Ateliers d’écriture créative, de fictions, animés par Francis Mizio

Catégorie : Melanie

Texte de Mélanie – « Noa »

Jeudi, 14 :00  pm

Un bouquet de ballons multicolores flotte au dessus du lampadaire. Elle a loué une de ces structures gonflables de mauvais goût, qui surplombe la clôture du jardin. La marmaille grouillante rebondit déjà en grand nombre sur ce semblant de château fort en caoutchouc. J’ai préparé un punch tropical. J’y ai versé l’entièreté de ma bouteille de rhum épicé des Antilles, potion magique qui me permettra de survivre à cet après-midi caniculaire.
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Texte de Mélanie – « Comme une chrysalide » *

Le tintement de la chaîne métallique la tenant captive résonna en elle dès l’aube. Elle s’éveilla avec difficulté, la poisseur de l’air ambiant rendant ardue l’émergence de son âme jadis si légère,  à cette dure réalité.

Alvaro s’adressa à elle :

« Jasmine, levez-vous, nous devons quitter au plus vite. Nous avons été repéré ».

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Texte de Mélanie – « Pauvres pauvres ?? »

Inde, Bombay

Le coude pointu de Ravi le sortit brutalement du sommeil alors que le jour se pointait doucement. Il le reçut violemment en plein visage.

« Ravi, calme-toi. Tu as fait un cauchemar. Je suis près de toi. »

Une fois son frère cadet apaisé, Dev se leva avec précaution. Il enjamba Ravi et Amrit, s’assura qu’Anisha et Daya dormaient toujours dans l’autre moitié de l’unique pièce de leur demeure et sortit prendre l’air…

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Texte de Mélanie – « L’éveil » *

Il est treize heures lorsque j’insère la clé dans l’orifice de la serrure. Le vestibule sombre m’apparaît soudainement étranger. L’air qui y flotte s’est densifié. L’ambiance est lourde. Je pénètre dans le salon pour alléger mon malaise. Les photos encadrées qui ornent le col de la majestueuse cheminée de pierre m’apparaissent en filigrane ; arrière-plan figé d’une vie en apparence parfaite. Le vent qui souffle à l’extérieur est si puissant qu’un monticule de cendres entassé dans l’antre du foyer se met soudainement à tourbillonner. L’image d’un colombarium me vient à l’esprit. Ce signe qui m’est destiné dissipe mes doutes. Avec assurance, je craque l’allumette qui modifiera le cours de mon existence. La flamme orangée fusionne avec un coin du papier photo glacé que j’ai libéré de son cadre. Les couleurs chaudes créés par le feu ravivent son teint pâle. Sa jupe terne trop ample pour elle fond lentement jusqu’à son sexe, la rendant presque sensuelle. Une minute s’écoule avant qu’elle ne soit entièrement consumée. Je balance la poussière grise de ses restes sur le monticule de cendres déjà existant. Le cœur léger, je me rends à la cuisine pour rincer les traces de mon crime qui subsistent sur mes phalanges.

Salomé n’est plus. Une nouvelle vie débute pour moi.
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Texte de Mélanie

BOSTON

Ce soir là, d’immenses flocons mouillés et difformes frappaient la baie vitrée, se transformant rapidement en gouttelettes d’eau ruisselant rapidement devant lui.

Ce tableau lui évoqua l’impermanence et la relativité de toute chose et le plongea dans une réflexion sur sa vie. C’est la sonnette stridente de l’appartement qui le sortit de ses songes et le ramena durement à la réalité.

Il courut jusqu’au combiné pour lui répondre.

-Marie, c’est toi?

-Mon amour! Joyeux Noël à l’avance! J’ai une petite surprise pour toi!

Elle escalada les marches 4 à la fois, entreprise périlleuse pour elle qui avait enfilé sa plus jolie robe ivoire brodée de dentelle et ses talons hauts satinés qu’il aimait tant. Elle lui sauta au cou dans l’embrasure de la porte.

Avant même qu’il ne puisse prononcer une syllabe, elle lui tendit une jolie boîte rouge, enlacée d’un ruban blanc soyeux.

