoncement, je retourne à ma vie tranquille de néo quadra.
J’en viens à espérer qu’elle soit malheureuse cette vite, pour avoir la force de la froisser.
Peut on oser tout avoir? De beaux enfants, un métier qu’on aime et une vie de femme intense?
Je n’ai que trop appris à accepter la limite. Non c’est non. La sécurité avant tout.
Alors je me dis que ça passera.
Que nos chemins ne se recroiseront plus.
Qu’il faut attendre.
Que je t’oublierai.
Et que dorénavant, je trouverai d’autres ponts pour traverser ma ville.
Par Schiele