-Ouvre-la, ouvre-la je t’en prie!

Engourdi et ralenti par ses récents songes et rêveries, Laurent tira néanmoins doucement sur les extrémités du ruban soyeux, pour honorer l’enthousiasme de Marie. Il ouvrit le paquet. La vue de son contenu le fit basculer dans un état d’excitation et d’euphorie.

-Mais tu es complètement folle, tu m’as acheté une « Apple Watch », celle que je désirais depuis des mois! Cet outil, c’est la liberté ultime…Merci Marie, merci…

La soirée ne pouvait désormais qu’être mémorable…

SHANGHAÏ

Ce matin là, Kazu se réveilla, comme les 28 derniers jours, à 6 heure tapant. Elle se contorsionna pour se libérer de sa couchette et atteindre le niveau du sol. Son lit, 3em en hauteur dans sa chambre de 2 mètres carrés, lui avait été assignée car elle était la plus délicate et la plus agile des 9 cochambreurs qui travaillaient comme elle chez Pegatron, sous-traitants de la « firme de la pomme », une des firmes les mieux cotées en bourse sur la planète . Âgée de 19 ans, elle avait était employée par ce leader mondial depuis maintenant 2 ans, avec de faux papiers. Elle avait pris la décision, à l’age de 17 ans, de quitter son village natal de Pojiao, qui n’offrait aucune perspective d’avenir, pour rejoindre la métropole dans le but d’être engagée par une grande entreprise de sous-traitance. Malgré les conditions de travail difficiles, Kazu était heureuse et vivre d’espoir lui donnait un sentiment de liberté. Logée gratuitement, elle envoyait une partie de son salaire à sa famille et économisait la plus grande part de ses 290 euros mensuels pour fonder une famille.

Comme à l’habitude donc, ce matin là, une fois éveillée, elle inspecta son uniforme et y trouva cette fois une seule blatte, qu’elle retira et déposa dans son flacon habituel. Une fois habillée, elle se mit en route pour l’usine, via les réseaux de tunnels intérieurs annexés aux immeubles d’habitation logeant les travailleurs.

Dans le tunnel nord sur son chemin, elle sortit le flacon de sa poche et s’arrêta à la seule porte de sortie menant sur l’extérieur. Elle huma l’air pollué quelques secondes et déposa délicatement la blatte dans l’herbe, se disant qu’un jour ce serait son tour de quitter l’usine et de partir pour de nouveaux horizons. Elle acheta une boîte repas contenant riz et porc séché et en avala le contenu en déambulant jusqu’à l’entrée de l’usine.

Kazu s’installa à son poste de travail, sur un tabouret trop dur, et se mit en mode automatique, comme à l’habitude. Objectif d’équipe du jour : 10 000 montres.

BOSTON

Ce matin là, Laurent se leva à 6 heures tapant, grâce au réveil-matin de sa super montre. Il envoya un SMS à Marie, toujours via sa super montre, avant de quitter pour son jogging matinal. Durant sa course dans le quartier, il faillit à 3 reprises se fouler une cheville, ses yeux étant fixés sur son rythme cardiaque et le nombre de pas effectués, affichés sur l’écran collé à son poignet.

À son retour, il sauta sous la douche (avec sa super montre évidemment hydrofuge!), se savonna tous les recoins et se surprit à répondre à un SMS qui venait d’entrer… Il en oublia de se laver la crinière et ne s’en rendit compte que lorsqu’il était devant le miroir à s’observer. Il se trouva ridicule face à cet oubli mais n’en fit pas toute une histoire, car sa montre émit un « ding » pour l’informer que les actualités du jour venaient d’entrer dans sa boîte courriel. Le visage blanc de crème à barbe, Laurent interrompît la tâche en cours pour accéder aux grands titres sur son écran miniature :

« Une chinoise de 19 ans meurt suite à 100 heures supplémentaires durant le mois à l’usine Pegatron». Surpris par cette nouvelle cocasse, Laurent se surprit à parler à haute voix :

« Triste, il y a des gens qui sont vraiment asservis en ce bas monde… ».

Par Mélanie

Texte de Mélanie

De son ancienne vie, elle n’avait pu garder que sa vieille bagnole, qui avait été jugée sans valeur par le syndic de faillite, lors de la saisie de tous ses biens il y avait de cela déjà un mois.

Cette vieille Audi 1998, elle n’avait aucun charme ni intérêt pour le commun des mortels, mais elle représentait désormais tout pour Louna.

Elle, dont l’estime s’était construite par l’acquisition continue d’objets luxueux, trouvait désormais refuge dans ce ramassis de tôle rouillée, à la couleur vert bouteille douteuse. Autant dire qu’elle avait raté sa vie, et de façon monumentale.

La banquette arrière de son nouveau domicile, recouverte d’une courtepointe jaunie, lui servait désormais de couchette.

Le coffre, utilisé auparavant pour entreposer ses nouvelles trouvailles lors de séances de magasinage, n’en était désormais plus un au trésor. Louna y avait entreposé le contenu de la grande bibliothèque qu’elle possédait jadis dans son studio grandiose (le syndic n’ayant pas saisi le contenu de ce meuble d’époque, le considérant sans valeur marchande). Recueils classiques, bouquins informatifs et romans historiques l’encombraient désormais à ras-bord. Louna avait possédé chacun de ces ouvrages mais n’en avait lu aucun.

Sans savoir pourquoi cependant, elle avait décidé de les garder, tous ces livres. Peut-être pourraient-ils lui être utiles un jour… Peut-être pourraient-ils la faire briller à nouveau, en masquant le caractère superficiel de son savoir, par leur simple possession. Peut-être lui serviraient-ils à attiser un feu, à l’arrivée des jours glaciaux, la chaufferette de son véhicule étant capricieuse ces dernières années.

La banquette passager s’était quant à elle métamorphosée en garde-manger. Conserves de poisson, craquelins, sachets de noix et autres denrées non périssables y étaient empilés dans de grosses boîtes format bon marché.

La majorité des heures de sa vie se déroulait donc dans un habitacle de 2 mètres carrés, depuis quatre semaines déjà. Au moins une fois par jour, Louna sortait du véhicule, garé dans le stationnement d’un supermarché, pour se dégourdir et pour aller assouvir certains besoins de base dans les toilettes publiques.

Le reste du temps, elle rêvassait en observant les clients déambuler avec leurs paniers débordant de toutes sortes d’objets hétéroclites.

Celle-ci avait choisi ce stationnement parce qu’il était permis aux voyageurs se déplaçant en mobile home d’y demeurer quelques nuits. Elle se considérait aussi comme une voyageuse désormais, à la simple différence qu’elle était actuellement en naufrage dans ce lieu.

Ce soir là, après avoir ingurgité une conserve de thon aneth et ail sur le siège conducteur, en syntonisant une chaîne de musique populaire à la radio, elle tenta de trouver sommeil emmitouflée dans sa courtepointe. Comme à l’habitude, le sommeil ne vint pas. En se retournant, pour adopter une position plus confortable, elle sentit la fermeture-éclair de son pull se coincer dans une portion déchirée de la banquette.

Cette déchirure dans la banquette, résultat d’un incident anodin survenu il y avait de cela une quinzaine d’années, avait changé le cours de son existence.

C’est à ce moment qu’elle se remit à songer à lui de plus belle, sa voiture étant un objet de réminiscence puissant ces derniers jours, le seul objet désormais présent dans sa vie la reliant à son passé.

Pour éviter une montée soudaine d’anxiété, elle y plongea la main dans ce bout de tissu écartelé et l’éventra de plus belle dans un geste brusque et libérateur. Dans la noirceur, elle tâta le matériel synthétique composant la banquette et fit l’inventaire des petits objets s’y étant glissés au fil des années : chewing-gum durci (qu’elle déballa et porta à sa bouche impulsivement), pièce de monnaie, trombone et grains fins d’une substance quelconque non identifiable. Cet exercice eu sur elle un effet calmant et c’est l’esprit un peu plus léger qu’elle s’endormit, le chewing-gum au palais.

 par Mélanie

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